Dans ce texte paru en 1951 en français, A. Toynbee rappelle à la fois ce que fut l’échec de l’Islam dans sa tentative de conquête de l’Europe et l’échec de l’Europe quand elle voulut éradiquer l’Islam de l‘Orient.
Mais l’essentiel est ailleurs: «Les Occidentaux s’arrangeaient pour arrêter l’offensive Ottomane et n’y consacrer qu’une faible part de leurs énergies ;et, tandis que les énergies de l’Islam étaient absorbées pour moitié dans cette guerre locale de frontières, les Occidentaux se lançaient avec force à la conquête de l’Océan, c’est-à-dire virtuellement à la conquête du monde. Ainsi ne firent-ils pas que devancer les musulmans en découvrant et en occupant l’Amérique ; ils pénétrèrent dans ce qui était l’héritage normalement réservé aux musulmans, l’Indonésie, l’Inde et l’Afrique tropicale ; et finalement, après avoir encerclé le monde islamique et jeté sur lui leur filet, ils passèrent à l’attaque de leur vieil adversaire dans son repaire natal. »
En d’autres termes pendant que l’Europe laissait les Balkans à l’Islam Ottoman, elle conquérait le monde et l’occidentalisait. Depuis, l’Islam est scindé entre Zélotes, tournés vers le passé (wahabites, senoussi, …) et Hérodiens c’est-à-dire modernisateurs à la manière du Japon de l’ère Meiji. Mais l’hérodianisme est menacé par le mimétisme vis-à-vis de l’Occident. L’Islam, notait Toynbee, a eu le mérite d’éteindre les haines de race entre musulmans. Il le voit ainsi comme un nouvel universalisme. S’il voit l’Islam comme dépassé par les nationalismes laïcs – constat que l’on ne peut plus retenir à l’heure des fondamentalismes – Toynbee avait certainement raison de s’interroger sur ce qui remplira le vide spirituel créé par l’Occident. Là encore, on retrouve l’Islam.
Arnold J. Toynbee, L’Islam, l’Occident et l’avenir, éditions des malassis en collaboration avec les éditions des équateurs, 9 €.
17/10/2013