Le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats de Paris, Hollande nous avait gratifié d’un magnifique discours du Congrès reposant sur cette somptueuse erreur d’analyse : « La France est en guerre ». Et parmi les mesures annoncées pour faire face à cette guerre, figurait comme morceau de choix la constitutionnalisation d’une proposition du FN, la déchéance de nationalité. Un discours unanimement applaudi, avec standing ovation, et toute la smala des commentaires habituels… mais qui était un échec annoncé.
De fait, après maintes contorsions de ce sinistre projet, le Sénat, ce 17 mai 2016, a adopté un texte en contradiction parfaite avec celui obtenu de justesse à l’Assemblée nationale, barrant la route de la modification de la Constitution, et dézinguant le discours du 16 novembre 2015. Pas de déchéance de nationalité dans la Constitution : ça se fête !
On commence par le discours d’Hollande : « Cette révision de la Constitution doit s’accompagner d’autres mesures. Il en va de la déchéance de nationalité. La déchéance de nationalité ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride, mais nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, je dis bien « même s’il est né français » dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité. »
En ligne de mire, les doubles nationaux, rangés dans le camp des possiblement terroristes… Problème ! Ont suivi les critiques fâchées de la bonne gauche, et l’Assemblée nationale a voté la déchéance pour tous les Français, et tant pis s’il faut créer des apatrides,… alors que l’interdiction pour un État de créer des apatrides relève du droit international coutumier.
Le texte est allé au Sénat qui, respectueux du droit international, a refusé de créer des apatrides, et est revenu à la proposition initiale d’Hollande sur la déchéance de nationalité limitée aux doubles nationaux. S’ensuit une grosse colère d’El Blanco,… oubliant que ce qu’a voté le silence de la proposition initiale de Hollande… qui d’après les sondages recueillait 90 % d’opinions favorables…
Tout ceci est désormais dépassé : pour que la Constitution soit modifiée, il faut réunir les deux tiers des parlementaires, et c’est donc définitivement planté.
Voici donc une belle victoire politique donnée aux terroristes, qui obtiennent le spectacle d’un président ridiculisé, d’un parlement impuissant et d’une opinion médusée. Ce dans un pays « en guerre ».
Blog de Gilles Devers, avocat