Que ce soit sur la question palestinienne, l’Irak, la Libye et tout dernièrement la Syrie, Hugo Chavez avait des positions tranchées et sans concession. Le monde arabe retrouvait en lui la nostalgie de l’époque nassérienne, celle de la dignité retrouvée après des siècles de soumission et de dépendance.
Comme Nasser, Hugo Chavez fascinait par son verbe haut, son humanisme révolutionnaire, son refus de se soumettre à l’Empire américain, son combat pour l’unité bolivarienne, contre les injustices et le sous-développement économique. Et surtout son attachement à l’indépendance économique, à la récupération des ressources nationales et à la souveraineté des États. Autant d’idées qui apparaissent aujourd’hui anachroniques pour nos élites mondialisées, volontairement soumises à l’idéologie néolibérale. Alors que le successeur de Nasser, Anouar Sadate estimait, pour justifier sa forfaiture qui s’était traduite par la signature d’une paix séparée avec Israël : « 99 % des cartes, dans le conflit israélo-arabe, sont entre les États-Unis » – une doctrine actuellement partagée par la plupart des chefs d’État arabes –, Chavez, dont le pays se trouve pourtant à quelques encablures des côtes étasuniennes, a eu l’audace de croiser le fer avec son puissant voisin, dans sa politique intérieure, mais aussi partout dans le monde où les intérêts américains sont en jeu.
Sa première rencontre avec le monde arabo-musulman était à propos du pétrole. On se rappelle sa visite en 2000 en Irak, qui était victime d’un embargo barbare dont l’objectif officiel était de le « renvoyer à l’âge de pierre ». Il fut le premier chef d’État en exercice à braver l’embargo et à se rendre à Bagdad pour rencontrer Saddam Hussein et lui apporter son soutien. Sa visite en Iran, un autre pays paria, s’inscrivait dans le cadre des préparatifs du sommet de l’Opep qui allait se tenir, en septembre 2000, à Caracas. L’on y a vu l’émergence d’une ligne modérée mais ferme, tenue par le Venezuela et les pays africains producteurs du pétrole, l’Algérie en tête, face à un Occident qui voulait faire porter le chapeau de la crise pétrolière secouant l’Europe, depuis le triplement du cours du baril, aux seuls pays producteurs.
Dans les années 1980, les États-Unis et leurs supplétifs du Golfe avaient déclenché la guerre des prix et mis à terre les économies algérienne, nigérienne, irakienne et vénézuélienne. Ce souvenir douloureux préoccupait Hugo Chavez et Abdelaziz Bouteflika qui avaient, sur le fond, une vision similaire : celle de voir émerger un nouvel ordre économique et politique mondial. Le leader bolivarien s’était rendu à quatre reprises en Algérie (2000, 2001, 2006 et 2007).
Mais c’est sur la question palestinienne que Hugo Chavez s’est montré le plus intransigeant, le plus constant. En 2006, lors de l’agression israélienne contre le Liban, le Venezuela s’était tenu du côté du peuple libanais et de sa résistance. Les portraits de Chavez fleurissaient à côté de celui de Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, de Nasser, de Guevara.
Son soutien aux Palestiniens ne se limitait pas à une solidarité de façade. Outre le soutien matériel, il avait exempté les Palestiniens de visa d’entrée au Venezuela. À la suite de l’agression contre Gaza (2008-2009), il avait, ordonné l’expulsion de l’ambassadeur israélien, un pas que ni le Qatar ni la Turquie, qui se disaient solidaires du peuple palestinien, n’ont voulu franchir.
Hugo Chavez, qui était un critique virulent d’Israël et des États-Unis, avait accusé Washington d’avoir empoisonné l’ancien leader palestinien Yasser Arafat. Pour lui, « la Shoah, [était] ce qui se passe actuellement à Gaza ». Il avait déclaré à la télévision que le chef d’État israélien devrait être « arrêté par la Cour pénale internationale ainsi que le président des États-Unis » pour répondre de leurs crimes contre le peuple palestinien.