Les mots de consolation manquent et les explications au sujet de la tragédie que viennent de subir Beyrouth et ses habitants ne sont pas audibles, surtout au cœur du vacarme des machines de destruction massive des consciences, nommées « réseaux sociaux » ou « médias sociaux », relayés par des usagers dociles mais orgueilleux. Ceux-là qui créent des mensonges et encouragent les esprits à abandonner lucidité et compréhension.
Depuis son existence, le Liban a perdu à peu près tout ce à quoi un État peut prétendre : sa souveraineté, son économie, son environnement, ses pierres, …! Le résultat est là, devant nous. L’apocalypse devient une réalité quotidienne. Et suite à cette catastrophe qui vient rajouter de l’obscurité à la nuit de Beyrouth, certains Libanais pourraient sombrer dans le désespoir face à ces souffrances intolérables.
Beyrouth se reconstruira, sans aucun doute. Ce seront des architectes, des promoteurs, des professionnels, des investisseurs qui y contribueront. Mais l’intelligence, l’expertise et les aides financières ne suffiront pas. Les regards doivent être tournés vers ces jeunes qui ont déjà agi et réagi en inventant tout simplement la « solidarité des balais » après ce désastre. Ceux-là se redresseront et sauront reconstruire Beyrouth.
J’emprunte à Saint Augustin ces mots « Donne-moi quelqu’un qui aime, et il sentira la vérité de ce que je dis ». C’est la bataille des esprits libres et de ces âmes nobles qui doit se lancer.
Alors que faire ?
Il s’agit d’agir pour retrouver nos racines et de nous ouvrir, sans tabou et avec courage, vers un nouvel horizon géographique, politique, éducatif et économique pour un avenir commun partagé. Il s’agit aussi d’organiser la volonté collective pour trouver ensemble les conditions nécessaires à l’effort de vivre, à la Vie, à la dignité.
Comment ?
Dans ce projet de reconstruction, aucune neutralité n’est possible. Pour ou Contre, il faut trancher pour ne pas tomber dans un relativisme qui ferait que tout se vaut. Il ne s’agit pas d’imposer des choix, mais de partager des principes avec lesquels il ne faut pas transiger… pour que cet avenir commun soit possible :
Contre les modèles économiques basés sur l’appât de l’argent et du pouvoir aux dépens de l’homme. Cet appât a un prix : la dignité comme dit Paul Carvel ;
Contre les systèmes politiques construits sur le communautarisme ethnique, religieux ou racial ;
Contre les modèles de société promoteurs de suprématie, d’exclusion, d’intolérance et d’injustice ;
Contre les machines de mensonges collectives qui brandissent le bouclier de la liberté d’expression. « La liberté consiste d’abord à ne pas mentir. Là où le mensonge prolifère, la tyrannie s’annonce ou se perpétue », dit Albert Camus.
Beyrouth se relèvera quand les armes de la guerre civile seront définitivement déposées, sans jamais déposer les âmes. Quelle que soit l’issue de cette nouvelle bataille, c’est la seule qui ne dépend que des Libanais. Et Beyrouth se relèvera, sans aucun doute mais autrement.
Régina Sneifer est écrivaine et essayiste libanaise. Dernier livre paru : Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie, Éditions Riveneuve, 2019.
17 août 2020
https://prochetmoyen-orient.ch/beyrouth-leve-toi-et-marche/