
Act Now, Photographie prise lors de la manifestation des étudiant-e-s contre le réchauffement climatique ©MEG, Johnathan Watts
Malgré les régressions ambiantes sur le plan politique, la dynamique des expositions dans l’Hexagone et ailleurs en Europe ouvre constamment à l’autre.
Un signe de reconnaissance que les rencontres de civilisations -même si advenus dans les affres de l’histoire- ont consenti au rayonnement de ce qui était inconnu aux uns et aux autres, avec les influences mutuelles conséquentes.
En est un exemple probant « Injustice environnementale-Alternatives autochtones », du 24 septembre 2021 au 21 août 2022 au Musée d’ethnographie de Genève, qui « marque le début d’un nouveau cycle d’expositions au MEG venant concrétiser aux yeux du public les orientations stratégiques prises par notre institution en 2019… Finalement, la décolonisation des pratiques muséales et de conception des expositions se concrétise notamment dans ce projet par la participation active dans les processus décisionnels de représentant-e-s des peuples dont les productions culturelles, les images, les connaissances et les discours sont présentés au public… ». Dans la présentation de l’expo, les organisateurs tiennent à préciser : « Les peuples autochtones s’auto-définissent le plus souvent comme les descendants de peuples dont les terres ont été envahies et occupées par d’autres. Ils peuvent avoir des cultures, des langues, des moyens de subsistance et des organisations sociales distincts de ceux de l’État dans lequel ils se trouvent ». Ambitieux, le projet a pris corps avec la présence de huit artistes originaires d’Alaska, du Pacifique, des Sapmi de Norvège, des Amérindiens, du nord du Québec et de Guyane.
Peintures, poèmes, masques et autres artefacts témoignent de l’étonnante diversité d’une inspiration qui demeure néanmoins imprégnée de la présence de la nature et de la surnature. Histoire de rappeler que la protection de la biodiversité est l’un des buts majeurs du projet du Musée. (Serv. Presse Laurence Berlamont-Equey : laurence.berlamont-equey@ville-ge.ch).
Dans le même sens des convergences interculturelles, le Musée des Confluences (le nom est emblématique) de Lyon propose au public trois expositions. « Une Afrique en couleurs » a ouvert ses portes en octobre de l’année dernière et les fermera le 21 août. Le temps d’apprécier les merveilles de l’esprit créatif d’un continent qui évolue perpétuellement en double regard, tourné sur l’imaginaire ancestral de ses populations autant que sur le décryptage de ce de l’autre. L’esthétique éblouissante qui en dérive traverse le temps et se nourrit des apports de territoires lointains. Comme dans le, cas du phénomène de la sape, l’attitude vestimentaire des jeunes brazzavillois, un dandysme tropical qui impose un traitement de choc au grands sorciers de la mode occidentale, les Armani, Versace et autres Saint-Laurent.

Coiffe cérémonielle, Iban (Dayak) Malaisie, Sarawak 20e siècle ©MEG, Johnathan Watts
Mais surtout, dans les bijoux, statuettes, tissus et ustensiles, et mise à part l’extraordinaire superposition de l’ancien et du contemporain, l’explosion de la couleur souveraine oblige à rompre avec l’idée, fallacieuse, du caractère monochrome des artefacts africains.
La deuxième exposition, « Jusqu’au bout du monde, regards missionnaires », a démarré le 18 juin et est programmée jusqu’au 8 mai 2022. Sa conception fait réfléchir sur l’ambivalence de la présence missionnaire dans les pays du Sud. Œuvre de déracinement des croyances et des modes de vie des populations locales, elle contribua également au rayonnement de leurs cultures grâce aux objets offerts aux ecclésiastiques, ensuite ramenés en Occident. Il est le cas des 2 300 artefacts venant d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques et envoyés à « L’oeuvre de la Propagation de la Foi » de Lyon, qui sont aujourd’hui exposés au Musée des Confluences. Sculptures zoomorphes de Polynésie, jeux d’échecs chinois, pierres tibétaines, manuscrits bouddhistes et instruments de musiques stimulent l’imaginaire et aident à se faire une idée des coutumes et de l’histoire de ces peuples.
Troisième événement du Musée de Rhône-Alpes, « Makay, refuge en terre malgache », jusqu’au 22 août 2021, propose un voyage dans la Grande Île. Dans un paysage de canyons et de forêts primaires, et avec le support de vidéos sur écrans géants, le public pourra aller à la rencontre de ces sites splendides et habités par des espèces animales uniques. « Un trésor de nature qu’il convient de protéger », selon le but de l’exposition de sensibiliser à la protection de l’environnement. (Musée des Confluences, 86 quai Perrache, 69002 Lyon. Directrice : Hélène Lafont-Couturier).
De Lyon au Havre, le Muséum d’histoire naturelle de la cité Normande programme, du 5 juin au 7 novembre, « Australie Le Havre – L’intimité d’un lien (1801 – 2021) », avec les expositions « Peindre aujourd’hui en terres aborigènes » aux Archives de la ville du Havre et « Australie, au-delà du Rêve » aux musées d’Art et d’Histoire. L’Océanie est à l’honneur, avec objets scientifiques, artistiques et contemporains puisant leurs sources dans les anciennes traditions culturelles des peuples aborigènes. On propose aux visiteurs un parcours exceptionnel avec collections patrimoniales, créations contemporaines et prises de parole des communautés locales.
Une mention spéciale méritent les créations en ghostnets, présentées en ouverture de l’expo, expression d’un mouvement artistique né en 2009 et consacré à la fabrication d’objets réalisés en filets de pêche récupérés sur les plages. (Musée d’histoire naturelle du Havre. Place du Vieux Marché, 76 600 Le Havre).
Il sied aussi de signaler deux événements passés, car inscrits dans le même contexte culturel.
Du 9 février au 7 juin 2021 a eu lieu au Musée de quai Branly – Jacques Chirac l’exposition « Ex Africa », conçue pour mettre en évidence les liens entre les arts africains anciens et l’art moderne. Ont été ainsi présentées au public les œuvres d’artistes contemporains africains et d’autres originaires des quatre coins de la planète : peintres, sculpteurs, photographes, vidéastes et dessinateurs, dont les ouvrages témoignent pertinemment de cette inspiration qui fait de l’Afrique l’une des matrices essentielles de la création d’aujourd’hui. On citera parmi les autres : Chéri Samba, Romuald Hazoumé, Kader Attia, Annette Messager et Hervé Di Rosa. De ce dernier, natif de Sète, dans le sud-est de la France, nous suggérons les propos suivants, autant critiques que significatifs : « J’ai découvert l’art moderne qui ne retenait que les figures grotesques africaines, ne s’attachant qu’aux formes extérieures, visages géométriques et autres ondulations animales. L’art ancien africain est beaucoup plus que ça, manifestement au-delà de l’approche de ces artistes du 20ème siècle ». L’extrait est tiré du catalogue au titre éponyme Ex Africa, dont l’auteur est l’historien d’art Philippe Dagen.

Masque du saumon Amiilgm Sm’ooygit Hoon par Gyibaawn Laxha – David R. Boxley (1981-) Ts’msyen Etats-Unis, Alaska 2020 ©David R.Boxley
Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de se rendre sur les lieux du Musée, cet ouvrage est indispensable, car à travers les textes des créateurs et les images de leurs œuvres, l’évidence s’impose de l’existence de ce berceau magique du génie contemporain. (Editions Gallimard. Format 192 x 256 mm, 256 pages, 200 illustrations. Prix : 42 euros).
Pour terminer, le deuxième événement, en format 100% digital cause Covid’, a eu lieu le 19 juin. Il s’agit de la 2ème édition du Forum des Peuples Racines. Axé sur les coutumes et les croyances des Lobas (Népal), Mayas (Amérindiens du Sud du Mexique et du Nord de l’Amérique Centrale), Tapirapés (Amérindiens du Brésil), Masaaïs (Afrique de l’Est) et Navajos (Amérindiens de l’Amérique du Nord), le programme a été établi par l’association Ligne Verte, Terre de Paix. Parrain de la manifestation, l’écrivain franco-algérien Pierre Rabhi est l’un des pionniers de l’agriculture écologique en France.
Luigi Elongui