Il sera difficile pour les Frères musulmans d’ignorer ce vaste mouvement de protestation.
Les Egyptiens ont clairement fait entendre leur voix. Ils sont sortis par centaines de milliers, au Caire et dans d’autres villes, pour s’opposer «aux tentatives des Frères musulmans d’imposer un nouveau régime dictatorial» à travers la déclaration constitutionnelle, par laquelle le président Mohammad Morsi s’attribue de vastes prérogatives et des pouvoirs exceptionnels.
Une immense foule en colère a occupé la très symbolique place Tahrir, et la scène était tellement intense que de nombreux journalistes et observateurs ont qualifié la journée de mardi comme «le 19ème jour de la révolution du 25 janvier 2011», qui a abouti au renversement de l’ancien président Hosni Moubarak. Il s’agit de la plus forte mobilisation contre le président islamiste depuis son élection en juin. A l’appel de partis politiques opposants et de mouvement et associations de la société civile, plusieurs cortèges ont convergé vers le centre de la capitale égyptienne, pour dénoncer le mouvement des Frères musulmans et le président Morsi, qualifié de «nouveau pharaon». «Dégage!» scandaient de nombreux manifestants place Tahrir, reprenant le slogan emblématique de la révolte populaire du 25 janvier. Une banderole déployée à une entrée de la place proclamait: «Interdit aux Frères musulmans». «Nous ne voulons pas remplacer un dictateur par un autre», affirmait un étudiant, Asser Ayoub, âgé de 23 ans. «Morsi est le président des Frères, pas de la révolution», disait un autre manifestant, Mohammad Rashwan, âgé de 21 ans, dont les témoignages sont recueillis par les agences de presse internationales. Des heurts sporadiques mais violents ont eu lieu dans la journée et mercredi matin près de la place, aux abords de l’ambassade des États-Unis, entre des jeunes et la police, qui a fait usage de gaz lacrymogènes. Une contre- manifestation qui devait être organisée par des partisans de Morsi a été annulée de crainte d’affrontements encore plus violents. Un des militants de l’Alliance populaire, un parti de gauche, est mort asphyxié dans ces accrochages. Il s’agit du troisième décès provoqué par les troubles des derniers jours en Égypte. Plus de 550 personnes ont en outre été blessées. À Alexandrie aussi des milliers de personnes ont manifesté contre le président Morsi sur une grande place bordant la Méditerranée. Les Frères musulmans dans cette ville ont ordonné à leurs partisans d’évacuer le siège de la confrérie, attaqué par des manifestants. À Mahalla, une ville du delta du Nil, des affrontements ont éclaté en soirée. Un responsable des services de sécurité a indiqué que les deux parties s’étaient lancé des pierres au moment où des opposants au président tentaient de prendre d’assaut le siège du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), dont est issu M. Morsi. Le PLJ a, lui, indiqué sur son site Internet que 80 de ses partisans avaient été blessés dans ces heurts et a accusé la police de ne pas être intervenue. Dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge, ainsi que dans les villes de Mansoura, Tanta, Assiout, Sohag et Minya, des rassemblements anti- Morsi ont également eu lieu. La contestation fait boule de neige et une véritable dynamique se met en place. Il sera difficile pour les Frères musulmans d’ignorer ce vaste mouvement de protestation.