Des heurts interconfessionnels en chaîne ont éclaté au Caire cette semaine avec un bilan de 7 morts. Plus touchés, les coptes pleurent leurs disparus et décrient « l’absence d’Etat ».
Les coptes sont en état de choc. Pas autant à cause des massacres habituels de punition collective qui éclatent parfois sur fond de fait divers, et souvent suite à une rumeur, mais plus par le caractère inédit de leur humiliation. L’attaque dimanche contre la Cathédrale Saint-Marc, siège de leur patriarche et l’un des hauts lieux de leur communauté, est un fait sans précédent dans leur histoire moderne.
Les agresseurs toujours non identifiés, la police toujours absente, sinon complice, il ne leur reste plus que les condoléances de leurs dignitaires, les semblants d’une réconciliation coutumière et les promesses d’une justice qui, ils le savent bien, ne sera jamais faite.
Après une nuit de violences qui ont fait 2 morts et 89 blessés, le périmètre de la Cathédrale Saint-Marc, à Abbassiya au Caire, ressemblait à un champ de bataille déserté. Des policiers, massivement déployés, veillent sur un calme précaire qu’ils n’ont pas contribué à établir. Ce dimanche 7 avril, des milliers de coptes participaient aux obsèques de 4 de leurs coreligionnaires tués deux jours plus tôt dans un quartier populaire au nord du Caire. Les funérailles, retransmises en direct à la télévision, ont pris une tournure politique lorsque les participants ont scandé des slogans contre le pouvoir islamiste.
Peu après la sortie du cortège funèbre de l’église, les participants ont essuyé des jets de pierres dans la rue. Des scènes de chaos ont suivi, et de nombreux chrétiens se sont réfugiés à l’intérieur de la Cathédrale. Aux côtés des policiers, des groupes de civils échangeaient des projectiles avec les coptes par-delà les murs de la Cathédrale. Des images diffusées en direct montraient des soldats et des officiers de la sécurité encadrant les agresseurs sans intervenir. Le spectacle a duré près de 5 heures. Des jeunes cagoulés en t-shirts se trouvaient à bord de blindés, alors que d’autres tiraient à balles réelles depuis les toits des immeubles donnant sur la cour de la Cathédrale.
Le ministère de l’Intérieur a affirmé de son côté dans un communiqué que des participants aux funérailles avaient endommagé des voitures à leur sortie, « ce qui a provoqué des heurts avec les résidents du quartier ». Des violences sporadiques, à coups de jets de pierres et de tirs de chevrotine, se sont poursuivies toute la nuit de dimanche à lundi. Aucune arrestation n’avait jusque-là eu lieu.
A l’origine, une altercation
Tout a commencé vendredi soir à Khoussous, une région déshéritée du gouvernorat de Qalioubiya où un musulman et 4 coptes ont été tués et 8 autres blessés dans des violences confessionnelles. Les affrontements, qui se sont poursuivis par intermittence, ont à leur origine une altercation qui a dégénéré en échange de tirs d’armes automatiques. Comme par malchance, l’une des parties était chrétienne. Une première victime a été touchée par balle et est tombée. C’était un jeune homme musulman qui se trouvait par hasard dans la rue. Et, inévitablement, l’affaire a pris une tournure confessionnelle. Un prédicateur de la mosquée toute proche aurait appelé ses coreligionnaires à la guerre sainte contre les chrétiens. L’homme en question a rejeté ces accusations, se disant « promoteur de salut ». Selon le père Sourial Younane, prêtre de l’église Saint-Georges, toute proche des lieux des événements, les assaillants ont saccagé et incendié une garderie administrée par l’église, une partie d’une église anglicane voisine, ainsi que plusieurs bâtiments, magasins et voitures appartenant à des chrétiens. Les dégâts ont été confirmés de source judiciaire qui n’a toutefois pas précisé la confession des propriétaires.
Là aussi, les agresseurs ne sont pas identifiés. Là aussi la police était arrivée trop tard. Des habitants musulmans ont affirmé que les assaillants ayant visé les coptes étaient « étrangers au quartier ». Selon eux, les agresseurs étaient des hommes armés et cagoulés transportés à bord de plusieurs camions peu avant le début des événements. Ces mêmes « mains invisibles qui sèment les troubles » dont parlent les autorités. Une trentaine de personnes ont été arrêtées après les faits. Et des initiatives de réconciliation entre les familles sont parrainées par des hommes de religion.
Dans un message de condoléances aux familles des victimes, le pape Tawadros II a promis « que la justice du Ciel sera faite au moment opportun ». A la télé, des dignitaires musulmans et chrétiens défilent incessamment pour appeler « au calme et à l’unité nationale ». De son côté, le président Mohamad Morsi a condamné les violences, affirmant au patriarche qu’il considérait « toute attaque contre l’Eglise comme une attaque personnelle ». Il a également ordonné l’ouverture immédiate d’une enquête.
Ahram Hebdo
10 avril 2013