Tout peut arriver lors de la réunion du G8, mais il serait surprenant que le Russe et l’Américain ne s’entendent pas, avec le sourire approbateur du Chinois. Ou alors le monde entrerait dans une phase dangereuse d’affrontements multipliés en différents endroits, ce que personne ne souhaite.
Le Président Obama subit depuis des mois des pressions de plus en plus fortes des sénateurs républicains, notamment de l’ancien candidat John McCain, pour intervenir militairement en Syrie. Il a répondu à ces attaques par des tergiversations et des déclarations ambiguës car cela n’entre pas dans ses plans, ni dans ceux de ses conseillers et du Département d’Etat, qui se sont engagés dans un processus avec les Russes pour régler la crise syrienne par la négociation en réunissant une conférence pour la paix sur les bases de celle de Genève du 30 juin 2012.
En outre, les militaires américains lui ont expliqué qu’établir une simple zone d’interdiction aérienne serait un véritable acte de guerre contre la Syrie qui demanderait des moyens considérables d’une part, et que Russie et Chine ne resteraient pas sans réagir. Il n’en est donc pas question, malgré les déclarations de tel ou tel responsable, ou les convictions de « la communauté du renseignement américaine », dont on se rappelle les bévues passées.
Il n’a pas davantage de preuves aujourd’hui de l’utilisation des armes chimiques par le régime syrien qu’il n’en avait auparavant, sinon on le saurait car elles auraient été montrées, comme en 2003 quand Colin Powell a agité tragiquement sa fiole à l’ONU pour justifier l’attaque de l’Iraq ! D’autant moins qu’on sait bien dans les milieux bien informés que jamais Damas n’aurait pris ce risque, et Moscou a beau jeu de dénoncer les déclarations américaines de renforcer l’aide aux rebelles, pour l’instant « non létale », comme mettant de l’huile sur le feu au lieu de favoriser le chemin vers la paix.
Mais les forces opposées à la réunion d’une conférence pour la paix se déchaînent, Qatar, Arabie Séoudite et Turquie en tête car la survie de leur propre régime, ou en tout cas des dirigeants actuels, sera menacée par le règlement de la crise syrienne sur des bases qui ne correspondent pas à leurs plans et leurs engagements. Ces pays accentuent leur soutien militaire et financier aux rebelles, surtout depuis la reprise par les forces régulières de la région d’Al Qousair et le rétablissement de l’ordre dans plusieurs zones que des djihadistes terrorisaient.
Dans ces conditions, Obama doit lâcher du lest à son opposition interne, surtout avant la réunion du G8 en Irlande lundi et mardi prochains, où il devrait s’entendre avec la Russie sur le dossier syrien, à moins de créer une crise plus grave, ce dont il ne veut absolument pas. Mais il sait la détermination russe, non pour des raisons d’amitié avec Damas, mais pour des raisons stratégiques et a besoin de calmer le jeu au Moyen-Orient pour avoir l’appui de Moscou sur d’autres sujets, notamment concernant la Chine. Cependant quand on négocie, il faut arriver avec le plus possible d’atouts dans la main.
Tout peut arriver lors de la réunion du G8, mais il serait surprenant que le Russe et l’Américain ne s’entendent pas, avec le sourire approbateur du Chinois. Ou alors le monde entrerait dans une phase dangereuse d’affrontements multipliés en différents endroits, ce que personne ne souhaite.
* Alain Corvez est Conseiller en stratégie internationale
AC 14 juin 2013