Alors que le CIO vient de désigner Tokyo comme ville-hôte pour les JO d’été de 2020, la course continue pour les candidates à l’Exposition universelle. Mais entre Izmir, Sao Paulo, Ekaterinbourg et Dubaï, seules ces deux dernières semblent réellement prendre de l’avance… Tandis que Vladimir Poutine a surpris le Bureau International des Expositions en adressant son soutien dans une vidéo mise en ligne le 12 juin dernier sur le site officiel créé pour l’occasion par la ville russe, nous sommes allés voir ce qui s’organisait du côté des Émirats Arabes Unis. Reportage.
La course à l’Exposition Universelle de 2020 bat son plein. Seulement, à deux mois de la clôture des votes, tandis qu’Ankara se remet à peine des émeutes qui l’ont fortement secouée, que Brasilia craint une vague non pas de ola mais de guérilla urbaine sur fond de contestation économique et sociale, il ne reste finalement que deux candidates conséquentes : la ville russe d’Ekaterinbourg et Dubaï, la cité la plus importante des Émirats Arabes Unis. Le 12 juin dernier, lors de la 153ème assemblée générale qui se déroulait à Paris, le comité du Bureau International des Expositions ne s’est pas caché d’avoir particulièrement apprécié la présentation mise en avant par la capitale de l’Oural. Or la ville aux 1001 rêves que représente Dubaï semble pourtant ne pas avoir dit son dernier mot…
Au milieu des quelque six cent buildings, imposants piliers protecteurs d’une ville qui n’a véritablement commencé à se développer qu’il y a à peine cinquante ans, fleurissent des centres commerciaux plus extravagants les uns que les autres, des voitures luxueuses et des plages bondées. On peut se demander ce qu’apporterait ici une Exposition universelle. Le Ciel paraît avoir béni ce petit bout de paradis pour ambitieux capitalistes, à huit heures de vol des deux-tiers de la planète et où plus de 200 nationalités cohabitent dans le respect le plus total.
Sur le site de Jebel Ali, le lieu censé accueillir l’Exposition Universelle, ce sont pour l’instant quelques grains de sable qui ornent l’endroit. Mais, armés de 5,2 milliards d’euros, Son Excellence Helal Al Marri, PDG du World Trade Center de Dubaï, souhaite y construire un second World Trade Center, reliant, via des artères routières, la ville à l’aéroport Al Maktoum. Un emplacement à équidistance entre Dubaï et Abu Dhabi, facile d’accès, qui devrait « créer la surprise ». « Avec 438 hectares de terrain, nous aurons largement de quoi recevoir les 25 millions de visiteurs attendus pour cette Exposition », explique l’homme d’affaires. « Une grande place est prévue pour l’occasion, au beau milieu du site, que nous appellerons ‘Al Wasl’, ce qui signifie ‘la connexion’ en Arabe. Clin d’œil à l’emplacement géographique de Dubaï, au carrefour de la Méditerranée et de l’océan Indien, ce qui en fait une plaque financière incontestable dans la région. « Le design, entièrement inspiré des souks traditionnels, rappellera aux voyageurs l’esprit d’échange commercial qui règne depuis des siècles sur la ville » ajoute-t-il. Avant de terminer sur le point crucial : celui du commerce qui justement fera s’accroître l’économie locale. « Au-delà de l’exposition, le site du World Trade Center-Jebel Ali a été conçu pour développer l’économie sur le long terme. C’est dans la continuité du World Trade Center, qui, depuis sa création en 1979, n’a cessé de contribuer à l’expansion de l’économie du Moyen-Orient. Rien qu’en 2012, les 1,85 millions de visiteurs, les 37 000 entreprises qui s’y sont rendues prouvent à quel point cet endroit sert de plateforme pour la région du MENASA ».
Toujours plus fort, toujours plus haut…?
Que peut-on ajouter de plus à tout ce qui existe déjà à Dubaï ? Comment créer la surprise quand tout est déjà hors normes ? Quand s’arrêtera l’expansion de cet émirat où l’on ne manque, en tout cas matériellement, de rien ? C’est la série de questions qui vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on erre sous les 30 degrés qui chauffent la ville en permanence. C’est pourtant avec un esprit insatiable et visionnaire que le souverain de Dubaï, Cheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, également vice-président et Premier Ministre des Emirats Arabes Unis, imagine sa ville en 2020. Plus d’investisseurs, plus de capitaux. Plus d’emplois, aussi. En effet, la victoire de Dubaï donnerait lieu à la création de plus de 277 000 postes, répartis entre autres dans les domaines du tourisme, de la communication, du transport ou du bâtiment…
Pour ce qui est de l’écologie, Dubaï s’engage à réduire les consommations en eau et en énergie, à réutiliser les ressources déjà existantes. Utiliser les eaux usées pour la climatisation des buildings, par exemple. Pour chaque building construit pour l’occasion, 20 % des matériaux utilisés seront des matériaux recyclés. Chaque véhicule qui reliera les pavillons du site de l’exposition sera électrique. Tout sera donc calculé pour gaspiller le moins possible. En trois mots : « réduire, maximiser, réutiliser ».
De la culture, plus que de belles voitures
Bien que le luxe et les excès reviennent souvent lorsque l’on évoque Dubaï, le souhait principal demeure pourtant, pour le gouvernement des EAU, celui d’investir pour la culture. Que les esprits s’initient au savoir, deviennent plus sensibles face à la connaissance de ce qui les entoure. Loin de l’image du Qatar, où tout s’achète, à qui ils ne veulent surtout pas être assimilés, les dirigeants Dubaïotes espèrent profiter de l’Exposition Universelle pour se détacher d’une image « globale » des pays arabes donnée par les médias étrangers. Et de relancer la ville sous un jour nouveau, celui dédié au partage des idées. Combiner le capitalisme financier à la sensibilité artistique, à l’envie de découvrir, à la richesse intellectuelle. Le site du Dubaï Trade Center-Jebel Ali sera non seulement un lieu de concerts, de salons en tout genre, d’activités culturelles, mais devrait aussi inclure une université ainsi qu’un musée national. Business, loisir et éducatif seront dont au programme.
« Connecting Minds, Creating the Future »
Si les moyens financiers ne semblent pas inquiéter le gouvernement des EAU pour faire de l’Exposition Universelle un lieu magique, les gouvernants doivent cependant charmer les membres du BIE avec des idées novatrices. Leur slogan, « Connecting Minds, Creating the Future »*, se base sur trois sous-thèmes : mobilité, durabilité, opportunité. Pour ce qui est de la mobilité, l’émirat promet de débourser 150 millions d’euros à des pays en voie de développement afin de leur permettre d’accéder à l’Expo 2020. En ce qui concerne la durabilité et l’opportunité, les heureux expatriés – ils sont près de 90 % de la population locale – semblent tous d’accord sur leurs conditions de vie, « idéales » pour certains, « apaisantes », pour d’autres. Selon Céline Mohi, directrice marketing chez Carrefour, cette ville est « parfaite pour les personnes passionnées et laborieuses… En tout cas elle à la hauteur de mes attentes ».
Reste à savoir si le BIE verra les choses de la même manière… Réponse en novembre prochain.
Pegah Hosseini
*Connecter les esprits, construire le futur
Entretien avec Son Excellence Reem Al Hashimy, Ministre Chargée des Affaires d’Etat :
– Connecter les esprits, construire le futur… Qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
SE. AH : Depuis toujours, à Dubaï, nous avons misé sur la connectivité. Entre la population, entre les religions et avec le monde entier. Une pensée qui s’explique sans doute par notre position géographique, puisque nous sommes au carrefour de l’est et de l’ouest. Nous n’avons cessé de développer des aéroports, des routes et des buildings, ce qui prouve notre désir de vouloir s’inscrire dans la durée. Nous voulons faire de Dubaï un « rendez-vous », une plateforme mondiale. Même avec 8 millions d’habitants, tout le monde est satisfait et heureux ici. Lorsque vous demandez aux étudiants du monde entier où ils aimeraient vivre plus tard, 85 % vous répondent « Dubaï ». Et gagner une Exposition Universelle permet réellement d’aller dans ce sens. Vous n’imaginez pas à quel point une Expo peut transformer une ville…
– En 1889, lorsque Paris décrocha l’Exposition Universelle, on fit immédiatement construire la Tour Eiffel pour l’occasion. Qu’avez-vous prévu en cas de victoire ?
SE. AH : Si nous gagnons cette expo, nous nous engageons déjà à faire de Dubaï un lieu de partenariat sur le long terme. Et pour ce qui est d’une nouvelle construction, nous avons soumis au BIE un plan directeur de la future infrastructure : un lieu qui accueillerait une université, un musée ainsi que des salles de conférence. Nous souhaitons axer l’après sur l’éducation, l ‘échange cérébral, en parallèle du business. Nous croyons fermement à la philosophie, et nous nous concentrons sur l’esprit des habitants d’ici, comme celui du voyageur. Le succès, combiné au savoir et à l’expérience, nous tient à cœur.
– À quoi ressemblera Dubaï en 2020 ?
SE. AH : Dit comme cela, 2020 semble si loin… Pourtant nous y serons dans seulement sept ans. Nous prévoyons de construire, d’ici là, 70 000 chambre d’hôtel supplémentaires, d’améliorer encore et encore notre système de taxi, de métro… Dubaï sera pour moi dans la continuité de ce qu’elle a été jusqu’à présent. Un endroit remarquable, unique, qui regorge de possibilités. La ville de ceux et celles qui croient en leurs rêves.
– Pourquoi Dubaï devrait-elle gagner ? Qu’avez-vous de plus que les autres villes en compétition ?
SE.AH : Je vais vous donner cinq bonnes raisons … Premièrement, les gens peuvent se rendre à Dubaï facilement. Nous avons des aéroports qui desservent tous les continents, avec de nombreux vols directs. Cela invite les diverses populations et les autres gouvernements, à nous rendre visite. Deuxièmement, Dubaï est une ville sécurisée, saine, stable, sans barrière de langage, vu que tout le monde ici parle l’anglais. Mon troisième argument repose sur le fait que notre ville, alors que la conjoncture mondiale est plutôt morose et que l’on voit partout une sorte de marasme global, permet d’avoir les rêves les plus fous. Nous souhaitons être un lieu d’admiration pour ceux et celles qui souhaitent travailler durement, avec détermination, et avec du résultat. Quatrièmement, nous sommes emblématiques du mondialisme, par nos représentations, notre façon d’exposer, de mettre en valeur. Chaque année, d’énormes expositions sont mises en place et ce dans la plus grande sécurité, puisque notre police travaille conjointement avec les municipalités. Enfin, Dubaï est vraiment un bon endroit pour le business. Les opportunités, les partenariats, la croissance, la mise en place de réseaux… Simple et accessible. Le tout, dans un environnement de rêve !
Propos recueillis par Pegah Hosseini