Après l’Algérie, l’Egypte, la Tunisie, on continue d’entendre cette voix naïve de ceux qui disent qu’il faut les laisser commander pour qu’ils abandonnent la sauvagerie et intègrent la civilisation. Lassante bonne foi face à la foi qui tue.
Ils se trompent, les gens de bonne foi qui croient qu’il faut respecter les islamistes au pouvoir, attendre qu’ils échouent et s’en aillent et respecter la démocratie même quand elle aboutit à son contraire. En Tunisie, la transition Ennahda devait durer un an, elle en est à deux. Pourquoi la bande à Ghannouchi gagne du temps et le perd ainsi ? Pour une raison fondamentale : il faut se donner le temps d’infiltrer les appareils, contrôler les institutions, bloquer les manœuvres opposantes et écraser les adversités faute de pouvoir les pendre aux poteaux comme ont fait les mollahs avec les gauchistes iraniens, puis, à la fin des temps, organiser des élections. Entre la date de prise de pouvoir et la date des élections, tout l’Etat serait comme le mouton d’Ibrahim, entre les mains de la Confrérie.
En Tunisie, le syndicat de la police vient de rendre publique la liste des noms des «agents doubles» d’Ennahda au sein du ministère de l’Intérieur, les RG, les « polices », les prisons… Un véritable Shadow-Etat dans l’Etat, une secte dans la pomme ou le jasmin. Et cela confirme ce qu’on peut appeler l’iranisation, tendance naturelle des islamistes au pouvoir : dès qu’ils possèdent un pays, ils le « doublent » : ils court-circuitent l’autorité élue par un «guide suprême» (Ghannouchi, Badi ‘e), ils créent des milices pour «doubler» les polices (pasdarans, gardiens de la révolution, ligues de protection de la révolution…), ils infiltrent et conférisent les institutions.
Cela se prouve tous les jours et on peut le constater à travers l’Histoire de ce mouvement politique. Dire qu’il faut respecter, sans pression de la rue et sans militantisme c’est s’enfoncer le doigt dans l’œil : cette transition, servira à détruire la démocratie et installer les islamistes au pouvoir pour longtemps. En contrôlant les institutions, ils contrôlent les élections, les résultats et l’avenir. A la manière des régimes déchus et honnis qui sont tombés. L’illusion de certains qui préfèrent attendre que les islamistes échouent, baissent la tête, demandent des excuses et changent de vision est bâtie sur une myopie de bonne foi : on croit que les islamistes sont porteurs d’une vision différente de la gestion d’un pays alors qu’ils sont porteurs d’une métaphysique et d’une idéologie impossibles à faire entrer dans le jeu des consensus et des alternances.
Ils sont élus par Dieu et pas par les urnes (d’où le déni étonnant de Morsi face à la rue et les refus d’Ennahda de répondre au moins par des concessions à la rue tunisienne), ils sont là pour le royaume de Dieu, pas pour gérer différemment les dépenses publiques, les fiscs ou les politiques de soutiens économiques. Ils sont là pour instaurer la loi de Dieu selon eux et cela ne permet pas d’espérer autre chose que l’autoritarisme chez eux, ou la violence, à cause d’eux. L’illusion vient du fait que l’on persiste à croire que les islamistes font de la «politique» et y ont droit. Certes, ils y ont droit mais leurs actes, pensées, propos et visions ne sont pas politiques : elles sont religieuses, totalitaires, messianiques, califales. On l’oublie, on préfère ne pas le voir, on dit croire autre chose pendant que la secte creuse le fruit, mange la pomme, s’infiltre et mord l’os, la terre et les croyances.
Les islamistes, en Egypte et en Tunisie, n’étaient pas près et ne le seront jamais de rejouer l’acte des élections, ou à remettre en jeu leur victoire acquise par vote-sanction contre les anciens régimes. Dieu leur a «donné», c’est à lui de le leur rependre, pensent-ils. En Tunisie, la transition d’Enhahda dure depuis deux ans, elle va durer encore plus. La secte sait qu’elle est en baisse dans les sondages et en perte dans les intentions. Elle joue donc la sourde et promet une seule chose : remettre le pouvoir. Mais seulement le jour du Jugement dernier. Les islamistes ne quitteront jamais un pouvoir que dans le sang. Et pourtant, après l’Algérie, l’Egypte, la Tunisie, on continue d’entendre cette voix naïve de ceux qui disent qu’il faut les laisser commander pour qu’ils abandonnent la sauvagerie et intègrent la civilisation. Lassante bonne foi face à la foi qui tue.
https://www.algerienews.info/de-la-naivete-persistante-des-democrates-2/
14 août 2013