En exclusivité, retrouvez la tribune de Jacques-Marie Bourget publiée dans notre numéro de décembre 2016 en « Dernière page »…
Fiction. Nous sommes en 1943 et donc en guerre. Pour survivre, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) a quitté Paris et s’est repliée à Londres. Là elle peut soutenir son implacable combat pour la liberté de presse. Délocalisées, ses obligations restent les mêmes : recevoir de l’argent et distribuer des blâmes et des prix. En effet, RSF est comme le « maître étalon » – en platine iridié qui dort sous une cloche au pavillon de Breteuil –, c’est l’ONG du juste, qui dit le bien et le mal en matière de journalisme. L’automne arrive, avec son noir cortège, et c’est le moment de remettre les fameux prix RSF 1943. Comme tous les verdicts, celui-ci « tombe » : le prix du Journaliste de l’année est attribué à Hans Schmitt pour son travail sur le front russe. Immédiatement les experts s’interrogent sur le courage de ce reporter exemplaire. On découvre que ce Schmitt, un Autrichien, accompagne et aime le combat des soldats engagés dans la Légion des volontaires français, du côté de Hitler.
Comparaison ne vaut pas raison ! Je ne dis pas que l’institution, naguère si bien guidée par Robert Ménard, ait des sympathies nazies ! Bien sûr que non, et l’organisation est, au contraire, un relais de la politique israélienne. Mais c’est un peu ce scénario que vient de jouer l’ONG que le monde nous envie, la PME de la bien-pensance, en attribuant son Prix du journaliste de l’année à Hadi Abdullah. Pour éviter de dire du mal d’un confrère, je vous recommande d’ouvrir le lien placé au bas de cette chronique (1). Vous verrez, en vidéo, le cœur que ce reporter de guerre met à défendre le juste et la vérité. Pour faire court, Hadi Abdullah est l’un de ces indispensables compagnons de routes du djihad, capable de se camoufler sous les oripeaux du journalisme pour délivrer sa juste vision des horreurs de la guerre, celles des autres. Imaginez qu’avec le sceau de RSF, Abdullah est maintenant Fabrice à Waterloo, Nizan à Dunkerque, Pedrazzini à Budapest.
Ce Christophe Deloire, le patron de RSF, nous étonne moins que Ménard mais nous surprend quand même. Son grand discernement a déjà fait ses preuves : il y a un an, il s’en est allé au Gabon brosser tiges et semelles du magnifique démocrate qu’est Ali Bongo. Alors, dans la foulée, confondre journaliste et djihadiste…
Dans ce mouvement amoureux – où le bon journaliste est un djihadiste –, les ex-Ménard boys ne sont pas seuls. Jean-Claude Guillebaud, lui aussi ancien président de RSF, saisi du même virus, a décerné, en tant que président du jury, le prix Bayeux du « correspondant de guerre » à un autre ami d’Al-Qaïda. Sûrement un rebelle très doux, puisqu’il existe, paraît-il des « Rebelles légalement modérés », des RLM, version djihadiste des HLM. Mieux, le frère Bilal Abdul Karim, l’Étasunien qui est honoré, l’est doublement : son « prix » est patronné par Amnesty International. Voilà le confrère habillé du Kevlar de la pensée « botulienne ».
Vous me direz qu’avec les petites lunettes qu’il a chipées à Jean Daniel, Guillebaud n’y voit pas grand-chose. Sauf Dieu, puisque ses bésicles portées sur le bout du nez dégagent le ciel, où habite le nouveau gourou de Jean-Claude : le petit Jésus. Un bon chrétien voit le bien partout. En tout cas ne voit pas de mal à ce qu’un croyant – un homme comme lui, à Allah prêt – confonde djihadiste et bourreau.
Notre confrère Bilal Abdul Karim, citoyen du pays de la CIA, a des qualités à faire valoir. Ce prix Bayeux qui lui a été décerné, il le partage avec une blonde, une star de CNN qui, sous la discrétion d’une burka, a pénétré dans Alep alors que Karim la filmait. À ce propos, il me vient une pensée impie : c’est étrange, alors qu’une guerre et un front ont deux faces, que notre RSF, notre Guillebaud n’aient pas songé à primer aussi un reporter travaillant du mauvais côté… L’objectif était sans doute bouché.
Stop au glissement, revenons à Karim, le récipiendaire. Ce lauréat est comme Hollywood l’imagine : barbu, fourbu, poussiéreux et enfiévré. Lui aussi a le journalisme dans la peau, le rapporter-vrai.
En arriver là a été pour lui une longue ascèse. Acteur raté à New York, puis imam réussi. Il file au Soudan pays où l’islamiste modéré se prosterne à chaque coin de rue. Tafsïr ! Vous avez dit tafsïr ? Karim se crache dans les mains à l’étude du Coran. Assez pour devenir un petit savant et travailler pour une chaîne de télé salafiste saoudienne. Après un peu de catéchisme en Tchétchénie… le voilà assez saint pour devenir journaliste accrédité par Al-Qaïda en Syrie. Le pauvre Guillebaud qui n’a pas fait tout cela ne peut pas, lui, pourtant immense « correspondant de guerre », prétendre à couvrir la guerre en Syrie avec le talent et l’objectivité de Karim. Dommage.
Pour ne pas finir sur un requiem, celui de la presse française, alors qu’un Bolloré suffit à tordre le cou à iTELE, une chaîne d’infos en continu, signalons l’exemple de notre frère Karim. À lui seul il est blogueur, cinéaste, écrivain et photographe. En si cela ne suffit pas, ses notes de frais et son salaire sont ridicules. Voilà un nouveau journaliste idéal pour les financiers qui président à la survie de la presse. En attendant la saison des chrysanthèmes.