Alors que l’organisation terroriste Hay’at Tahrir al-Cham, coalition de cinq groupes rebelles djihadistes d’obédience quaidistes, contrôle la province syrienne d’Idlib, deux autres groupes salafistes, d’obédience fréristes (Frères musulmans) et sponsorisés par la Turquie, ont décidé de s’allier contre elle. Une guerre fratricide au moment où l’ensemble des mouvements islamistes reculent sur tous les fronts face à l’Armée arabe syrienne et ses alliés.
«Nous, Ahrar al-Cham et Nour al-Din al-Zenki, annonçons notre fusion sous le nom de Front syrien de libération», ont annoncé le 18 février ces deux groupes islamistes, implantés dans une zone à la frontière des provinces d’Alep et d’Idlib en Syrie. Cette dernière, qui est la seule du pays à échapper aux autorités syriennes, est principalement contrôlée par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham, une coalition dominée par l’ancienne branche syrienne d’al-Qaïda.
Cette fusion est liée à la montée en puissance de Hay’at Tahrir al-Cham dans le nord de la Syrie, selon Sam Heller, analyste à l’International Crisis Group interrogé par l’AFP. «Il s’agit de constituer un contrepoids à Hayat Tahrir al-Cham, qui semble se préparer à une nouvelle confrontation avec Zenki», a-t-il expliqué.
Anciens frères d’armes
Groupe rebelle influent bénéficiant du soutien de la Turquie et de pays du Golfe, Ahrar al-Cham compte parmi ses membres fondateurs de hauts cadres ayant eu par le passé des contacts directs avec Oussama Ben Laden. Le groupe Nour al-Din al-Zenki s’était quant à lui allié à l’organisation terroriste Hay’at Tahrir al-Cham en janvier 2017 durant quelques mois. Ces deux groupes avaient d’ailleurs combattu côte à côte en 2015 contre l’armée syrienne dans la province d’Idlib.
Longtemps soutenue par les Etats-Unis, qui estimait qu’elle regroupait des rebelles «modérés», Nour al-Din al-Zenki a été accusée de crimes de guerre par Amnesty International. Certains de ses membres s’étaient notamment illustrés dans une macabre vidéo de décapitation d’un enfant qu’ils accusaient d’être un soutien de Bachar al-Assad.
Selon Al-Mayadeen, une télévision satellitaire proche de la résistance libanaise, tous les groupes islamistes radicaux sont à pied de guerre après avoir décrété la mobilisation générale en vue d’une ultime confrontation. Au grand bénéfice de l’Etat syrien dont les forces armées ne cessent d’avancer et d’infliger de lourdes pertes à ces groupes.
Selon le site basé à Beyrouth, Al-Masdar, généralement bien informé et proche de Damas les commandos suicide du groupe Ha’yat Tahrir al-Sham (anciennement Jabhat al-Nusra) liées à Al-Qaïda ont lancé une offensive contre cette faction nouvellement formée de Jabhat Tahrir Souriya dans l’ouest Province d’Alep selon certaines sources pro-rebelles.
L’assaut signalé par Ha’yat Tahrir al-Sham contre Jabhat Tahrir Souriya a lieu pas moins d’un jour après la naissance de la fusion entre le groupe Ahrar al-Sham, inféodé aux Frères musulmans syriens et Nour al-Din al-Zenki – un groupe djihadiste présenté en Occident et en Turquie comme « modéré » et proche de l’Armée syrienne libre.
Jusqu’à présent, des sources proches de l’Armée syrienne libre affirment que les positions de Jabhat Tahrir Souriya dans la campagne occidentale de la province d’Alep (la zone principale des opérations du groupe) sont actuellement prises d’assaut par les unités d’assaut Hay’at Tahrir al-Sham. La question de savoir si des armes lourdes telles que des chars et de l’artillerie sont utilisées pour l’attaque n’a pas été clarifiée.
Si les informations sont vraies, alors l’attaque de Hay’at Tahrir al-Sham contre Jabhat Tahrir Souriya représente le point culminant de semaines d’escalade entre le groupe lié à Al-Qaïda et Noor al-Din al-Zenki.
Selon le prédicateur saoudien Abdallah al-Mheisny, la situation sur le terrain est « inquiétante » et que cette nouvelle guerre fratricide risque de tout emporter avec elle. Pour une fois, ce prédicateur radical proche d’al-Qaida dont les discours enflammés promettaient depuis 2011 la victoire imminente contre l’Etat syrien « impie », risque d’avoir raison. Dans le repli stratégique de la myriade de mouvements armés terroristes sur l’ensemble du territoire syrien, ces mouvements s’entretuent et se renvoient la responsabilité de ce repli. Ce scénario est classique. Déjà en Algérie, quand l’Etat algérien avait stratégiquement éradiqué globalement les mouvements terroristes vers la fin des années quatre-vingt-dix, la GIA a éclaté en plusieurs factions qui s’étaient déchirées entre elles et autodétruites. Certains rescapés de ces terroristes n’avaient d’autres choix que de se rendre ou de s’exiler en prospérant, dans l’hinterland sahélien, dans le crime organisé, les trafics de tous genres et le terrorisme aveugle.
Philippe Tourel avec RT, Al-Mayadeen et Al-Masdar