Mis en difficulté par le verdict clément du procès Moubarak samedi, Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre du raïs condamné à la prison à vie, a sévèrement mis en cause les Frères musulmans, dont il affronte le représentant au second tour de la présidentielle, le 17 et 18 juin.
Lors d’une conférence de presse, Ahmad Chafiq a appelé les Égyptiens « à choisir pour l’Égypte un président qui en fera un pays pour tous, pas un État pour une seule faction », en allusion à la confrérie islamiste qui, selon lui, va ramener le pays « au Moyen-Âge ».
Défenseur des droits de l’Homme
L’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air a assuré que les droits de l’Homme seraient respectés s’il était élu. « Personne ne sera détenu pour son opinion (…). Les services de sécurité seront liés par la loi et les normes des droits de l’homme. Je représente un État non religieux (…), les Frères représentent un État sectaire. Je représente le progrès et la lumière, ils représentent l’arriération et l’obscurantisme. » Il affirme aspirer à « un État juste, non religieux, moderne » alors que les Frères musulmans ramèneraient l’Égypte « vers le Moyen-Âge ».
L’homme du système
Ahmad Chafiq est accusé par ses adversaires d’être l’homme des militaires qui dirigent le pays depuis la chute de Hosni Moubarak en février 2011. Il a fait campagne sur le thème du retour à la stabilité, cher à de nombreux Égyptiens après 15 mois d’une transition tumultueuse. Mais le verdict clément rendu samedi par le tribunal du Caire, à l’encontre de Hosni Moubarak (prison à vie) et surtout de six des anciens hauts responsables de la sécurité (acquittés), laisse penser que les tenants de l’ancien régime sont toujours au pouvoir. Le succès d’Ahmed Chafiq lors du premier tour de la présidentielle a accru ce soupçon.
Ce dernier affrontera Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans, les 16 et 17 juin au second tour de l’élection présidentielle.
Cette conférence de presse intervient après la condamnation à la prison à vie de Hosni Moubarak et de son ministre de l’Intérieur, ce qui a amené plusieurs dizaines de milliers d’Égyptiens à réinvestir la Place Tahrir au Caire pour dénoncer un verdict qui absout la haute hiérarchie policière dans la mort des manifestants de la place Tahrir. Des manifestations sont organisées dans tout le pays.
L’ancien président égyptien, Hosni Moubarak, 84 ans, a été condamné à la prison à vie pour la mort de manifestants durant la révolte contre son régime en janvier-février 2011, au terme de dix mois d’un procès qui se voulait historique. Il a été le premier des dirigeants emportés par le « Printemps arabe » à comparaître en personne devant un juge. Son ancien ministre de l’Intérieur Habib el-Adli, jugé lui aussi pour la mort de plus de près de 850 a également été condamné à la prison à vie. En revanche, six anciens hauts responsables des services de sécurité ont été acquittés. Et les deux fils de Moubarak, Alaa et Gamal, qui comparaissaient également, n’ont pas été condamnés, les faits de corruption qui leur étaient reprochés étant prescrits, selon le président de la cour, le juge Ahmed Rifaat.
Acquittements et mesure de clémence
Même si un autre procès les concernant doit toutefois s’ouvrir prochainement, pour une affaire de corruption boursière, ces acquittements de fait ont jeté le trouble dans l’opinion publique égyptienne. Au point que la condamnation à perpétuité de l’ancien raïs est apparue comme une mesure de clémence. Devant le tribunal, une vingtaine de membres des familles de victimes, brandissaient des portraits de leurs proches. « Exécution pour le fils de chien ! », « Trente ans de torture et de meurtre de la jeunesse, il faut que le déchu soit exécuté », scandaient-ils.
Manifestation place Tahrir et partout dans le pays
La page Facebook « Nous sommes tous Khaled Said », (du nom d’un jeune Égyptien mort sous les coups de la police en juin 2010 et qui est devenu le symbole de la lutte anti-Moubarak) a appelé les Égyptiens à envahir les rues et les places du pays pour protester contre le verdict. L’ancien opposant Ayman Nour, candidat malheureux à la présidentielle contre Moubarak puis emprisonné trois ans, a annoncé, lui aussi sur Facebook, qu’il soutiendrait le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi, lors du second tour de la présidentielle. A Alexandrie, des centaines de manifestants ont lancé des slogans contre le juge qui a prononcé le verdict : « Ahmed Rifaat, lâche, combien as-tu vendu le sang des martyrs ? »