En préparation depuis plusieurs mois, la parution d’un livre-événement1 vient d’être heureusement avancée – Covid-19 oblige -. En effet, l’ouvrage arrive à point nommé puisqu’il y est question de prévoir l’avenir des crises au XXIème siècle. « Gouverner, c’est prévoir ! ». On prête souvent la formule à Pierre Mendès-France qui, lors d’un fameux discours devant l’Assemblée nationale – le 3 juin 1953 – avait dit plus précisément : « gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix ».
Mais comment prévoir l’avenir d’un monde global, d’un monde VUCA (vulnérable, incertain, complexe et ambigu) ? Un monde marqué par une multiplication d’acteurs et de crises, une redistribution de la puissance, une incertitude stratégique, une ivresse de l’immédiat. En un mot, un monde imprévisible ! Prévoir quoi et prévoir quand ? Dans sa dimension objective et scientifique, la prévision peut-elle penser l’impensable, réduire l’incertitude, dissiper le brouillard du présent pour éclairer la décision politique de demain ? Après le Covid-19, comment anticiper les crises ?
Diplomates, économistes, acteurs du renseignement, universitaires, chercheurs et autres experts croisent – ici – leurs savoirs afin d’inventer les linéaments d’un projet de prévision raisonnable pour les temps qui viennent. Ce livre ambitieux et nécessaire pour dépasser le conformisme de la pensée stratégique est dirigé par le diplomate Paul Dahan, docteur en sciences politiques – chercheur associé au Centre Thucydide de l’université Panthéon-Assas-Paris II. En 2016, il a dirigé un ouvrage remarqué : Diplomates. Dans le secret de la négociation2.
INTENTION HUSSERLIENNE
Fondateur et président de l’IFRI (Institut français des relations internationales), Thierry de Montbrial signe un avant-propos très husserlien centré sur « l’intention », concept clef dont le fondateur de la Phénoménologie a fait – durant l’entre-deux guerres – le fondement de ses Méditations cartésiennes et de son diagnostic de la montée du nazisme3.
Thierry de Montbrial : « Tout effort de prévision suppose de penser rigoureusement. Il s’agit toujours d’essayer d’identifier ex-ante (NDLR : au préalable) les réponses possibles à des questions bien posées, donc dans un cadre phénoménologiquement clair, c’est-à-dire avec une intentionnalité identifiée, et tant les questions que les degrés de vraisemblance des réponses possibles ne peuvent émerger que de concepts, et de « modèles » de pensée idéalement explicités, destinés à traiter les « données » appropriées au sujet traité. Ces modèles et ces données dépendent évidemment de l’intentionnalité initiale ».
Encore : « La valeur des prévisions dépend de leur pertinence et de leur qualité. Face à la complexité, on ne peut toutefois espérer que resserrer l’incertitude, à travers une réduction phénoménologique dans laquelle l’intuition du prévisionniste joue un rôle essentiel. C’est dire que la prévision est autant un art qu’une science, dont la pratique suppose une combinaison harmonieuse de savoirs et d’expérience ».
SEPT SERVITUDES ET GRANDEURS
Qui a prévu la chute du Mur de Berlin, les mal nommées « révolutions arabes », l’élection de Donald Trump, le Covid-19 ? Pratiquement personne. Dans son introduction serrée, Paul Dahan remet les pendules à l’heure : « la prévision n’a jamais été et ne sera jamais une science exacte ». Par conséquent, plusieurs impératifs s’imposent aux décideurs du XXIème siècle.
Le premier est que « la prospective doit faire preuve d’humilité ». Le deuxième : que la mission « connaissance et anticipation » – érigée en fonction stratégique majeure en 2008 (Livre blanc sur la sécurité nationale) et 2013 – soit effectivement un objectif pour la pratique et la théorie. Cela suppose une meilleure coordination entre diplomatie et services de renseignement, entre praticiens et universitaires.
Le troisième impératif est de revenir à la vocation originale du Centre d’analyse et de prévision (CAP)4 du Quai d’Orsay – telle que la martelait Michel Jobert à son premier directeur, Thierry de Montbrial : « être non conformiste » et « pensez l’impensable » tant au niveau français qu’européen où « pas un mois ne se passe sans que le pire soit à craindre ». Une véritable prévision n’est-elle pas celle qui permet d’éviter la catastrophe avant qu’elle ne se produise ? Comme le souligne le philosophe Peter Drucker : « la meilleure façon de prévenir l’avenir, c’est de le créer ».
Le quatrième est de garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’analyser des situations vraisemblables, mais d’envisager l’irréel, sinon l’impensable en s’appuyant sur l’histoire. C’est la fonction de la prévision de réduire autant que possible l’incertitude. Elle ne doit pas céder à la tentation de l’instantanéité au détriment de l’information consolidée alors que l’Histoire s’accélère. Elle ne doit pas céder à la tentation de la falsification/fabrication des faits mais faire preuve d’inventivité.
Le cinquième est de tirer les leçons des retours d’expérience comme disent les militaires ( retex ). Ce que les diplomates ne veulent pas nécessairement faire tant ils sont happés par l’actualité. Comment prévenir les errements du futur si l’on se refuse à se pencher sur ceux du passé pour en tirer les conclusions qui s’imposent ? Ce n’est pas abîmer ou porter atteinte à la prévision que d’expliquer pourquoi on a commis des erreurs (ecce homo).
Le sixième, qui porte plus sur l’avenir de la prévision, est de se souvenir de l’avertissement de l’économiste, Daniel Cohen : « les nouvelles générations doivent pouvoir s’approprier les technologies nouvelles, mais sans les subir, en disposant à leur égard d’une distance critique qui n’en fasse pas les esclaves ».
Et la facture de nos erreurs risque d’être lourde en particulier après la pandémie du Covid-19. Le principal défi auquel sont confrontés les hommes depuis la nuit des temps ne tient-il pas à la difficulté réelle d’imaginer demain, d’imaginer l’impensable comme une option envisageable ? Ce que Nicolas Machiavel résumait ainsi : « cela rend difficile les ambassades auprès de lui (NDLR : le Prince), car le rôle le plus important qu’ait un ambassadeur à l’étranger, pour un prince et une république, est de bien prévoir le futur, les négociations autant que les évènements. Car qui les prévoit et les fait bien comprendre à son supérieur est cause que celui-ci peut avancer ses affaires et prendre des mesures en temps voulu. Cela, quand, c’est bien fait, honore qui est à l’étranger et profite qui est à la maison, et quand c’est mal fait, c’est l’inverse ».
C’est le septième impératif : faire du sens avec du non-sens. Paul Dahan : « la diplomatie française la plus récente cumule les unes et les autres (NDLR : les erreurs) avec une certaine maestria. Les leçons de ces errements doivent être tirées sans concession, sans tabou. Pour surmonter cette crise, la France doit s’affirmer comme un maître de la diplomatie du possible. Elle doit faire l’impasse sur une action caractérisée par le brio et l’inspiration pour en revenir à une démarche faite de constance et d’opiniâtreté (…). Accepter le débat avec les contradicteurs de la doxa officielle ne signifie pas être d’accord avec eux, mais simplement prendre l’autre au sérieux. Il peut lui arriver d’avoir raison. Ce n’est peut-être pas la meilleure solution, mais elle recèle une certaine efficacité dans un monde aussi imprévisible qu’est celui de ce début du XXIème siècle. Nul ne détient une vérité révélée dans la sphère des relations internationales ».
SERGE SUR, ALAIN DEJAMMET ET LES AUTRES
Professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris 2), Serge Sur est fondateur et directeur jusqu’en 2012 du Centre Thucydide. Ayant également fondé l’Annuaire Français de Relations Internationales en 1999. Assurant aussi la rédaction en chef de la revue Questions internationales depuis 2003, il stabilise quelques définitions.
« L’anticipation est un mouvement de la pensée qui imagine ou vit d’abord un événement. La prévision est une opinion formée par le raisonnement sur les choses futures. La prospective est l’ensemble des recherches concernant l’évolution future et permettant de dégager des éléments de prévision. On peut en conclure que l’anticipation est une prospective incomplète et la prévision une prospective univoque. Dans les trois cas, un certain type de rapport au temps, une tentative de le maîtriser (…). Passé, présent et avenir sont si étroitement mêlés dans des processus dynamiques que s’interroger sur l’avenir implique les trois : non seulement analyser le passé en est une condition, mais encore le principal bénéfice de l’entreprise est peut-être la connaissance du présent ».
« Vue de loin », conclut-il, « on constate que l’on n’a pas posé les bonnes questions, que l’on a ignoré ou sous-estimé certaines données, surestimé d’autres, que l’appareil de connaissances était lacunaire, que l’on n’a pas pris garde à des forces latentes. De même que l’univers semble en majorité constitué de matière noire et d’énergie noire, l’avenir demeure largement obscur, mystérieux, insondable. Il est vain, au moins dans l’état actuel des connaissances et des capacités, de prétendre l’élucider et le maîtriser. Faut-il alors en revenir à saint Augustin, considérer que seul existe le présent, que l’avenir ne relève que de son imaginaire ? Certainement non. La conclusion n’est nullement une condamnation de la prospective, qui en toute hypothèse appartient désormais à la panoplie des outils de la décision. Simplement, elle est appelée à progresser, à s’affiner, et s’il se peut à s’universaliser au lieu d’être comme aujourd’hui réservée à certains pays, limitation extrinsèque qui lui apporte un biais supplémentaire. La prospective bénéficiera-t-elle des progrès de l’intelligence artificielle, aujourd’hui balbutiante ? À voir ».
Ambassadeur de France, Alain Dejammet a été Représentant permanent au Conseil de sécurité et chef de la Mission permanente française auprès de l’ONU à New York (1995 – 1999) et ambassadeur de France à Rome (Saint-Siège) de 2000 à 2002. Auteur de plusieurs ouvrages historiques importants, il traite des « ratés de la prévision diplomatique ». Trois leçons : 1) la première est celle de la nocivité de la précipitation et le parti pris d’une patience toute hégélienne du concept ; 2) la deuxième engageant à rester attentif aux mouvements de fond des sociétés avec une conception toute braudélienne de la longue durée ; 3) enfin, la dernière est un vœu : « celui que se dissipent menaces et crises si les parties à un possible conflit s’acquittent comme le prévoyait la Charte des obligations qu’impose le Conseil de sécurité. Facile serait la prédiction si, au lendemain d’un vote au Conseil, le diplomate se contentait d’énoncer les dispositions prescrites et d’attendre leur exécution. Chacun sait qu’il n’en est rien et que rien n’est plus illusoire qu’une disposition arrêtée par l’ONU ».
Et l’ambassadeur de conclure : « tout changerait si les États s’astreignaient à prendre au sérieux leurs engagements- échange des territoires contre la paix (NDLR pour la Palestine et Israel), par exemple, tel que décidé par la fameuse résolution 242 du Conseil de sécurité, voici déjà plus d’un demi-siècle -. Si ce vœu reste pieux, est-ce pour laisser aux diplomates la satisfaction sournoise de faire des prédictions sur le comportement des hommes… et de se tromper ? ».
La suite du livre déroule les contributions des meilleurs experts qu’on pouvait rassembler sur cette question stratégique d’après Covid-19. Directeur de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM, ministère des Armées) depuis juin 2016, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer revient sur la naissance du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay.
Le diplomate Maxime Lefebvre examine la prévision dans les affaires européennes et le consultant Patrick Allard traite des prévisions économiques. Professeur à l’Ecole polytechnique et à Saint-Cyr, Yves Boyer s’intéresse au « renouveau de la prospective de défense ». L’économiste Julien Bueh évalue la prévision dans les questions environnementales.
Entre « refus des préjugés et devoir de clairvoyance », l’ambassadeur de France Gabriel Robin éprouve les outils de la prévision dans différents chantiers diplomatiques et de politique étrangère. Ancien analyste, notamment de la Direction du renseignement militaire (DRM), Eric Méchoulan s’intéresse aux « limites de la prévision » et aux « grandeurs et servitudes documentaires ».
Ancien diplomate, ancien chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), Philippe Moreau Defarges insiste sur les obstacles à la prévision qui font d’elle une « science humaine » à part entière. Enfin, le prospectiviste Geoffrey Delcroix interroge l’avenir de la prévision à la lumière des « intelligences artificielles » et de « l’intelligence collective ».
DU CÔTE DES ESPIONS
Le tour d’horizon n’eût pas été complet sans passer de l’autre côté du miroir en s’adressant à l’un de nos grands espions. Alain Chouet a été chef du Service de renseignement de sécurité de la DGSE. Spécialiste des mondes arabes, il relève d’abord cette malédiction typiquement française de détestation du renseignement, de l’affaire Dreyfus jusqu’à celle du Rainbow Warrior. En France, on traite les hommes de renseignement de « barbouzes », en Grande Bretagne ils sont adulés comme des seigneurs. Cherchez l’erreur !
Autre obstacle épistémologique : la confusion entre « renseignement intérieur » et « renseignement extérieur ». La différence n’est pas géographique, mais fonctionnelle. Le renseignement « intérieur » s’exerce dans l’espace de compétence institutionnelle et juridique de l’État donneur d’ordre dont il doit respecter les engagements internationaux et les règles de droit sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Il doit distinguer et neutraliser la menace avant qu’elle se matérialise sous des formes tombant sous le coup de la loi et susceptibles d’être judiciarisées. Pour s’acquitter de cette mission de « pré-vision », le renseignement intérieur est bien obligé de remonter au plus haut dans l’étiologie de la menace et donc de fonctionner aux limites indécises d’une légalité pas toujours adaptée aux évolutions des enjeux. Ceci à tel point que chaque épisode de tension en matière de violence terroriste, d’immigration clandestine, de trafics en tous genres, voire d’espionnage, donne lieu à des débats sans fin sur l’Etat de droit et à une inflation législative que les magistrats et les officiers de police judiciaire peinent à maîtriser.
Le renseignement « extérieur » s’exerce, en revanche, sous les directives et pour le compte de l’État donneur d’ordre, mais hors de son champ conventionnel de compétence et donc – par définition – dans la plus absolue illégalité. Tous les États du monde disposent en quantité souvent non négligeable de magistrats, de policiers, de diplomates, de militaires, d’experts en domaines variés pour acquérir de l’information, prévoir, concevoir et mettre en œuvre leurs décisions politiques légales. Si à côté de ces dispositifs, les mêmes États entretiennent souvent à grands frais des services spéciaux, ce n’est pas pour faire double emploi avec les autres ou organiser une saine émulation entre fonctionnaires. Les comptables du ministère des Finances y mettraient rapidement bon ordre. C’est pour pouvoir s’affranchir à l’occasion et s’il en est besoin de la légalité intérieure ou extérieure ou de leurs engagements internationaux et, de préférence, sans se faire prendre la main dans le sac, ce qui nécessite une certaine technicité.
Alain Chouet : « c’est donc ne rien comprendre que d’accuser les services spéciaux de faire dans l’illégalité. Ils ne font que cela. C’est leur vocation et leur raison d’être de déceler, d’informer et de prévenir par des voies que les autres ne peuvent emprunter. En effet, le renseignement se recueille en violant ou en faisant violer la loi des autres. Le problème n’est pas d’obtenir, fût-ce avec flair et virtuosité, ce que les autres peuvent étaler sur Internet, dire, montrer ou faire avec plus ou moins de bonne volonté, mais bien ce que leurs lois, leurs coutumes ou leur environnement social leur interdisent formellement de communiquer ou de faire sous peine des pires sanctions dont aucun code pénal, aucun « code d’honneur » au monde n’est avare ».
Cécité politique : « reposant sur l’acquisition à long terme et par des moyens clandestins du secret des intentions hostiles, il est tentant pour les politiques de ne pas en tenir compte pour des raisons immédiates d’opportunité économique ou diplomatique sachant que, la menace n’ayant pas fait l’objet de révélations médiatiques ou de débat public préalables, ils n’auront pas de comptes à rendre ni de critiques à subir au cas où elle finirait par se manifester. C’est ainsi que depuis plus de trois décennies, les politiques occidentaux refusent de tenir compte des alertes incessantes transmises par leurs services sur la dangerosité de l’expansion à des fins diverses de l’idéologie salafiste violente véhiculée par certaines pétromonarchies wahhabites et par la Confrérie des Frères musulmans ».
Alain Chouet conclut : « les professionnels de la sécurité ne sont jamais optimistes. Leur vocation n’est pas de décrire le cheminement des longs fleuves tranquilles mais les soubresauts des torrents aux caprices tumultueux et potentiellement dévastateurs afin de prévoir quand et où ils feront le plus de dégâts. Ils n’apportent en définitive que des mauvaises nouvelles, ce qui ne leur vaut guère de sympathie au point qu’on finit par les en tenir pour responsables. Sauf à accepter leur dictature comme ce fut le cas de l’Allemagne nazie ou de l’URSS stalinienne, les professionnels institutionnels du renseignement n’ont aucune légitimité à suggérer des orientations politiques, à porter des jugements sur les choix de gouvernance et encore moins à en définir les principes. Leur devoir et leur raison d’être est de tenter d’apporter aux décideurs légitimes les clefs nécessaires pour « voir loin », pour voir au-delà du reflet narcissique du miroir, pour comprendre et anticiper les menaces, pour prévoir les effets pervers à long terme de situations apparemment satisfaisantes à court terme. Leur mission est de contribuer de façon aussi pertinente que possible à des choix et des décisions dont les options sécuritaires ne sont que l’un des nombreux paramètres. On peut ne pas suivre leurs avis mais il est dangereux de ne pas les entendre ».
POUR UNE PREVISION RAISONNABLE
Pour ne pas conclure, Paul Dahan appelle à un double impératif d’humilité et de recours à une approche pluridisciplinaire, conditions d’une « prévision raisonnable » : « elle doit répondre à un impératif d’humilité (demeurer modeste dans les préconisations dans la mesure où le rôle du prévisionniste est d’éclairer des décisions et non de les prendre) face à ce qui se présente le plus souvent comme la solution d’une équation à de multiples inconnues ».
La prévision raisonnable nécessite une approche pluridisciplinaire : « pour comprendre les cultures et les trajets historiques des puissances montantes du XXIème siècle, il faut mobiliser les sciences du passé comme l’histoire, mais aussi les sciences du présent comme l’anthropologie, la sociologie et l’économie politique (…). Les sciences sociales doivent accompagner le développement rapide de l’intelligence artificielle, de la robotique et des big data pour analyser la nature de leurs interventions dans la vie sociale et les conséquences qu’elles vont entraîner» dans les sociétés et dans les relations internationales. Les prévisionnistes doivent rompre avec le confort de leur discipline pour que d’autres champs viennent irriguer leur discipline. Gardons à l’esprit que rien n’est plus aisé que de tirer des déductions fausses à partir de corrélations vraies. Comme le relevait en son temps l’humoriste Pierre Dac, « une fausse erreur n’est pas une vérité vraie ».
Gouverner, c’est décider : « le grand ébranlement du monde balaiera astuces politiciennes et stratégies de communication. Aujourd’hui, gouverner, ce n’est plus seulement prévoir mais, aussi et surtout, décider en fonction de scénarios pensables et impensables. Ce qu’exige notre temps – et les experts agréés ou pas de la prévision doivent l’entendre -, c’est le retour d’une certaine forme de non-conformisme de la pensée stratégique en lieu et place de formules doucereuses pour qualifier les spasmes d’un temps et d’un monde qui n’est pas encore celui des bisounours ».
Fernand Braudel : « L’histoire sans cesse interrogée est condamnée à la nouveauté ». « De la même façon », conclut Paul Dahan, « nous pourrions dire : la prévision sans cesse interrogée est condamnée à la nouveauté. Voilà, résumé l’immense chantier qui nous attend. Tel est le principal défi que doit relever la recherche d’une prévision raisonnable en ce début de XXIème siècle ! ».
Inutile de préciser que la rédaction de prochetmoyen-orient.ch recommande la distribution de ce livre-événement à la sortie des écoles, des églises, des mosquées, des synagogues et du conseil des ministres !
Notes
1 Sous la direction de Paul Dahan : Prévoir le monde de demain – CNRS-Éditions, juin 2020.
2 Sous la direction de Paul Dahan : Diplomates, dans le secret de la négociation – CNRS-Editions, janvier 2016.
3 Edmund Husserl (traduction de Gérard Granel), La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale. Editions Gallimard, 1989. Méditations cartésiennes : Introduction à la phénoménologie. Editions Vrin,1986.
4 Mis en place le 18 mai 1974.
Richard Labévière
Richard Labévière est le rédacteur en chef de l’hebdomadaire en ligne Proche et Moyen-Orient.ch. Écrivain, essayiste, journaliste, spécialiste des relations internationales, des questions de sécurité et de lutte anti-terroriste, on lui doit une trentaine d’ouvrages de références en géopolitique. Dernier livre paru : Reconquérir par la mer. La France face à la nouvelle géopolitique des océans. Préface de Jean-Pierre Chevènement. Éditions Temporis, 314 pages, janvier 2020, 18,50 EUROS.
est le rédacteur en chef de l’hebdomadaire en ligne Proche et Moyen-Orient.ch
8 juin 2020
Proche et Moyen-Orient.ch