
– Mohamed Ben Zayed, président des Émirats arabes unis persiste dans la voie de la normalisation avec l’Etat d’Israël désormais ouvertement gouverné, avec le retour de Netanyahou aux affaires, par une bande de fascistes. DR
Le gouvernement d’extrême droite de Tel-Aviv s’est attiré les critiques du monde arabe mais Abu Dhabi n’a pas considéré qu’il faille annuler les accords d’Abraham.
James M. Dorsey
Pour les Émirats Arabes Unis, rien n’a bougé alors que le nouveau gouvernement du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou n’a pas perdu de temps pour mettre en place une politique consacrée à forcer les Palestiniens à renoncer à la notion d’État indépendant et à se soumettre au dictat d’Israël.
Les EAU l’ont confirmé quand ils ont reçu une délégation israélienne à Abu Dhabi cette semaine pour discuter de sécurité, énergie, tourisme, éducation, tolérance et sécurité hydrique.
Les vingt personnes de la délégation, représentant différents ministères et dirigées par le ministre des Affaires étrangères, le général Alon Ushpiz, étaient à Abu Dhabi pour préparer un deuxième sommet du Neguev prévu au printemps au Maroc.
Les Israéliens sont arrivés dans la capitale émiratie quelques jours après qu’un membre extrémiste du cabinet de Netanyahou, Itamar Ben-Gvir, avait effectué une visite provocante sur l’esplanade des Mosquées (Haram al-Sharif), un lieu sacré pour les Juifs et les Musulmans et le troisième lieu saint de l’islam.
Le premier sommet des ministres des Affaires étrangères des EAU, Maroc, Égypte et Israël s’est réuni l’année dernière dans la ville du Néguev de Sde Boker pour mettre en place des initiatives communes.
La semaine dernière, les quatre États arabes ont condamné la visite de Ben-Gvir. Les EAU, avec la Chine, ont demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies de parler de la visite, et ont décalé plutôt qu’annulé une visite de Netanyahou à Abu Dhabi.
Les EAU, Bahreïn et le Maroc ont établi des relations diplomatiques avec Israël en 2020 tandis que l’Égypte était devenue en 1979, le premier État arabe à signer un traité de paix séparé avec l’État juif.
Le fait que les pourparlers aient commencé au moment où Israël interdisait au ministre des Affaires étrangères palestinien, Riyad Maliki, de voyager signale que les EAU et les autres États ont fait taire leurs protestations plutôt que de dire que les conséquences seraient sérieuses.

– Le ministre des affaires étrangères marocain Nasser Bourita, le plus zélé des pro sionistes du Makhzen, lors d’une rencontre en visio avec ses homologues israélien et américain, à Rabat, le 22 décembre 2021. DR
Le mois dernier, Netanyahou a formé une coalition de nationalistes durs et de partis ultra conservateurs avec un programme gouvernemental qui refuse les droits des Palestiniens et qui, potentiellement, pourrait mener à l’annexion des territoires occupés par Israël pendant la guerre de 1967. Cela pourrait aussi conduire à judaïser des territoires israéliens d’avant 1967 qui comptent une importante communauté palestinienne d’Israël.
L’interdiction faite à Maliki faisait partie d’un ensemble de sanctions comprenant également l’utilisation de taxes collectées par Israël au nom de l’autorité palestinienne pour les victimes israéliennes de violences palestiniennes, et à déduire l’équivalent de paiements faits à des Palestiniens et leur famille accusés d’avoir commis des violences, et de geler les constructions palestiniennes dans la majeure partie de la Cisjordanie.
Parallèlement, Ben-Gvir a demandé l’interdiction de déployer le drapeau palestinien dans des lieux publics sous prétexte d’une « identification avec une organisation terroriste. »
Israël a imposé ces sanctions en réaction au soutien de l’Assemblée générale de l’ONU à une demande palestinienne faite à la Cour de justice internationale pour qu’elle donne son point de vue sur la légalité des politiques dans les territoires occupés de Cisjordanie et de l’est de Jérusalem.
En insistant sur le fait que les Palestiniens ont le droit de s’opposer à l’occupation, Mohammad Shtayyeh, le Premier ministre palestinien a averti que ces mesures pourraient conduire à la dissolution de l’autorité palestinienne.
« Israël s’oppose même à la façon la moins violente de combattre l’occupation » a indiqué Shtayyeh.
Israël prélève quelques 256 millions de dollars américains mensuels de taxes sur les biens et les services destinés à l’Autorité palestinienne mais déduit 85 millions de dollars américains pour des paiements réguliers, des commissions et des sommes payés par les Palestiniens aux familles de prisonniers accusées de terrorisme par l’État juif.
Mohammad Shtayyeh, Premier ministre palestinien : « Seule l’Algérie respecte ses engagements envers la Palestine »
Shtayyeh a indiqué vouloir pousser les États arabes à maintenir leurs promesses de donner aux Palestiniens un bouclier économique. « Seule l’Algérie respecte ses engagements et transfère 52 millions de dollars mensuellement », a précisé Shtayyeh.
Le Premier ministre essaiera probablement d’exploiter la volonté des EAU de faire des affaires avec Israël, comme si de rien n’était, afin d’avoir un soutien financier en compensation. La question est de savoir si les EAU et les autres États peuvent chercher à obtenir des concessions politiques en faveur des Palestiniens dans leurs relations avec le nouveau gouvernement israélien.
Cela faciliterait les choses pour Ben Zayed et pour d’autres leaders arabes prêts à se rapprocher d’Israël malgré la politique de Netanyahou et les opinions des opinions émiraties et arabes.
Selon une enquête récente, le soutien populaire à la normalisation avec Israël a chuté dans les Émirats Arabes Unis et au Bahreïn, durant ces deux dernières années.

– Pendant que les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc intensifient leurs relations avec l’occupant israélien, ce dernier accentue sa politique répressive et tuent même des enfants, comme le montre cette photo. DR
Aux EAU, le soutien est passé de 47% à 25%. Au Bahreïn, seuls 20% de la population soutiennent la normalisation des rapports avec Israël, alors qu’on était à 45% en 2020.
Les fans de football pendant la coupe du monde le mois dernier au Qatar ont manifesté leur opposition à la normalisation des liens avec Israël en refusant de rencontrer leurs homologues israéliens et de répondre aux interviews de médias israéliens. Dans le même temps, des Qataris et certains athlètes, dont l’équipe nationale marocaine, portaient des brassards pro-Palestiniens et déployaient le drapeau palestinien.
Ce sentiment populaire se ressent également dans les chiffres du tourisme. Plus de 150 000 Israéliens ont visité les EAU durant les deux ans et demi passés alors que Bahreïn avait établi des relations diplomatiques avec Israël, mais seuls 1 600 émiratis ont visité Israël depuis la levée des restrictions liées au Coronavirus l’année dernière.
Ben Zayed voit les relations avec Israël comme une protection contre l’Iran, particulièrement depuis qu’avec d’autres leaders arabes il est incertain de la confiance qu’il peut avoir dans les capacités américaines à garantir la sécurité dans la région.
De plus, Ben Zayed espère bénéficier des prouesses technologiques israéliennes afin de positionner les EAU comme pionniers de l’économie du savoir du XXIe siècle.
Source : Responsible Statecraft, James M. Dorsey, 17-01-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises