Le 27 mars, le célèbre archevêque, ami de Nelson Mandela, qui n’a jamais caché son antipathie pour Jacob Zuma, a transmis à Gwede Mantashe, une lettre ouverte adressée également à l’ensemble de l’ANC. « Il ne suffit pas de rabâcher que l’on est un parti politique anti-corruption, il faut aussi le prouver en faisant le nécessaire pour maintenir le pays sur la voie de la démocratie multipartite constitutionnelle dans un État de droit ».
À un mois des élections en Afrique du Sud et alors que la commission électorale est toujours en train d’examiner les candidatures, le rapport de la Public Prosecutor, Thuli Madonsela, est chaque jour plus au cœur de l’actualité sud-africaine. Jacob Zuma devra-t-il répondre dans les jours prochains devant le Parlement, comme le prévoit la Constitution, aux accusations de corruption et abus de bien sociaux concernant la construction de son domaine de Nkandla ? Les pressions de l’opposition sont fortes, mais cela semble peu probable. Outre le fait que le Parlement est censé avoir suspendu ses activités pendant la campagne électorale, la direction de l’ANC fait tout son possible pour éviter cette possibilité et préserver les chances de Zuma d’accéder à un second mandat présidentiel.
Ici, en Afrique du Sud, l’affaire Nkandla est certainement la plus importante parmi toutes celles qui l’ont précédée concernant le président Zuma, et la liste est longue. Aujourd’hui, des townships aux quartiers riches, c’est le sujet dont tout le monde parle. L’opposition, s’en est emparée, bien sûr, dans le cadre de la campagne électorale, en première ligne la Democratic Alliance d’ Helen Zille, le premier parti d’opposition. Mais il est une voix qui risque de dominer toutes les autres.
L’ANC qui pour l’instant protège Jacob Zuma, préconise de lui laisser du temps– soutenue en cela par l’ex-président Thabo Mbeki – pour examiner le rapport auquel elle oppose celui effectué pour le gouvernement par le ministre des Travaux publics Thulas Nxesi, publié en décembre. La stratégie de l’ANC est de gagner également du temps en demandant que les deux rapports soient examinés et l’affaire tranchée par « des institutions compétentes ». La justice ? l’ANC se garde de le préciser, mais ce n’est certainement pas ce qu’elle a en tête et ce ne serait pas constitutionnel, dans ce cas. Le Public Prosecutor qui est le garant du respect de la constitution, est redevable devant le Parlement uniquement.
« Nous avons besoin de prières. Pas seulement de prières pour le gouvernement, priez pour l’ANC. L’ANC est un instrument dans les mains de Dieu pour changer la vie des gens. Ce n’est pas grâce à l’ANC que nous sommes au gouvernement, c’est par la volonté de Dieu ». Ne nous méprenons pas… les mots ne font pas le moine. C’est Gwede Mantashe, le secrétaire général de l’ANC et dirigeant communiste, qui les a prononcés le 25 mars, lors d’un meeting dans une communauté. Et c’est précisément à lui que s’est adressé Desmond Tutu, en tant que président de l’Institut pour la transparence en Afrique australe, basé à Cape Town.
Le 27 mars, le célèbre archevêque, ami de Nelson Mandela, qui n’a jamais caché son antipathie pour Jacob Zuma, a transmis à Gwede Mantashe, une lettre ouverte adressée également à l’ensemble de l’ANC. « Il ne suffit pas de rabâcher que l’on est un parti politique anti-corruption, il faut aussi le prouver en faisant le nécessaire pour maintenir le pays sur la voie de la démocratie multipartite constitutionnelle dans un État de droit », écrit-il. Reprenant les éléments du rapport Secure in Comfort de Thuli Madonsela, il lui rappelle longuement certains articles de la Constitution sud-africaine. Il lui rappelle également, l’affaire Thalès (contrat d’achat d’armes à la France) et les 783 chefs d’accusation dont Jacob Zuma a fait l’objet et qui « ont été retirés sur des bases très discutables ». Jacob Zuma est toujours soupçonné d’avoir perçu 1.3 million de rands de son ancien conseiller financier lui-même condamné à 15 ans de prison pour corruption. Ces 783 chefs d’accusation pourraient revenir devant les juges, menace à juste titre Desmond Tutu, se référant à l’appel interjeté par la Democratic Alliance sur lequel le tribunal doit statuer dans les cinq prochaines années.
Ne négligeant aucun argument, Desmond Tutu alerte également Gwede Mantashe sur les conséquences négatives pour les investissements étrangers d’une loyauté injustifiée et excessive envers Jacob Zuma, « limitant ainsi les opportunités de créations d’emplois et exacerbant encore davantage la pauvreté, autant de contradiction avec les priorités définies par l’ANC. » En outre, écrit-il, « JZ est tellement compromis et dans une position de conflits d’intérêts tellement ingérable qu’il est effectivement incapable de remplir correctement ses obligations, ses devoir et ses fonctions en que président de ce pays. »
Après une telle plaidoirie contre Jacob Zuma, une seule conclusion s’impose. « Nous vous exhortons, vous et vos collègues du Comité national exécutif de l’ANC à reconsidérer les conséquences de votre obstination à maintenir JZ comme candidat présidentiel dans les élections à venir et à tout faire pour lui retirer cette candidature s’il ne démissionnait pas volontairement… En de telles circonstances, la « rationalité dans la prise de décision » qui caractérise l’État de droit exige que JZ s’en aille ou que sa candidature soit retirée», écrit Desmond Tutu.
(Source www.ifaisa.org)