Répondant aux mesures prises contre le groupe médiatique russe RT America aux États-Unis, la Douma russe va voter une loi identique à celle, américaine, obligeant les media étrangers à s’enregistrer comme « agents étrangers ».
La loi devrait être votée la semaine prochaine. La liste des entreprises sera établie par le ministère de la Justice, et on peut s’attendre à ce qu’y figurent CNN, Voice of America et Radio Liberty, ces deux dernières ayant joué un rôle primordial dans la politique de propagande américaine anti-communiste, pendant la guerre froide.
En septembre dernier, Washington exigeait, en effet, que le groupe RT (Russian Today) America, « entreprise américaine », s’enregistre comme « agent étranger » aux termes de la loi sur l’enregistrement des agents étrangers (FARA), avant le 13 novembre. Après avoir fortement protesté de ce nouveau coup des États-Unis contre la Russie, la direction de RT a préféré se soumettre plutôt qu’engager une action en justice dans le cadre de la loi sur la liberté de l’information.
RT a été créé à Moscou par l’agence de presse RIA Novosti en 2005. Son site internet existe dans plusieurs langues (https://www.rt.com et https://francais.rt.com/ en français), sa chaîne de télévision d’information internationale diffusant en anglais, arabe et espagnol, et en français, depuis Paris, en décembre prochain. Aux États-Unis, c’est la deuxième chaîne d’information étrangère la plus regardée. Le groupe dont le siège est à Moscou, emploi plus de 2000 personnes et possède des bureaux à Paris, Londres, Los Angeles, Miami, Delhi et Tel-Aviv.
Comme tout groupe d’information de service public, RT est financé par l’État russe. Ce qui lui a valu une massive campagne de diffamation et de discrédit de la part des politiques et des medias occidentaux, les plus virulents étant les services publics financés par leur gouvernement respectif, comme BBC World, France 24, RFI, Voice of America. Une virulence étonnante en France, particulièrement, où les journalistes ont, pourtant, pour tradition de défendre leurs homologues dans le monde lorsqu’ils sont réprimés ou ostracisés, et de faire de la liberté d’expression et d’information une règle intangible.
La campagne contre RT qui s’est déchaînée particulièrement sur des sujets comme l’ « ingérence russe dans les élections américaines », la Syrie ou l’Ukraine, ne porte, cependant, pas ses fruits. Agissant comme un contre-pouvoir d’information face aux grands media internationaux au service des politiques occidentales, RT, loin d’être une arme de la propagande russe, a le tort d’apporter un vision critique et plurielle des événements qui secouent le monde et de l’actualité. Et c’est bien ce qui gêne. Chaîne de télévision, sites, RT You Tube, Twitter – qui vient d’interdire l’accès à la publicité à RT – ou Facebook, RT touche des millions de personnes dans le monde et son succès n’est pas contesté.
Le 13 décembre 2016, par exemple, la mise sur You Tube par RT de la vidéo de la journaliste indépendante Eva Barlett, dénonçant les mensonges des media occidentaux sur la guerre en Syrie, était vue plus de 700 000 fois et plus de 3 millions de fois sur la page Facebook de In the NOW. Elle était titrée : « ONU : une journaliste démonte en deux minutes la rhétorique des media traditionnels sur la Syrie ». Elle dénonçait, également, le très contesté Observatoire syrien des droits de l’homme où les grands media internationaux puisent leurs sources, et les « casques bleus », dont on connaît aujourd’hui les liens avec les armées rebelles djihadistes à Alep. Cette diffusion a déchaîné une véritable campagne de haine de la part des media français dominants.
En France, la campagne anti-RT est particulièrement virulente, oubliant que France24 et RFI (filiales du groupe France Médias Monde et qui diffusent aussi en Russe), ou l’Agence France Presse sont, comme RT, des entreprises de presse de service public, financées par le gouvernement français. On se rappellera que le candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron, créant un précédent grave, avait interdit l’accès à son QG de campagne, aux journalistes de RT, sans aucune protestation de la profession, au contraire. À nouveau, en septembre 2017, interrogé au cours de la conférence de presse en présence de Vladimir Poutine, par une journaliste qui lui rappelait cette grave atteinte à la liberté d’informer, le président Macron répondait en accusant Sputnik, agence de presse en ligne, et RT d’ « organes d’influence » diffusant des « contre-vérités sur (sa) personne ».
En septembre, à l’occasion de l’annonce du lancement de la chaîne de télévision RT en France, basée à Paris, la revue les « Inrockuptibles » consacrait son numéro à RT. La « Une » représentait Vladimir Poutine en « Big Brother » avec le titre « Poutine vous mate. Avec le lancement en France de la chaîne Russia Today, le président russe veut manipuler l’opinion ». Présidente de RT France, Xenia Federova répondait par une tribune sur le site RT, titrée « Les media mainstream ont cessé de faire leur travail… Dès qu’il est question de RT, il semble que ces élémentaires vérifications soient rarement, voire jamais effectuées, comme si les media mainstream n’entendaient pas laisser les faits faire obstacle à leurs scénarios alarmistes pré-écrits ».
On ne compte plus les titres et articles assassins des grands quotidiens français. Libération, ce n’est qu’un exemple, écrivait, en 2016, sous la plume de Gilles Klein, un article intitulé « Allo Paris, ici Moscou » dans lequel RT France était qualifié de « bourrage de crâne intensif » et de « l’un des media préférés de la fachosphère ». Ce qui n’a pas empêché Libération d’utiliser en y apposant sa signature, une vidéo tournée par RT sur un rassemblement de Nuit Debout à la gare Saint-Lazare, à Paris, et diffusée par RT sur You Tube. Comme tous les autres medias en France (à l’exception d’Afrique-Asie) Libération a perçu les subventions de l’aide de l’État à la presse, soit, pour le quotidien, en 2015, à hauteur de 6 500 000E.
Plus récemment, le 22 septembre dernier, le Monde s’exprimait sur le lancement de la chaîne RT en France « outil d’influence russe », petite phrase assassine systématiquement apposée à RT, et sur l’attitude du CSA, le gendarme français de l’audiovisuel. Ainsi nous apprenons que contrairement à d’autres télévisions étrangères en France, le CSA à qui « cette chaîne (inspire) quelque méfiance » a « inscrit dans la convention de RT des stipulations particulières sur l’honnêteté de l’information ». Les « spécialistes » des « Décodeurs du Monde » ou des « Desintox de Libération » sont particulièrement acharnés sur leurs blogs ou sites.
Quoi qu’il en soit, la petite guerre russo-américaine autour de RT aux États-Unis vient s’ajouter aux tensions entre les deux puissances, particulièrement depuis la guerre en Syrie et les accusations d’ingérence de Moscou dans le scrutin présidentiel. On connaît le pouvoir des medias, et le succès de RT dans le monde, quoi qu’on en pense, n’est pas acceptable par les puissances occidentales et leurs « mainstreams » qui détiennent toujours le monopole de l’information.
RT International en France
Lancée par RT International, RT France diffusera ses programmes télévision à la fin de l’année. Financée sur argent public russe à hauteur de 25 millions d’euros, elle comptera entre 130 et 150 journalistes, tous recrutés en France, et sera dirigée par Xenia Federova, une jeune journaliste russe. Sa promotion a été faite par l’ancien cadre dirigeant du groupe Canal+, à la tête de télé Piu, en Italie au début des années 1980, Emmanuel Gout, une personnalité connue du paysage audio-visuel français. Heureusement qu’il reste encore en France des défenseurs de la liberté d’informer et du pluralisme de l’information, et c’est tant mieux.