La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé ce jour l’ouverture d’une enquête par son bureau sur les crimes de sa compétence perpétrés en Centrafrique depuis 2012.
Nos organisations, qui avaient appelé la CPI à ouvrir une telle enquête, se félicitent de cette annonce et engagent la Procureure à mener des enquêtes sur les responsables de tous les groupes armés impliqués dans la commission de crimes de guerre et crimes contre l’humanité et à agir en complémentarité avec la future Cour criminelle spéciale en Centrafrique.
« L’ouverture d’une enquête par la CPI est une bonne nouvelle que nous avions appelé de nos vœux compte tenu des crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés en Centrafrique depuis fin 2012. L’enquête devra porter sur les crimes commis par les responsables de tous les groupes armés, anti-balaka comme ex-Seleka, afin de contribuer à mettre un terme à ce conflit » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.
La Procureure de la CPI a indiqué qu’il existait une base raisonnable de croire que des crimes de meurtres, tortures, viols, pillages, enrôlement d’enfants soldats, persécutions et transferts forcés, constitutifs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, ont été commis en RCA par des éléments anti-balaka et Seleka.
La FIDH, la LCDH et l’OCDH ont documenté les graves violations des droits humains perpétrées en Centrafrique depuis le début de l’offensive des ex-Seleka fin 2012. Le dernier rapport de nos organisations sur la Centrafrique « Ils doivent tous partir ou mourir » identifie des présumés responsables des crimes internationaux commis tant par des éléments anti-Balaka que ex-Seleka.
Dans un pays toujours coupé en deux, les anti-Balaka et les ex-Seleka continuent de commettre des exactions dans un contexte de conflit de basse intensité qui n’est pas exempt de pics de violences, comme l’ont montré les combats qui se sont déroulés au cours du mois d’août dans le quartier de PK5 à Bangui et les dizaines d’exactions qui se déroulent depuis plusieurs mois au centre du pays. Dans ce contexte, l’ouverture d’une enquête par la CPI doit contribuer à ce que cessent les graves violations des droits humains et à identifier les responsables de ces crimes.
« La Procureure devra tenir ses promesses et mener ses enquêtes à la fois sur les anti-Balaka, les ex-Seleka et les autres groupes armés pour identifier les plus hauts responsables et contribuer pleinement à la lutte contre l’impunité. La coopération de la Centrafrique qui a saisi la CPI sera cruciale comme celle de tous les États impliqués » a déclaré Me Mathias Morouba, président de l’OCDH, depuis Bangui. Et autres groupes armés.
La présidente de la transition, Mme Catherine Samba-Panza, et son gouvernement avaient créé en avril 2014 une Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI), chargée d’enquêter sur les violations graves des droits humains et de poursuivre les responsables de ces crimes. Le 8 août 2014, les Nations unies et les autorités centrafricaines de transition avaient conclu un accord prévoyant la création d’une Cour criminelle spéciale (CCS) chargée d’enquêter et d’instruire les crimes commis en Centrafrique et d’identifier les responsables et dont ferait partie la CSEI.
« L’action de la CPI et l’action de la justice centrafricaine doivent être complémentaires. La CPI ne jugera que les plus hauts responsables tandis que la Cellule spéciale d’enquête et la future Cour criminelle spéciale seront chargées de juger tous les autres. Le niveau d’impunité qui est une des cause du conflit centrafricain nécessite une réponse à la hauteur des crimes commis. La CPI et la Cour criminelle spéciale ne seront pas de trop pour rendre justice aux milliers de victimes ignorées depuis trop longtemps » a déclaré Patrick Baudouin, coordinateur du Groupe d’action judiciaire (GAJ) et président d’honneur de la FIDH.
« Nous appelons la communauté internationale à poursuivre ses efforts et son engagement en Centrafrique et à faire de la lutte contre l’impunité l’une de ses priorités. L’action de la CPI est la bienvenue, la Cour criminelle spéciale est essentielle, et l’implication à long terme de la MINUSCA dans l’accompagnement des acteurs de la lutte contre l’impunité est importante » a ajouté Joseph Bindoumi, président de la LCDH à Bangui.