« Je me souviens des soirées à Pimbe. La nuit tombée, on se retrouvait sur la place du village, réunis autour d’un feu. On écoutait les histoires des vieux qui démarraient avec l’exhortation “eguigui là hée”, à laquelle on répondait “esewe”, pour les inviter à entamer leur récit… Tout le monde prenait bouteilles et fourchettes pour produire des sons à hauteurs différentes ; on chantait, on claquait les mains en donnant le rythme, on dansait avec les pagnes autour des reins alors que les mamans tournaient la marmite sur le feu. »
De cette terre forestière aux collines âpres et traversée par les eaux de la Sanaga, Mireille Ngo Bayi évoque les joutes sonores et les bals au clair de lune dans le village familial proche du littoral camerounais : « C’est là qu’est né le concept du tata bo, la danse que j’ai créée et dont le nom veut dire “tournez les reins” en langue bassa. »
Mimi Pary, c’est son nom d’artiste, commence sa carrière comme danseuse. À ses débuts, elle accompagne sur la scène des musiciens du pays comme Papillon, Charly Nelle ou Joli Priso. Puis, elle évolue en solo et commence à voyager : les deux Congos, le Gabon, La Guinée Équatoriale, le Tchad. D’une rive à l’autre du grand fleuveCongo, où les deux capitales les plus proches au monde, Kinshasa et Brazzaville, se regardent comme dans un miroir, Mimi redécouvre les douces mélodies de la rumba qui ont bercé son enfance. Son père en était un inconditionnel et la jeune femme s’est à maintes reprises rendue dans le pays de Lumumba et dans celui de Marien Ngouabi.
À Kin-la-Belle, elle fréquente le quartier de Bandal et apprend le lingala. À Brazza, elle gagne avec sa troupe un Tam-tam d’or en 2008. Dans ses bagages, la maquette d’un album en préparation signale l’évolution : ses talents de danseuse ne lui suffisent plus et Mimi se lance dans la chanson.
Les Congolais apprécient sa voix profonde aux gammes mutantes et ses chorégraphies insolites où la souplesse de la gestuelle bassa épouse les déhanchements plus audacieux du mutuashi, la danse du Kasaï popularisée par la vedette RDcongolaise Tshala Muana. L’album, enregistré en 2009 entre Pointe-Noire et Douala, pressé à Paris et filmé à Kinshasa pour la partie vidéo, sort l’année suivante dans toute l’Afrique centrale et en Afrique du Sud.
Mimi a opté pour une musique africaine cross-over : mélange de rumba et de makossa avec des influences latines et des accents soul qu’elle dit emprunter aux chansons requiem qui « connotent un message spirituel et humanitaire. Je l’ai appris des anciens, car l’artiste est la voix des sans-voix et exprime ce que les autres ne peuvent pas dire ».
Dans la chanson qui donne son titre à l’album, « Mon cœur est à toi », on découvre une vocaliste impressionnante : grave, son chant descend jusqu’au fond de l’âme comme une incantation troublante. « Je m’oriente vers une forme de musique du monde tradi-moderne, comme Sally Nyolo ou Richard Bona. Pour le faire, raconte Mimi, il faut voyager et je me suis installée à Paris. » Où son album DVD vient de paraître en diffusion internationale.
Mimi Pary, Mon cœur est à toi (1 CD + 1 DVD BNB Production)