En 2009, Bokova l’avait emporté face à un Egyptien, Farouk Hosni. Cette année, elle l’emporte encore face à un candidat du Sud, Africain et musulman. Malgré un bilan particulièrement controversé et une gestion décriée par la Cour des comptes. Malgré une campagne sensible et intelligente menée par Rachad Farah.
Il a fallu attendre la fin de cette journée du vendredi 4 octobre 2013 pour savoir. Savoir que, cette fois encore, le Sud avait « perdu le Nord ». J’ai n’ai pas d’affection pour ces bureaucraties parasitaires que sont les institutions internationales. J’y suis totalement allergique dès lors qu’elles revendiquent une mission « humanitaire ». Au sein des institutions de la nébuleuse des Nations unies, elles sont légion. L’Unesco y occupe une place particulière. Rien que par son intitulé : « Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture ». Autrement dit : « Contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde en resserrant par l’éducation, la science, la culture et la communication, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ». Cette organisation emploie environ 2.000 personnes et dispose d’un budget de plus de 500 millions de dollars (elle a perdu, en 2011, son plus gros contributeur, en l’occurrence les Etats-Unis, soit 22 % de son budget, dès lors que la Palestine en est devenue le 195ème membre à part entière). 2.000 personnes qui bossent, avec un budget de 250.000 dollars par tête, ce n’est pas négligeable. On doit bien en voir les résultats quelque part. Mais depuis près de cinquante ans que je trimballe ma carcasse entre Tropique du Cancer et Tropique du Capricorne, j’avoue n’avoir pas été subjugué par les réalisations de l’Unesco. Amérique latine, Afrique, Moyen-Orient, Asie, j’ai rencontré plus d’un « fonctionnaire international », formaté Unesco, transpirant dans son costume dès lors qu’il mettait le nez hors de l’hôtel ou de son 4 x 4 haut de gamme climatisés ; mais jamais un authentique « chef de chantier » capable de changer durablement la donne sur le terrain. Chaque année, ce sont des centaines de conférences, des milliers de missions, une flopée de publications que personne ne lit… qui occupent une armée de directeurs et de consultants extérieurs (les frais de personnel représentent plus de 60 % du budget) ; c’est aussi un clientélisme érigé en mode de production pour ne pas dire de corruption (via notamment l’instauration des « prix » patronnés par des chefs d’Etat). L’Unesco est un modèle de… gabegie. Dramatique quand on a vocation à éduquer et cultiver les peuples, deux des fonctions les plus nobles de l’humanité.
La direction générale de l’Unesco s’est jouée, à Paris, où se trouve son siège, en cette fin de journée du vendredi 4 octobre 2013. Trois candidats. La directrice générale sortante : la Bulgare Irina Bokova, le Djiboutien Rachad Farah, le Franco-libanais Joseph Maïla. 58 voix devaient s’exprimer ; 30 voix suffisaient pour être élu dès le premier tour. Bokova en a décrochées 39. Déception pour Rachad Farah qui n’en obtient que 13 tandis que Maïla, candidat de raccroc, peut revendiquer six soutiens ! En 2009, Bokova l’avait emporté face à un Egyptien, Farouk Hosni. Cette année, elle l’emporte encore face à un candidat du Sud, Africain et musulman. Malgré un bilan particulièrement controversé et une gestion décriée par la Cour des comptes (l’Unesco ayant son siège en France, la Cour des comptes française a vocation à mettre le nez dans les siens). Malgré une campagne sensible et intelligente menée par Rachad Farah qui s’était exprimée notamment à travers un ouvrage dont j’ai eu l’occasion de dire tout l’intérêt (cf. LDD Nations unies 029/Mardi 4 juin 2013).
*Jean-Pierre Béjot, éditeur-conseil
La Dépêche Diplomatique (Quotidien des relations internationales)