Le phénomène prend une ampleur dangereuse, insiste l’ONUCD. Dangereuse pour les peuples, dangereuse pour le développement, dangereuse pour la gouvernance et la stabilité de la région.
Selon le dernier rapport de l’Office des Nations unies pour la drogue et le crime (ONUDC), l’Afrique de l’Ouest est gravement touchée par les trafics de cocaïne, de produits pharmaceutiques et de migrants. « La criminalité transnationale organisée menace très clairement l’Afrique de l’Ouest. Les institutions de l’État et l’état de droit sont faibles dans ces pays et à moins de s’attaquer à la criminalité organisée, l’instabilité a toutes les chances d’y prospérer », a déclaré Alexandre Schmidt, le représentant régional de l’agence onusienne, en présentant le rapport « Criminalité transnationale organisée en Afrique de l’Ouest : Une évaluation des menaces ».
La criminalité organisée dans la région n’est pas nouvelle, mais elle atteint aujourd’hui des proportions jamais connues. Le trafic de cocaïne, notamment, rapporte en terme de vente en gros des revenus équivalent, voire supérieurs au budget de sécurité nationale de nombreux pays de la région. Si la consommation de cocaïne aux Etats-Unis a chuté depuis 2006 et la lutte contre les narcotrafiquants mexicains, celle de l’Europe a doublé, accompagnée d’une hausse de son prix. Les dispositifs mis en place en Europe par les services de répression ont obligés les trafiquants sud-américains à trouver une autre route : l’Afrique de l’Ouest.
Les trafiquants africains, particulièrement les Nigérians étaient déjà présents sur le marché mondial de la cocaïne, notamment en Europe comme petits dealers ou passeurs. Les moyens de transport se sont adaptés à l’intensification de la répression. Aux passeurs aériens et colis postaux traditionnels, s’ajoutent aujourd’hui l’utilisation des conteneurs maritimes ou les avions privés. Désormais, les trafiquants ouest-africains gèrent eux mêmes les affaires depuis les sites de production en Amérique latine. Des sites de production de drogue locale ont également été découverts dans la région, dont deux laboratoires de méthamphétamine au Nigéria en 2011-2012. Selon les estimations, 3000 passeurs aériens auraient acheminé de la méthamphétamine depuis le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Nigéria et le Sénégal verts l’Asie – Japon, Malaisie, République de Corée et Thaïlande, et vers l’Afrique du Sud. Soit un revenu évalué à 360 millions de dollars en 2010. L’héroïne introduite il y a déjà plusieurs années en Afrique de l’Est où elle fait des ravages, en Tanzanie notamment, apparaît également en Afrique de l’Ouest en volume croissant.
Les produits pharmaceutiques transportés par les voies commerciales habituelles mais illégalement font aussi l’objet d’un trafic juteux. En 2012, 37 tonnes d’antalgiques opiacés importés illégalement en Afrique de l’Ouest ont été saisies, pour la plupart destinés au Moyen-Orient. S’ajoutent les médicaments frauduleux qui représentent 10% au mois de l’ensemble des médicaments de base sur le marché dans la région.
Le trafic d’armes n’a pas besoin de fournisseurs extérieurs. Désormais, il ne s’alimente plus à partir de la Tchécoslovaquie, comme au temps de la guerre froide, mais il se nourrit des conflits régionaux qui, une fois résolus, laissent sur le terrain des stocks importants, comme récemment en Libye, utilisés par les groupes islamistes actifs, comme au Mali.
L’ONUDC tire également la sonnette d’alarme sur le dernier né de la famille du crime organisé, la piraterie maritime. Elle existait dans le passé, notamment dans les eaux nigérianes, conséquence du conflit autour du pétrole du delta du Niger. Cependant, elle s’est élargie aux eaux du Bénin, du Togo et de la Côte d’Ivoire. Les attaques sont passées de 22 en 2011 à 58 en 2012. Elles visent essentiellement des pétroliers.
La criminalité organisée en Afrique de l’Ouest finance largement les groupes armés qui tentent de déstabiliser la région et est souvent directement liée à des responsables militaires, des hauts fonctionnaires, comme en Guinée-Bissau dont la valeur de la production économique annuelle est inférieure à certaines des saisies de cocaïne. Et ce n’est sans doute pas un hasard, souligne le rapport de l’UNUDC si, depuis l’apparition du trafic de cette substance dans le pays, celui-ci a connu plusieurs coups d’État.
La criminalité organisée productrice d’argent « facile » corrompt également certaines sphères de la population frappée par une misère dont elle ne voit pas la fin, tandis que les « big guns » de la drogue ou autres trafics investissent à l’étranger, notamment dans les hôtels internationaux et les « ressorts », les casinos ou les golfs qui permettent de blanchir facilement l’argent sale.
Le phénomène prend une ampleur dangereuse, insiste l’ONUCD. Dangereuse pour les peuples, dangereuse pour le développement, dangereuse pour la gouvernance et la stabilité de la région. Alors que faire ? Car il faut agir vite et l’on sait qu’agir vite n’est pas la première qualité des organisations internationales, l’ONU en tête.