Les BRICS allaient-ils intégrer de nouveaux pays dans le groupe à l’occasion de son 15ème Sommet qui s’est tenu à Johannesburg du 22 au 24 juillet ? C’est désormais chose faite, pour le meilleur.
Par Christine Abdelkrim-Delanne
Créé sur une initiative de Vladimir Poutine et officialisé par son premier sommet qui s’est tenu le 16 juin 2009 à Iekateribourg en Russie, le groupe fondateur rassemblait alors quatre pays, Brésil, Russie, Inde, et Chine qui, d’une seule voie, décidaient de jouer ensemble un rôle déterminant sur la scène internationale et dans l’économie mondiale. Ils affirmaient, pour la première fois, leur volonté de mettre en place un monde multipolaire qui mettrait fin à la domination du dollar, de réformer les institutions internationales – ONU et Conseil de sécurité, institutions financières Banque mondiale (BM), Fonds monétaire international (FMI), structures dans lesquels malgré leur poids économiques et démographiques, les pays du sud n’ont que peu de pouvoir et d’influence sur les décisions. Ils décidaient de s’unir pour favoriser un développement global durable et soutenir celui des pays du « sud global » par une coopération équitable.
En 2011, le 3ème sommet qui se tenait à Sanya en Chine, intégrait l’Afrique du Sud, locomotive en puissance du continent africain et devenaient les BRICS. Trois ans plus tard, toujours dans l’unité, le 6ème sommet des BRICS officialise la Nouvelle Banque de Développement, dont l’objectif est de financer des projets d’infrastructures par des prêts « propres » en opposition aux prêts « scélérats » de la BM et du FMI dont l’orthodoxie a ruiné les pays dits du « tiers monde » dans les dernières décennies. C’est une banque « démocratique » dont le président est élu par rotation – l’actuelle présidente est la brésilienne Dilma Rousseff – et dont les décisions sont prises sur la base du système « Un État/Un vote ». Plus récemment, s’ils n’ont pas encore décidé d’une monnaie BRICS basée sur l’or afin d’échapper à la dictature du dollar et de la Banque centrale américaine, les BRICS favorisent les échanges commerciaux entre eux et avec leurs partenaires en devises locales. En attendant, les BRICS, qui, pour certains, sont des gros producteurs d’or, constituent des réserves massives du précieux métal jaune.
Forts de leur poids économique et démographique, unis, pragmatiques et efficaces, les BRICS ont donc fait un nouveau pas en intégrant l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis. Quel intérêt représente ces pays pour les BRICS ? En quoi vont-ils renforcer la stratégie du groupe ?
D’un point de vue démographique, avec 3,6 milliards de personnes, soit quatre fois plus que le G7 qui regroupe les sept puissances économiques occidentales, la population des nouveaux BRICS représente près de la moitié des habitants de la planète tandis que leurs territoires cumulent 48,5 millions de km2, soit 36 % de la superficie du globe. Trois de ses membres – l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Iran – sont membres de l’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Deux, la Russie et l’Arabie saoudite, occupent au coude à coude, les deuxième et troisième places du classement des plus gros producteurs, derrière les États-Unis, tandis que la Chine, les Émirats, l’Iran et le Brésil, sont respectivement aux 6ème, 7ème, 8ème et 9ème rang. La Chine est le premier producteur d’or, la Russie arrive en 3ème position, l’Afrique du Sud, en 9ème, le Brésil en 13ème. La Chine est le plus gros producteur mondial de métaux rares stratégiques, loin devant les États-Unis et est l’acteur majeur dans la production de nombreux minerais. La Russie, le Brésil ou l’Afrique du Sud occupent une position dominante, chacun avec sa spécificité, les BRICS couvrant ainsi l’ensemble des besoins en minéraux. Outre l’Afrique-du-Sud, le continent africain particulièrement intéressé par la stratégie des BRICS, comme l’a montré le 15ème Sommet, regorge de ressources stratégiques variées, minéraux, combustibles fossiles, ressources halieutiques et énergies renouvelables. La République démocratique du Congo RDC, l’Afrique du Sud et le Nigéria occupent les premières places du classement africain.
L’entrée des nouveaux membres a, également, élargi la présence géographique des BRICS. Le continent latino-américain aura, désormais, deux représentants avec le Brésil et l’Argentine, couvrant ainsi plus de la moitié de la surface du sous-continent. Le monde arabe fait son entrée avec l’Arabie saoudite et les EAU ; l’Iran, entre Chine et Russie, soumis aux sanctions occidentales drastiques, ouvre les portes d’un immense territoire, l’Égypte, au 6ème rang en Afrique en terme de réserves pétrolières et au 3ème pour le gaz naturel, occupe une place géopolitique stratégique par rapport au Moyen-Orient et à l’Afrique, entre Orient et Occident.
L’intégration de ces six nouveaux membres dans les BRICS – qui dépasse maintenant le G7 en termes de PIB cumulé – et leur extension BRICS Plus, renforcera leur présence dans les grandes alliances régionales et bilatérales à travers les continents, comme le Mercosur, l’Union douanière d’Afrique australe, l’Eurasian Economic Union, la SAARC (Association sud-asiatique pour la coopération régionale) ou l’ASEAN Free-Trade Agreement.
À ceux qui minimisaient l’importance des BRICS, voire leur prédisaient un avenir éphémère, le 15ème Sommet « historique », comme l’a qualifié le président vénézuélien lors de son intervention au « Dialogue BRICS Plus », a fait la démonstration qu’au-delà des divergences politiques, voire des conflits (Inde-Chine par exemple), ses membres avaient la capacité de rester fermes et unis sur leurs principes et de développer leur stratégie pour l’émergence d’un monde multipolaire, pacifique, juste, favorisant avant tout les relations bi- et multipartites pour un développement durable. Un pas de géant vers un autre monde.
Christine Abdelkrim-Delanne