Pour le moins frileuses, les majors pétrolières ! Pendant près de dix ans, le gouvernement gabonais a eu toutes les peines du monde pour les inciter à prospecter l’offshore profond et ultra profond (de 2 000 à 4 000 m). La raison tenait au coût du forage, environ 50 millions de dollars l’opération. Mais la technologie a évolué et les blocs sont moins difficiles à placer. Depuis 2010, on a donc vu se multiplier les demandes d’attribution. En mars de cette même année, le ministre du Pétrole, Nkoghé Békalé, annonce ainsi le lancement d’un appel d’offres concernant quarante-deux blocs en offshore, sur une superficie de 108 000 km2. Total, Shell, Perenco, Addax Petroleum ou Maurel & Prom se mettent vite sur les rangs. Quelques mois plus tard, ce même ministre suspendait l’opération, pour des raisons éminemment stratégiques. Au grand dam des opérateurs qui vont tous continuer de frapper à la porte.
Février 2011. L’ambassadeur du Japon au Gabon, Motoi Kato, rencontre le ministre en place, Alexandre Barro Chambrier, et lui fait part des ambitions de Mitsubishi, prêt à investir dans la recherche en haute mer. Quelques mois plus tard, la Shell et Andrew Drewett, son représentant, reviennent aussi à la charge et évoquent un investissement possible de 3 500 milliards de francs CFA. Ce qui venait en complément d’un projet d’acquisition sur 7 900 km2. Mais on pourrait aussi parler de l’italien d’Eni-Gabon et surtout du russe IFD Kapital. Sa directrice générale, Olga Plaksina, affiche la ferme intention de sa société de « participer à l’appel lancé par le gouvernement gabonais. Nous envisageons d’investir ici pour 100 millions de dollars américains ». D’après des sources bien informées, le géant russe s’intéresse alors au bloc Antone Marin, situé en eaux profondes au large de Port-Gentil, et détenu par l’américain Valco. Plusieurs autres visites suivront.
En fait, c’est tout le golfe de Guinée qui titille désormais les appétits. Selon les spécialistes, les réserves sont estimées à quelque 24 milliards de barils. Et de comparer la région à la côte brésilienne, avec laquelle existent de nombreuses analogies géologiques. La Guinée Équatoriale, le Cameroun, le Nigeria disposent donc de gisements quasi inexplorés. Pour le Gabon, la prospection s’est limitée pour l’essentiel aux recherches onshore (terre) et offshore (mer) conventionnelles. Le domaine pétrolier s’étend sur 253 507 km2, et 81 % de cette surface demeure en grande partie inexplorée.
Début 2013, l’actuel ministre du Pétrole, Étienne Ngoubou, annonce enfin pour le printemps de cette année le lancement de l’appel d’offres pour l’offshore profond. « Nous l’avions différé, car nous voulions attendre la mise en place des nouvelles réglementations du secteur […]. Ces dernières règles régissant les concessions pétrolières et gazières visent à attirer les investisseurs étrangers et à garantir un développement durable dans les zones d’exploitation pétrolières ou gazières. »
Les investisseurs sont là, les dossiers bien ficelés, et le Gabon entend bien participer à l’aventure. Quelques semaines après la signature de son contrat avec le gouvernement, la Gabon Oil Company exportait son premier tanker de 650 000 barils. Jusqu’ici la commercialisation avait été confiée à Petroline, société privée dont le siège est à Genève. Comme pour ses autres ressources, minerais et bois, l’État compte en retirer des revenus directs. Ce sera d’autant plus possible que le pays maîtrise désormais toute la chaîne industrielle, de la recherche à la commercialisation du brut. Si la production a chuté depuis le pic record de 1996 (18,56 millions de tonnes produites), que les puits historiques Ozouri ou Rabbi Kounga montrent leurs limites, c’est vers le large que l’on regarde désormais. À 4 000 m de profondeur, le coffre noir reste à ouvrir.