Qui ne se souvient de ses envolées lyriques qui prenait l’allure de missiles sol-air contre George W. Bush !
Incontestablement, Hugo Chavez est passé à la postérité comme étant le pourfendeur «number one» du président américain, dont il a grandement contribué à abîmer l’image déjà détestable. Comme dans un scénario hollywoodien, El Commandante a joué à fond et jusqu’au départ de son «meilleur» ennemi, son rôle de bête noire de Bush. Et cela lui a toujours réussi, loin de l’establishment de Washington et des soutiens intéressés des Etats-Unis.
Dans sa démarche anti-américaine qui mêle propagande politique et gestuelle théâtrale, Hugo Chavez a ratissé large, bien au-delà des frontières de son pays, le Venezuela. Grand tribun à la faconde inégalable, Chavez a su mettre les mots sur les maux de l’Amérique et son modèle de société. Dans un monde outrageusement dominé par «The American way of life», l’héritier autodésigné de Simon Bolivar a tôt fait d’enfiler l’uniforme de guerrier pour défier l’ogre «yankee», ne serait-ce que par la parole, faute de pouvoir le faire autrement. Ce courage discursif lui valut d’être la coqueluche du monde d’en bas, celui des laissés-pour-compte et de tous ceux qui souffrent sous la botte de la dictature des marchés. Chavez aura incarné l’antithèse de George Bush et consorts et remis en vogue un concept un peu dépassé : l’anti-impérialisme. Là où il allait, aux quatre coins du monde, Chavez ne manquait presque jamais de faire feu sur sa cible privilégiée qu’était George Bush. Il faut reconnaître que sa recette ne manque pas de réussite. L’ex-président américain a dû rejoindre la poubelle de l’histoire dans l’imaginaire collectif des millions de personnes au monde.
Le «meilleur» ennemi des USA
Et Chavez y a été pour quelque chose pour avoir dit tout haut, ce que beaucoup de monde pensait tout bas. Bien que l’on ne peut soupçonner cet homme, qui a tété les mamelles du communisme puis du socialisme, d’avoir été, un temps, sympathique avec les Américains, la tentative de coup d’Etat contre lui en 2002 aura déclenché sa croisade contre Washington. Pour Chavez, cette manœuvre qui l’a éloigné du palais présidentiel de Miraflores pendant… 47 heures portait la signature de la CIA, donc de Bush. Ce «péché originel» du 11 avril 2002 semble avoir servi de déclaration de guerre froide entre deux hommes dont les rapports heurtés allaient rythmer la chronique politique internationale. Hugo Chavez allait donc marquer son passage à New York en 2006 à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies en se payant la tête de George W. Bush.
«Hier, le diable est venu ici et ce lieu sent encore le soufre», avait-il lance d’entrée, à une assemblée mi-hébétée mi-amusée. Et d’enchaîner : «Il est venu ici comme s’il était le propriétaire du monde.» Le président du Venezuela ne voulait visiblement pas rater une si belle occasion de brocarder son ennemi juré devant les yeux du monde. Il ne s’en est pas privé ; il s’en est même donné à cœur joie en qualifiant Bush de «menteur» et de «tyran».
Le diable était ici…
Et comme dans un théâtre, Chavez joint le geste à la parole, il fait le signe de croix et lève les yeux au ciel… Que Dieu nous en préserve, semblait-il dire. Un geste hilarant et politiquement incorrect de la part d’un chef d’Etat qui lance ainsi un bras d’honneur à Bush dans son propre pays. Le lendemain, il récidive dans le quartier mythique de Harlem, où il semblait en terrain conquis. «Il marche comme John Wayne. (…) Bush est un alcoolique, un malade bourré de complexes. Il ne connaît rien à la politique. Il est arrivé à son poste grâce à papa», tempête Chavez qui tenait à «éructer» ses quatre vérités avant de quitter la capitale mondiale de la finance, où il était persona non grata en dehors des sommets de l’ONU.
Chavez a fini par se calmer après le départ de Bush en 2008. Ayant croisé Barack Obama le 17 avril 2009, lors du sommet des Amériques à Trinidad, Chavez avait même affiché un sourire en partageant une historique poignée de main avec le nouveau maître du monde. Un geste peu commun pour ne pas faire le buzz dans les médias du monde. Même s’il savait que Obama ne changerait rien de la politique américaine, Chavez avait tout de même avoué le 30 septembre 2012, en pleine campagne présidentielle aux USA, que s’il était Américain, il aurait voté Obama. «Un type bien», a-t-il concédé. Sortie de la bouche du truculent Chavez franchement anti-américain, cette petite phrase a peut-être une valeur testamentaire. Sans Bush, Hugo Chavez avait enfin trouvé une certaine paix avec Obama. Mais il était trop tard, le corps l’ayant lâché, le cœur n’y était plus. Bush et les Etats-Unis vont désormais se reposer en paix. Vraiment ?
Hassan Moali
El Watan