Bien naïf serait celui qui croirait que 2016 échappera à l’emprise de la peur induite par la déferlante terroriste. Daesh sera toujours là, n’en déplaise au président irakien Haïder Al-Abadi qui, après la victoire de son armée le 28 décembre dernier à Ramadi, s’est vanté que l’organisation terroriste sera réduite à néant en 2016.
Au moment où Al-Abadi jubilait, Daesh signe sa présence par un effroyable attentat à Zliten (160 km) à l’est de Tripoli ayant coûté la vie à plus de 60 personnes. Un acte qui relance le grand chantier de la lutte antiterroriste ouvert par les Américains depuis 2001 et redémarre l’industrie de la peur qui tournera à plein régime. Ces manifestations criminelles de Daesh, ne feront pas avancer les djihadistes vers leur illusion de l’instauration d’un Califat. Des dizaines de milliers de combattants affluant des quatre coins de la planète (80 nationalités) sont mus par ce fantasme de la restauration d’un Eden perdu avec la chute de l’Empire ottoman.
En revanche, la terreur de Daesh et son hypermédiatisation, entretenue à dessein, fera reculer l’établissement d’un bilan d’une longue et atroce guerre contre le terrorisme. Des années après, la «campagne en Afghanistan», après l’invasion de l’Irak par les troupes américaines, les attaques aux drones, les opérations des forces spéciales, les arrestations, les tortures, les atteintes aux droits de l’homme et à la dignité humaine, on ne chante pas encore l’hymne de la démocratie sur les décombres de l’Etat irakien et libyen anéantis par l’interventionnisme occidental. Des centaines de milliers de victimes, des millions de blessés, des générations compromises, des infrastructures détruites sans la moindre indemnisation ou condamnation. Par la grâce de Daesh ce bilan ne se fera pas. La décantation n aura pas lieu non plus et la confusion des rapports entre l’Occident et le monde musulman va se perpétuer. Le discours fasciste des islamistes tirera toujours ses arguments des politiques occidentales inflexibles, promptes à alimenter le chaos et la haine de l’Autre. L’islam est-il réellement l’élément fondamental qui impacte ces rapports? Quel rapport ont avec l’islam les expéditions coloniales, le désir effréné des Occidentaux à contrôler les ressources énergétiques au Proche-Orient, le soutien inconditionnel- et souvent la mise en place- de dictatures maintenant dans la terreur…
Il y a autant de raisons qui permettent d’extirper ces relations de cet aspect religieux qui biaise les rapports. Cette confusion aura ses victimes… dans le monde musulman bien entendu.
L’Expression
https://www.lexpressiondz.com/edito/233076-daesh-et-le-chantier-de-la-peur.html