Morsi s’est aliéné l’armée par sa radicalité anti-Assad.
Morsi annonçant, le 15 juin dernier, la rupture totale avec la Syrie et l’envoi de jihadistes pour combattre le régime de Bachar al-Assad
L’armée égyptienne s’est particulièrement inquiétée de l’évolution politique de Mohamed Morsi quand le président, le 15 juin dernier, a rompu les relations diplomatiques avec la Syrie de Bachar al Assad, a-t-on appris mardi de sources militaires au Caire. Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, s’était exprimé à l’occasion d’un rassemblement de ses partisans, au cours duquel des dignitaires sunnites avaient utilisé le même terme d' »infidèles » pour désigner les chiites libanais du Hezbollah, qui combattent aux côtés des forces d’Assad, et les adversaires laïques et libéraux du président égyptien. Certains dignitaires avaient appelé à la « guerre sainte » contre les chiites et le chef de l’Etat s’était lui-même prononcé pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie. Dès le lendemain, l’armée égyptienne avait prévenu qu’elle ne voulait pas s’ingérer dans les affaires internes d’autres pays du Proche-Orient.
« Les forces armées se sont alarmées de la conférence sur la Syrie, à un moment où l’Etat traversait une crise politique majeure », a expliqué un officier, sous couvert d’anonymat, se faisant l’écho de propos également tenus par d’autres militaires. La constitution égyptienne, dont la dernière révision en date a été adoptée par référendum en décembre, fait de Mohamed Morsi le commandant suprême des forces armées mais les militaires restent dans les faits hors du contrôle du président. Des sources militaires ont rapporté mardi que l’armée égyptienne prévoyait de suspendre la constitution et de dissoudre le parlement dominé par les islamistes si Mohamed Morsi et l’opposition libérale ne parvenaient pas à un accord de partage du pouvoir avant l’expiration de son ultimatum mercredi.
Auparavant, le chroniqueur russe de la Voix de la Russie, Andreï Fedyachine avait signalé la dérive anti-syrienne du président Morsi, qui se comporte plus comme dirigeant de la Confrérie des Frères musulmans que comme le président de l’Egypte.
La déclaration du président islamiste de l’Egypte Mohamed Morsi sur « la rupture complète » de toutes les relations avec la Syrie, avait-il écrit, n’a pas provoqué de surprise, que ce soit chez les Egyptiens ou parmi les experts étrangers. On sait en Syrie que Le Caire, pendant la présidence de Morsi, a toujours manifesté une attitude négative envers le régime de Bachar al-Assad. »
Cela, n’a pas empêché les analystes et les militaires de s’en inquiéter. Car jusqu’ici l’Egypte ne « prenait pas jusqu’à présent aucune part active au conflit syrien, commence à y être impliquée. »
« Un conseiller de Mohamed Morsi, d’après le témoignage du journal de Londres The Guardian (le 16 juin), a déclaré que Le Caire n’empêcherait pas désormais les Egyptiens qui le voudraient d’aider « leurs frères en Syrie ». Naturellement, il s’agit des rebelles armés : la plupart des musulmans égyptiens professent le sunnisme. Cependant que le régime de Bachar al-Assad appartient à la branche alawite du chiisme.
Le président égyptien est intervenu le 15 juin devant milliers de ses partisans lors d’un meeting au Caire et a annoncé la rupture « de toutes les relations avec le régime syrien », le rappel de l’ambassadeur égyptien à Damas et la fermeture de l’ambassade syrienne au Caire. De plus, Mohamed Morsi a demandé au Conseil de Sécurité de l’ONU d’adopter une résolution instaurant une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire de la Syrie. Ainsi, le président-islamiste égyptien soutient Washington qui examine aussi maintenant une telle possibilité.
Cependant, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a prévenu encore une fois le 15 juin que l’instauration de zones d’exclusion dans l’espace aérien de la Syrie, quelle qu’en soit la forme constituerait une violation du droit international.
« Je ne sais pas comment peut évoluer la position des États-Unis, d’autant plus que dans les médias, notamment au Wall-Street Journal, des fuites ont fait état de la création éventuelle en Syrie de zones d’exclusion aérienne protégées grâce au déploiement en Jordanie de batteries de défense antiaérienne Patriot et de F-16. Le journal a communiqué que ce ne serait pas une violation du droit international, étant donné que ce matériel ne serait pas installé sur le territoire syrien et que les avions syriens seraient abattus depuis le territoire de la Jordanie. Point n’est besoin d’être un grand expert pour comprendre que ce sera également une violation du droit international ».
La déclaration de Morsi sur la zone d’exclusion aérienne montre que les États-Unis et leurs alliés examinent concrètement la question de la fermeture des frontières aériennes de la Syrie, selon Bagrat Seiranyan, chef du Centre d’études arabes et islamiques de l’Institut d’orientalisme de l’Académie des Sciences de Russie.
« La déclaration du président Morsi sur l’instauration d’une zone exclusion dans l’espace aérien de la Syrie laisse supposer que les pays occidentaux ont déjà entamé la phase concrète de règlement de ce problème. »
L’opposition égyptienne est convaincue que le président veut profiter du « problème syrien» pour détourner l’attention des problèmes économiques complexes de l’Egypte. « La déclaration de Morsi équivaut à une déclaration de guerre, estime le journaliste égyptien Moustafa Bakari. – Je ne serais pas étonné si demain le président implique l’armée égyptienne dans une guerre contre les frères en Syrie, en poursuivant des buts exceptionnellement confessionnels et en tentant d’amadouer l’Amérique ».
Les leaders de l’opposition affirment que Morsi tente de mobiliser les partisans islamistes à la veille du premier anniversaire de son arrivée au pouvoir le 30 juin. Ce jour-là, des manifestations massives contre le régime de Morsi sont prévues au Caire. Tamarroud (Révolte), principal mouvement principal d’opposition dans le pays est l’initiateur des actions. Il a déjà recueilli plus de 15 millions de signatures exigeant la démission de Morsi. Dans la déclaration du mouvement, il est dit que l’intervention de Morsi le 15 juin « ressemble à l’intervention d’une personne effrayée sentant que sa fin est proche ». L’annonce de Morsi sur « la rupture complète » des relations avec la Syrie n’est renforcée par aucuns décrets spéciaux intérieurs, autorités aéroportuaires du Caire ont fait savoir que les avions continueraient de partir pour la Syrie et d’arriver de Syrie.
Peu de gens se rappellent qu’entre 1958 et 1961, l’Egypte et la Syrie formaient un seul État : la République Arabe Unie.
Andreï Fedyachine et Reuters
Source : La Voix de la Russie et Reuters
3 juillet 2013