« Quand les masques dansent sur la place du village, ils dansent le monde, ils dansent l’histoire du monde. » C’est à peu près dans ces mots que le vieux sage dogon s’était adressé à l’ethnologue blanc qui voulait percer les secrets de l’une des plus sophistiquées civilisations de l’Afrique de l’Ouest.
Dans les niches creusées sur les parois abruptes de la falaise de Bandiagara et dans ses alentours, près de la ville de Mopti, au Mali, vivent les Dogon, peuple d’agriculteurs aux croyances raffinées. Lors du décès d’une personne âgée, à la levée de deuil ou à l’occasion du Sigui, festivité qui se déroule tous les soixante ans, pendant la révolution de l’étoile du commencement, des cérémonies masquées sont organisées dans les villages par les membres de la société secrète Awa. La mimique des gestes, les mouvements des corps et les matériaux utilisés sont autant de symboles censés représenter à la fois la mort et sa conjuration.
Pendant trois jours, du 14 au 16 juin, au musée de quai Branly, à Paris, et également le 10 juin à Cayenne, en Guyane, les paysans membres de l’Awa du village de Sangha seront en tournée à l’étranger. Ces spectacles se déroulent dans le cadre du Festival de l’imaginaire programmé par la Maison des cultures du monde. La manifestation a démarré le 20 mars dernier à la Cartoucherie de Vincennes, en banlieue parisienne, avec le Théâtre d’ombres Wayang Kulit de Solo, à Java, en Indonésie, et se poursuivra jusqu’au 23 juin, avec, en clôture, la représentation de la cérémonie soufie des Mevlevi, du couvent de Sivilikrapi, en Turquie.
Réalisatrice du festival, Arwad Esber, nous a reçus dans les locaux de boulevard Raspail, à Paris, où siège la Maison des cultures du monde. Elle a souligné les éléments importants de cette cuvée 2013 : « La 17e édition du festival veut célébrer le 10e anniversaire de la Convention de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. La presque totalité des artistes à l’affiche est porteuse du patrimoine inscrit sur les listes de cette Convention. »
Depuis sa création, le Festival de l’imaginaire essaye de rapprocher le public de la diversité de la planète à travers des concerts, colloques et expositions concernant les formes culturelles les plus authentiques, enracinées et actuelles, souvent méconnues, des peuples de la Terre. Ce qui pose le problème de la décontextualisation de ces formes transposées sur la scène depuis leur lieu naturel d’expression.
Mais Arwad Esber nous explique : « Même si la présentation des spectacles n’est peut-être pas la même que dans son contexte d’origine, nous essayons d’être les plus fidèles possible à l’original. La tâche est d’autant plus difficile qu’aujourd’hui on se donne de moins en moins le temps de chercher derrière la façade. Néanmoins, nous continuons à stimuler le public pour qu’il puisse s’ouvrir sur d’autres esthétiques, avec un regard divers porté sur le monde. »
Parmi les autres temps forts de la manifestation :
Le muqam des Dolan (Chine), musique et danse ouïgoures. Le 22 avril au Théâtre de la Ville de Paris.
Le maqâm de Bagdad (Irak), Hamed al-Saadi et son Tchalghi Baghdadi. Les 26 et 27 avril à l’Institut du monde arabe (Paris).
Le gagok (Corée), chants lyriques de cour. Le 30 mai et le 1er juin à la Maison des cultures du monde, et le 25 mai à Cayenne.