Les Frères musulmans d’Egypte ont commis une erreur stratégique, en nommant l’adjoint le Guide suprême, Khairat al-Shater, comme son candidat à l’élection présidentielle prévue en juin.
L’erreur n’est pas le choix d’al-Shater ou ses qualifications, non, l’erreur est la décision elle-même consistant à désigner un candidat à la présidentielle après avoir juré de ne pas y participer et de rester à l’écart de la compétition.
Les votes au sein du groupe, exprimés dans son conseil, ou Shura où al-Shater a obtenu 56 voix contre 52, révèlent qu’il y a un désaccord sur la question. Il n’est pas approprié qu’un candidat égyptien à l’élection présidentielle reçoive juste un petit peu plus de 50 pour cent des voix au sein de son propre parti, ce qui est vraiment une faible majorité. Ce résultat fera que convaincre d’autres électeurs en dehors du groupe, sera plus difficile, surtout s’il fait face à trois autres candidats islamistes non négligeables : Cheikh Hazem Abu Ismail, Abdel Moneim Aboul Foutouh et le Dr Salim al-Awa, ainsi que d’autres candidats sérieux comme Amr Moussa et Ahmed Shafik.
Les Frères musulmans, qui ont remporté plus des deux tiers des sièges aux élections parlementaires, se trouvaient dans une position de force pour jouer le rôle de faiseur de roi. En raison de sa popularité, le groupe aurait pu sélectionner un candidat à la présidence en soutenant l’un des candidats islamistes et en demandant au peuple égyptien de voter pour lui. Cette stratégie aurait pu leur gagner la loyauté du candidat, et suggérer aussi la neutralité de l’organisation.
La plupart de ces candidats à la présidence ont besoin du soutien de la Fraternité, en particulier Abu Ismail, Abul Futuh et al-Awa. Ils sont aussi islamistes qu’al-Shater, et en termes de compétences, al-Shater n’est pas mieux que quiconque d’entre eux. Ce qui est plus préoccupant est que la nomination d’al-Shater a créé la plus grande division à l’intérieur de l’organisation dans son histoire, dont les effets pourront se faire sentir pendant des années.
Il aurait mieux valu pour la Fraternité et pour l’Égypte qu’un président non-islamiste ait été sélectionné, ou au moins un président qui n’appartienne pas à la Fraternité. Il n’est pas acceptable que le Président, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée populaire ou la tête de l’assemblée constituante soient tous extraits des rangs de la Fraternité. Cela reviendrait à une sorte de dictature, même si elle venait par le biais des urnes, pour ne pas mentionner les conséquences négatives de ce « monopole » sur la réputation de l’organisation.
Cela va également renforcer les craintes des gens, que de voir que le groupe arrive au pouvoir par l’intermédiaire du processus électoral … Si seulement la Fraternité avait appris du parti Ennahda en Tunisie, qui a choisi une personnalité laïque et nationaliste, le Dr Moncef Marzouki, pour être président de la République.
* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.