Quarante-deux personnes sont mortes lors d’affrontements entre l’armée et des partisans des Frères musulmans à l’aube au Caire.
Le siège du parti des Frères musulmans a été fermé sur décision des autorités égyptiennes, après la découverte d’armes, lundi, a indiqué à l’Agence France-Presse un haut responsable de la sécurité. La police a trouvé « des liquides inflammables, des couteaux et des armes » dans les locaux du Parti de la justice et de la liberté (PLJ), la vitrine politique de la confrérie, a précisé cette source.
Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), la branche politique des Frères musulmans, avait appelé lundi matin au « soulèvement » après la mort de 42 personnes, selon la télévision nationale, lors d’affrontements entre l’armée et des partisans des Frères musulmans à l’aube au Caire. Les heurts ont provoqué le retrait du parti salafiste Al Nour des négociations sur la formation d’un gouvernement. « (Le PLJ) appelle le grand peuple égyptien à se lever contre ceux qui veulent leur voler la révolution avec des tanks et des véhicules blindés, même sur les cadavres du peuple », déclare le PLJ sur Facebook.
L’armée parle d’une tentative d’assaut par « un groupe terroriste » contre le bâtiment de la Garde républicaine où est détenu le président déchu Mohamed Morsi et une source militaire a évoqué « des éléments armés des Frères musulmans ». Les Frères musulmans, de leur côté, avancent le chiffre de 37 morts et accusent les militaires d’avoir violemment réprimé un rassemblement pacifique devant le site. Selon l’armée, un officier a été tué et 40 personnes ont été blessées lors des affrontements. Dans la matinée lundi, deux soldats auraient été capturés par des « pro-Morsi », a annoncé un responsable de l’armée égyptienne. Mohamed El Baradei, chef de l’AIEA et potentiel Premier ministre égyptien, a réclamé une enquête sur ces violences sanglantes.
« Coup d’État militaire »
Al Nour, la deuxième formation islamiste du pays après les Frères musulmans, a estimé que le dialogue politique sur la formation d’un gouvernement de transition était rendu impossible par le « massacre » perpétré, selon lui, par les militaires. « Comme première réponse, nous avons annoncé notre retrait de toutes les facettes des négociations », a déclaré sur Facebook Nader Bakara, porte-parole du mouvement. Gehad El Haddad, porte-parole des Frères musulmans, a affirmé que les tirs avaient éclaté alors que des islamistes étaient assis en prière devant la caserne de la Garde républicaine. « Nous appelons tous les braves patriotes égyptiens à se joindre à nous dans un sit-in pour défendre notre pays contre les traîtres conspirateurs auteurs du coup d’État militaire », a-t-il ajouté sur son compte Twitter.
La chaîne de télévision Al Jazeera a diffusé des images montrant apparemment cinq personnes mortes durant la fusillade et une équipe médicale pratiquant un massage cardiaque sur une personne près du lieu du sit-in des Frères. Des véhicules militaires ont bouclé une vaste zone autour de la mosquée Rabaa Adaouia, où les Frères musulmans n’ont cessé de manifester depuis le renversement du chef de l’État, issu de leurs rangs. L’armée a également fermé deux points sur le Nil.
Slogans anti-Obama place Tahrir
Depuis le renversement de Mohamed Morsi par l’armée mercredi dernier, un magistrat, Adli Mansour, a prêté serment comme président intérimaire, mais les tractations sur la formation d’un gouvernement de transition n’avancent guère. Al Nour avait récusé dimanche les deux hommes pressentis pour devenir respectivement Premier ministre et vice-président, Ziad Bahaa ElDine et Mohamed El Baradei, en soulignant qu’ils étaient tous deux membres du Front de salut national (FSN), une coalition d’opposants libéraux et de gauche. Les salafistes d’Al Nour sont indisposés par le profil des deux candidats : Ziad Bahaa ElDine est un ancien directeur des investissements sous la présidence de Hosni Moubarak, tandis que Mohamed El Baradei est la figure de proue du camp laïque.
Des centaines de milliers d’Égyptiens ont encore manifesté dimanche au Caire et à Alexandrie, les deux principales villes du pays, certains pour appuyer la décision de l’armée et d’autres, moins nombreux, pour demander le retour de Mohamed Morsi à la présidence. Sur la place Tahrir du Caire, où quelque 350 000 personnes avaient convergé, le rassemblement des anti-Morsi a pris en soirée une tournure très anti-américaine, les manifestants accusant Barack Obama de soutenir les Frères musulmans et les médias américains, en particulier CNN, d’avoir qualifié de « coup d’État » l’éviction de Mohamed Morsi par l’armée.
Main tendue
Les États-Unis et l’Union européenne ont exprimé leur inquiétude après la destitution du premier président élu démocratiquement d’Égypte et Barack Obama a demandé à ses services d’examiner si l’aide américaine à l’Égypte -1,5 milliard de dollars par an, principalement destinés à l’armée – devait être révisée.
Le porte-parole du président intérimaire a tendu la main aux islamistes samedi en annonçant que les Frères musulmans seraient autorisés à participer aux prochaines élections, y compris au scrutin présidentiel, mais cela n’a semble-t-il pas entamé la détermination des manifestants. « Nous ne partirons pas tant que Morsi n’aura pas été rétabli dans ses fonctions, ou bien nous mourrons en martyrs », a promis Hanim Ahmed Ali Al Sawi, une femme voilée de 55 ans.
L’un des principaux groupes armés islamistes opérant dans le Sinaï a diffusé dimanche un communiqué menaçant les policiers et les militaires qui mènent la « répression » contre la population de la péninsule.
Le Point.fr 08/07/2013 et agences
Légende : Des partisans de Morsi manifestant le 5 juillet 2013 au Caire. © Hazem Gouda / AFP