Le Front d’Al-Nosra, principale formation militaire en guerre contre le régime de Bachar Al-Assad, est une filiale d’Al-Qaïda. Ce n’est pas une information venue de Damas…
C’est Al-Nosra lui-même qui le dit en proclamant son allégeance à Ayman Al-Zawahiri. Al-Nosra a fait cette allégeance pour contredire l’annonce du chef d’Al-Qaïda en Irak au sujet de la fusion des mouvements actifs en Irak et en Syrie sous la bannière de « l’État islamique en Irak et au Levant ». Le Front d’Al-Nosra « restera fidèle à son image » mais reste « fier du drapeau de l’État islamique d’Irak, de ceux qui le portent et ceux qui se sacrifient et versent le sang sous son étendard ».
À l’évidence, Al-Nosra préfère l’allégeance au lointain Al-Zawahiri qu’aux activistes irakiens trop proches et surtout très présents. Mais au-delà de ces aspects – qui peuvent devenir importants avec l’évolution de la situation -, l’identité « politique » d’Al-Nosra que les dirigeants de l’opposition syrienne avaient tendance à masquer est établie. Le régime de Damas qui a constamment réduit l’opposition à des « groupes terroristes » va voir dans ces annonces la confirmation de ses affirmations. L’opposition qui l’accusait systématiquement de se livrer à de la propagande se retrouve dans un réel embarras devant l’allégeance affichée de la principale force armée en guerre contre le régime. Ses demandes pressantes pour l’envoi d’armes s’en trouvent discréditées. Les Américains qui ont déjà classé le Front d’Al-Nosra et qui ont créé une structure au sein de la CIA pour collecter des informations en vue de les combattre – dans le futur – étaient fortement réticents à l’idée de fournir des armes. Paris et Londres qui ont exercé des pressions sur l’Union européenne pour livrer des armes aux opposants ne l’ignoraient pas. Et des experts ont souligné qu’il est impossible de s’assurer que les armes vont arriver chez les « bons opposants » et non chez les djihadistes.
L’annonce du Front d’Al-Nosra ne change pas la donne, mais elle la clarifie. Toute l’action menée par les pays du Golfe et les Occidentaux pour obstruer totalement la possibilité d’une solution politique a permis aux djihadistes d’exercer leur emprise sur le terrain militaire. Les politiciens de l’opposition établis à l’extérieur se dispersent, eux, entre des allégeances diverses à l’égard des pays « donateurs » d’argent. Le discours « non conforme » des opposants de l’intérieur a été rendu inaudible par les médias du Golfe alors que tout en dénonçant le régime ils soulignaient le risque majeur posé par les « tekfiriyine ».
Dans les faits, les monstrueuses dérives du régime et l’absence d’autonomie de l’opposition de l’extérieur et le blocage systématique de toute approche politique par les Occidentaux, le Qatar et l’Arabie saoudite ont créé une vaste autoroute pour les djihadistes. Et cette autoroute fait désormais jonction avec un Irak toujours en état de guerre larvée et qui connaît depuis des mois un regain d’activisme. La solution politique reste toujours entravée malgré l’identité présumée « dangereuse » du principal groupe armé contre le régime. Une logique implacable est en œuvre et elle n’est pas près de s’arrêter. Le Front Al-Nosra, après avoir apporté sa « contribution » à la destruction générale de la Syrie pourra servir, aujourd’hui qu’il a officiellement labellisé Al-Qaïda, de prétexte tout trouvé pour une intervention étrangère directe. La boucle sera ainsi bouclée.
Source : Le Quotidien d’Oran