Ogooué Ivindo, Nord-est du Gabon. Une région de grandes forêts, assez mystérieuse d’ailleurs, tout près du parc national de Minkébé, le plus impénétrable. Impénétrable comme le dossier minier de zone de Bélinga, situé dans les mêmes parages. À la fin du xixe siècle, un géologue français révèle l’existence d’un gisement de fer d’une teneur (64 %) et d’un volume (1 milliard de m3 d’estimation) pour le moins attractifs. Pourtant, les événements mondiaux, la difficulté d’accès, le manque d’intérêt des Français gèlent le projet. Il faut attendre 1955 pour que les confirmations géologiques décident enfin de la création du syndicat de Mékamba, puis de la Somifer, laissant supposer un début d’activité.
En 1987, l’État et ses partenaires peuvent passer à la seconde phase, soit l’attribution du contrat d’exploitation. Mais aucune des discussions conduites n’aboutit. Dernières en date, avant l’arrivée des Chinois, les accords passés entre le gouvernement et la CMTR-CRDV (Brésil). Ils resteront sans lendemain, dénoncés en 2004.
Deux ans ont passé. La Comibel (filiale à 75 % de la China National Machinery et Equipment Corporation) signe un premier accord d’exploitation avec le Gabon. Il prévoit la construction d’un barrage sur les célèbres chutes de Kongou, la création d’un port en eaux profondes à Santa Clara (Libreville) et le percement d’une voie ferrée. Ce qui va provoque une première levée de boucliers, tant au sein des ONG environnementales que de l’opposition.
D’autres bruits circulent aussi sur la teneur d’un second contrat, signé avec la Comibel en 2008, et dont les termes sont restés secrets. À cette époque, malgré la polémique, le président Omar Bongo Ondimba martèle avec fermeté, au nom de l’intérêt de l’intérêt national : « Quoi qu’il en soit, quoi qu’on en dise, Bélinga se fera. » Pourtant, en 2011, Alexandre Barro Chambier, ministre des Mines, et Magloire Ngambia, ministre délégué à l’Économie, dénoncent l’accord signé. « Il a été constaté que, depuis décembre 2007, date d’attribution du titre minier jusqu’à ce jour, Comibel n’a fourni aucun rapport d’activité, preuve de l’absence d’activité sur le terrain. » Le projet Bélinga peut donc repartir de zéro.
Outre la polémique qu’il a pu soulever, il y a certainement une autre raison au blocage. « Bélinga est vaste. Et il n’y a pas que le fer, » explique Désiré Guédon, lui aussi ministre délégué à l’Économie. « Avant, la mine était principalement liée au fer. Nous avons cependant réalisé depuis qu’il y a d’autres mines dans cette zone et qui ne relèvent pas nécessairement de leur domaine d’expertise », poursuit Désiré Guédon, parlant toujours des Chinois de la CMEC. La volonté serait donc de parceller le site. Depuis son arrivée à la présidence, Ali Bongo Ondimba réclame une révision de la convention. Même si les négociations avec la Comibel ne sont pas closes, de nouveaux partenaires pointent le museau.
Ce sera le cas de l’américain Broken Hill Proprietary (BHP), 1er groupe minier mondial. Producteur de bauxite, charbon, diamant, fer, manganèse, pétrole et uranium, BHP est devenu leader de son secteur en 2001, après sa fusion avec le britannique Billiton. Un poids lourd, tout comme le brésilien Vale ou encore Eramet qui exploite le manganèse de Moanda. Mais BHP semble tenir la corde. Les négociations évoluent à grande vitesse. En février 2012, Sosthène Nguéma Nguéma, qui participe à la supervision du projet Bélinga, annonce qu’un premier accord a été signé. On semble aboutir.
Dernier rebondissement ? En mars dernier, BHP ferme ses bureaux à Libreville. La baisse des cours du minerai semble en être la raison. Vale et les Australiens de Rio Tinto ont fait de même. Là encore, comme avec les Chinois, les discussions ne sont pas closes, mais on a dû reprendre le dossier. Actuel ministre des Mines, Régis Immongault annonce pour 2014 l’attribution de la nouvelle convention. La forêt peut dormir tranquille encore un moment. Les pelleteuses ont du chemin à faire.