Les sanctions contre Israël font, actuellement, l’objet d’un riche débat au sein de la communauté qui soutient la cause de la Palestine. L’application de sanctions internationales, comme ce fut le cas avec l’Afrique du sud de l’apartheid, est-elle réaliste aujourd’hui ? C’est la question sur laquelle Noam Chomsky donne son point de vue sur le site de The Nation.
Ceux qui sont engagés dans le soutien à la cause palestinienne doivent réfléchir attentivement aux tactiques qu’ils choisissent. La misère provoquée par les actions d’Israël dans les territoires occupés a fait naître des préoccupations sérieuses, chez certains Israéliens, au moins. Parmi eux, l’éditorialiste d’Haaretz, Gideon Levy, l’un de ceux qui s’expriment le plus, écrit qu’ « Israël devrait être condamné et puni pour avoir créer une vie insupportable sous l’occupation, et parce qu’en tant que un pays qui prétend appartenir aux nations les plus éclairées, il continue de maltraiter tout un peuple, jour et nuit ».
Il a raison sans aucun doute, mais nous devrions ajouter autre chose : les États-Unis devraient, également, être condamnés et punis pour leur soutien décisif, militaire, économique diplomatique, voire idéologique à ces crimes. Et tant qu’ils continueront de le faire, il y a peu de raison d’espérer qu’Israël renonce à sa politique brutale.
Zeev Sternhell, universitaire reconnu, écrit dans une étude sur la marée réactionnaire nationaliste dans son pays que « l’occupation continuera, la terre sera confisquée à ses propriétaire pour étendre les colonies de peuplement, la Vallée du Jourdain sera nettoyée des Arabes, la partie arabe de Jérusalem sera étranglée par un voisinage juif et tout acte de vol ou irresponsable qui sert l’expansion juive dans la ville sera bien accueilli par la Haute Court de Justice. La route vers l’Afrique du Sud (du régime d’apartheid) est pavée et ne sera pas bloquée jusqu’à ce que le monde occidental présente à Israël un choix sans équivoque : arrêter l’annexion et démanteler la plupart des colonies et l’État colonisateur, ou devenir des hors la loi. »
Une des questions cruciales est de savoir si les États-Unis arrêteront de saper le consensus international qui favorise l’établissement de deux États à l’intérieur de la frontière reconnue internationalement (la Ligne verte établie par les accords de cessez-le-feu de 1949) avec des garanties quant à « la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tous les États de la région, ainsi que leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues ». Tel était le contenu d’une résolution présentée au Conseil de sécurité de l’ONU en janvier 1976 par l’Égypte, la Syrie et la Jordanie, soutenue par les États arabes, et à laquelle les États-Unis ont opposé leur veto.
Ce n’était pas la première fois que Washington empêchait un règlement pacifique diplomatique. Henry Kissinger soutint la décision d’Israël en 1971 de rejeter un règlement offert par le président égyptien Anouar al-Sadat, en préférant l’expansion à la sécurité, une voie qu’Israël a suivie depuis avec le soutien américain. Parfois, la position de Washington devient presque comique, comme en février 2011, lorsque l’administration Obama a opposé son veto à une résolution de l’ONU qui soutenait la politique officielle américaine : l’opposition à l’expansion israélienne qui se poursuit (avec le soutien américain) malgré quelques sifflets de désapprobation.
La question porte moins sur l’expansion d’une vaste colonie et d’un programme d’infrastructures (incluant le mur de séparation), que sur son caractère totalement illégal selon les termes du Conseil de sécurité de l’ONU et de la Cour internationale de Justice et reconnu comme tel par le monde entier en dehors d’Israël et des États-Unis depuis la présidence de Ronald Reagan qui remplacé l’adjectif qualifiant les colonies d’« illégale » en « obstacle à la paix ».
Le groupe pacifiste israélien Gush Shalom, en 1997 a, pour sanctionner Israël, initié le boycott des produits issus des colonies. De telles initiatives se sont considérablement développées depuis. En juin, l’Eglise presbytérienne a décidé de se retirer des trois multinationales américaines impliquées dans l’occupation. Le succès le plus important réside dans la directive politique de l’Union européenne qui interdit le financement, la coopération, l’attribution de prix pour la recherche ou tout autre relation similaire avec une entité israélienne « directement ou indirectement liée » aux territoires occupés où toutes les colonies sont illégales, comme le réitère la déclaration de l’Union européenne. La Grande-Bretagne avait déjà conseillé aux importateurs de « distinguer les produits issus de la production palestinienne et ceux venant des colonies israéliennes illégales ».
Il y a quatre ans, Human Rights Watch a appelé Israël à « se conformer à son obligation légale » de démanteler les colonies et de mettre fin à « ses pratiques discriminatoires flagrantes » dans les territoires occupés. HRW a également appelé les États-Unis à suspendre le financement d’Israël « à hauteur d’un montant équivalent à celui des dépenses d’Israël en soutien aux colonies », et de vérifier que les exonérations de taxes pour les organisations contribuant à Israël « sont conformes aux obligations américaines de garantir le respect de la loi internationale, y compris les interdictions de la discrimination. »
Il y a eu de nombreuses autres initiatives de boycott et de désinvestissement dans la décennie passée, occasionnellement, mais elles ne sont pas suffisantes concernant la question cruciale du soutien américain aux crimes israéliens. Depuis, le mouvement BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanctions) est né. L’exemple de l’Afrique du Sud (sous le régime d’apartheid) est souvent cité. Il serait plus correct de parler de « Boycott-Désinvestissemnet, BD » car les sanctions ou les actions officielles ne sont pas à l’horizon. C’est là une des nombreuses différences par rapport à ce qui s’est passé avec l’Afrique du Sud.
Source :The nation
https://www.thenation.com/article/180492/israel-palestine-and-bds
Traduit de l’américain par Christine Abdelkrim-Delanne