Après une féconde traversée de genres r’n’b, soul, funk ou rock, Bai Kamara décide de consacrer au blues et à ses origines son sixième album.
Son titre, Salone, est une expression de la langue krio qui veut dire Sierra Leone, où il est né en 1970.
« Je me suis dit qu’à 50 ans, il était temps de m’engager dans le blues. Mais je ne voulais pas faire un disque de blues comme les Américains le faisaient : je voulais un disque de blues qui montre mon histoire », a déclaré l’artiste au magazine Jazzround. Une évidence pour ce surdoué de la guitare, sachant que le style issu des chants de travail des Noirs américains affranchis de la captivité puise ses racines dans les pays de la côte atlantique de l’Afrique, dont le sien.
Suivant la courbe génétique de cette musique marquée par les affres de l’histoire, son inspiration s’installe au cœur du Sahel, sur les berges du Niger, en communion avec Ali Farka Touré, le bluesman disparu de Niafunké, que le musicien aujourd’hui résident à Bruxelles revendique comme l’une de ses influences principales.
Une empathie se crée, miraculeuse. Le goût de l’accord lancinant, le débit fiévreux de la voix et le battement hypnotique du fond que l’on entend dans l’interprétation de ses compositions ressemblent à un sortilège : Bai Kamara ramène à sa source ouest-africaine la note bleue et la marie au jeu fingerpicking de la guitare acoustique de la Sierra Leone ou aux spirales radieuses du high-life du Ghana voisin.
« J’ai appris la guitare en écoutant et en regardant les autres guitaristes. La plupart du temps, je ne savais pas à quel accord ou inversion je jouais. Mes structures d’accords n’étant pas orthodoxes, ce qui comptait pour moi était qu’elles avaient l’effet voulu. J’ai développé un style qui me permet de jouer à la fois la ligne de basse et les accords ». Dans l’évocation d’un talent naturel, le récit de l’artiste dévoile un héritage lointain : la gamme pentatonique des musiques sahéliennes, qui enjamba les océans à l’époque de la traite transatlantique, est présente autant dans les répertoires populaires des pays du Golfe de Guinée que dans le blues. Réunir les deux a été le pari gagné du projet visionnaire de Bai Kamara.
Dans les quinze plages de Salone ondoie cette flamme de la mémoire. Lumière intense qui s’insinue dans les déchirures du chant lancinant des pièces les plus suggestives. Comme dans les volutes saisissantes de Homecoming, Retour à la maison, titre emblématique de la quatrième plage et leit-motif de l’album.
Album : Salone (Moosicos/UVM). Concert : samedi 14 mars à 20h au Jazz Club Etoile, Paris.
Luigi Elongui