Le ministère de la Défense a enfin communiqué samedi 30 juin son Rapport au Parlement 2018 sur les exportations d’armement de la France.
Les informations délivrées permettent de connaître les principaux clients de la France en 2017 : Koweït, Qatar, Émirats arabes Unis (EAU), Arabie Saoudite et Inde.
En revanche, les informations contenues dans le rapport ne permettent pas de vérifier le respect par la France du Traité sur le Commerces des Armes (TCA). Pire, tout semble indiquer que la France ne respecte pas le TCA :
– En 2017, la France a livré pour 1,38 milliard d’euros de matériel militaire à l’Arabie Saoudite et pour un peu plus de 210 millions d’euros aux Émirats Arabes Unis (voir le type de matériel en annexe). Les contrats signés représentent également de futures transactions importantes.
– Les Nations Unies ont reconnu à plusieurs reprises dans leur rapport officiel sur la situation au Yémen que des crimes de guerre ont été commis régulièrement depuis le début du conflit en 2014 par les membres de la Coalition (au premier rang desquels figurent Arabie Saoudite et Émirats Arabes Unis)
– Or, le TCA précise que : « Chaque État Partie exportateur, avant d’autoriser l’exportation d’armes classiques relevant de sa compétence et conformément à son dispositif de contrôle national, évalue, de manière objective et non discriminatoire, en tenant compte de tout élément utile, si l’exportation de ces armes ou biens contribuerait ou porterait atteinte à la paix et à la sécurité ; pourrait servir à commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission ; pourrait servir à commettre une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission »
Le rapport au Parlement 2018 sur les exportations d’armements de la France apporte la preuve que du matériel militaire pouvant servir par suite contre des populations civiles continue d’être livré aux belligérants du conflit au Yémen.
Seule l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire (proposition de résolution n°856 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 avril 2018) pourrait permettre de comprendre comment la France peut garantir aux citoyens français que le matériel qu’elle livre ne peut pas être utilisé contre des populations civiles et que notre pays respecte bien ses engagements internationaux.
Signature de contrats en Florence Parly, ministre de la Défense, et Mohammed Ben Salmane, Arabie Saoudite, le 9 avril 2018 à Paris.
(Source : Ministère de la Défense d’Arabie Saoudite)
Annexes :
1- Les types d’armes livrés par la France à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis en 2017 :
- Armes à canon lisse d’un calibre égal ou supérieur à 20•mm, autres armes ou armements d’un calibre supérieur à 12,7 mm (calibre 0,50 pouce), lance-fumées, lance-projectiles et accessoires et leurs composants spécialement conçus.
- Munitions et dispositifs de réglage de fusées et leurs composants spécialement conçus
- Bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériel et accessoires connexes et leurs composants spécialement conçus
- Matériels de conduite de tir et matériel d’alerte et d’avertissement connexe, et systèmes et matériel d’essai, d’alignement et de contre-mesures connexes spécialement conçus pour l’usage militaire, et leurs composants et accessoires spécialement conçus
- Aéronefs, « véhicules plus légers que l’air », véhicules aériens sans équipage (UAV), moteurs et matériel d’« aéronef », matériel connexe et composants spécialement conçus ou modifiés pour l’usage militaire
- Matériel électronique, « véhicule spatial » et composants non visés par ailleurs dans la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne.
2 – Le Traité sur le commerces des armes (extraits)
« Le Traité sur le commerces des armes (TCA), ratifié par la France en 2014, stipule qu’ « un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes classiques s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie » (Article 6.3). « Chaque État Partie exportateur, avant d’autoriser l’exportation d’armes classiques relevant de sa compétence et conformément à son dispositif de contrôle national, évalue, de manière objective et non discriminatoire, en tenant compte de tout élément utile, notamment de l’information fournie par l’État importateur, si l’exportation de ces armes ou biens contribuerait ou porterait atteinte à la paix et à la sécurité ; pourrait servir à commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission ; pourrait servir à commettre une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission » (Article 7.1). Si, à l’issue de cette évaluation et après avoir examiné les mesures d’atténuation des risques disponibles, l’État Partie exportateur estime qu’il existe un risque prépondérant de réalisation d’une des conséquences négatives prévues au paragraphe 1, il n’autorise pas l’exportation (Article 7.3). »
SEBASTIEN NADOT
Député de Haute-Garonne
Commission des affaires étrangères
Président du Groupe d’amitié parlementaire France-Québec