Sous protection policière, des orateurs ont fustigé une ONG syrienne, bravant les foudres de Reporters sans frontières.
C’est une conférence sortant de l’ordinaire qui s’est tenue mardi après-midi au Club suisse de la presse (CSP). C’est sous forte et visible protection policière que trois orateurs se sont exprimés au sujet de certains aspects du conflit syrien – orateurs qui avaient été discrédités au préalable par la section suisse de Reporters sans frontières (RSF), organisation qui a appelé à annuler la conférence, faute de quoi elle pourrait remettre en cause son statut de membre du Club (lire nos éditions du vendredi 24 novembre).
Directeur du CSP, Guy Mettan a évoqué en préambule une situation inédite. «RSF a parfaitement le droit de ne pas souhaiter être associé à cet événement, a déclaré celui qui est aussi député PDC au Grand Conseil. Mais les pressions pour faire annuler cette rencontre ont atteint un niveau inouï. Cette fois, ce sont des ONG et des journalistes de pays démocratiques qui ont fait pression contre moi au travers du comité du Club et par le biais du Conseil d’État. Ces démarches n’ont pas abouti.»
La conférence n’a rien fait pour s’exonérer du reproche, lancé par Reporters sans frontières, de proximité excessive avec la «propagande russe» et ses médias. Le colloque débute en effet avec la projection d’un reportage estampillé RT (Russia Today, l’un des médias épinglés par RSF). Le film étrille l’organisation White Helmets, ces «Casques blancs» qui sont dans le collimateur de la conférence. Sujets d’un documentaire britannique primé, nominés en 2016 pour le Prix Nobel de la paix, ces sauveteurs connus pour affronter les horreurs de la guerre afin de secourir les victimes civiles du conflit seraient moins neutres et désintéressés qu’il n’y paraît, d’après le reportage projeté. Lequel dénonce notamment des sauvetages truqués et un pseudo-hôpital truffé d’armement.
Les invités du Club enchaînent. Ancien rédacteur en chef de Radio France International, Richard Labévière met en garde face à la complexité de la Syrie et du conflit qui déchire ce pays depuis six ans, une «guerre civilo-globale», selon ses termes, où pullulent les «ONG curieuses et étranges», dont ces Casques blancs, lourdement financés, selon lui, par les puissances occidentales. Questionné sur sa légitimité, l’homme «revendique une illégitimité par rapport à ce que la presse est devenue». C’est-à-dire les médias traditionnels, également fustigés par des voix dans le public d’une cinquantaine de personnes. Se décrivant comme une journaliste indépendante et autofinancée, Vanessa Beeley s’applique à démontrer les liens intimes qui uniraient les membres des Casques blancs aux organisations djihadistes. Responsable de Swedish Doctors for Human Rights, qu’il décrit comme une petite organisation ayant son propre organe de presse, Marcello Ferrada de Noli fustige notamment des opérations de sauvetage mises en scène.
Comment réagit RSF Suisse? Déplorant «l’absence de transparence» du colloque, son président, Gérard Tschopp, indique que le comité examinera «calmement» ses liens avec le Club à la mi-décembre.