Alors que le royaume wahhabite fait appliquer chez lui, grâce à l’excès de zèle des Mutawa’ (police religieuse) la loi islamique dans toute sa rigueur, les membres de la famille royale s’illustrent, à l’étranger, par leurs extravagances et leur mépris de toutes les lois.
Mise au ban de la famille royale saoudienne, la princesse Maha a écumé pendant dix ans les palaces de la capitale, multipliant scandales sulfureux et factures impayées
La fête est finie, on solde ! Dans les prochains mois sera dilapidé en salle des ventes, à Paris, le produit de dix ans de shopping tous azimuts par Maha Al-Sudaïri, princesse royale saoudienne consommant sacs, chaussures et bijoux comme un drogué a besoin de sa dose. Le butin, constitué de vêtements de couturiers, de divers objets de maroquinerie et de meubles, a été saisi début mars dans trois box de Clichy-la-Garenne par une société de conciergerie de luxe qui réclame 1,5 million d’euros à la princesse. Une fois évalués, les objets seront vendus aux enchères pour définitivement solder dix ans d’excès princiers. Animée d’une véritable frénésie d’achat, son altesse royale, toujours suivie d’un aréopage de suivantes et de gardes du corps, a envahi les palaces parisiens pendant une décennie et dévalisé les boutiques de l’avenue Montaigne et de la place Vendôme. Le visage perpétuellement mangé par d’énormes lunettes de soleil, elle était connue de tous les commerçants de luxe de la capitale et des portiers des grands hôtels. Pour le meilleur – pourboires princiers, commandes pharaoniques – mais également le pire. Car, malgré son rang et les ressources quasi illimitées de la dynastie saoudienne, la princesse a, ces dernières années, eu de plus en plus de difficultés à honorer ses factures.
Pour se faire payer, palaces et commerçants parisiens ont dû mobiliser huissiers et policiers et faire intervenir l’ambassade. La saisie des box de Clichy-la-Garenne est le dernier épisode d’une longue série d’incidents qui, ces trois dernières années, ont émaillé les séjours parisiens de Maha la scandaleuse. L’explication du comportement de la princesse se trouve loin de Paris, dans les palais climatisés de la capitale saoudienne. Issu du très noble clan Al-Sudaïri du plateau du Nejd, Maha est la troisième femme du prince Nayef ben Abdelaziz, mort en juin 2012. Contrairement aux deux premières épouses du prince, très effacées, Maha tranche dans le milieu compassé de l’aristocratie saoudienne : passionnée de poésie, elle compose des odes dans la pure tradition lyrique arabe. La passion de Nayef, parangon de conservatisme, pour Maha la poétesse suscite incompréhension et rancœur.
Pendant dix ans, le mariage est sans histoire : Maha donne cinq enfants à Nayef – Nouf, Nawwaf, Mishail, Hayfa et Fahd – et le prince, de son côté, cède à toutes les extravagances de sa troisième épouse. En 1990, il lui achète, pour 2 millions de dollars, une maison de 1 000 mètres carrés dans l’enceinte du très exclusif Sweetwater Club, la communauté des millionnaires d’Orlando, en Floride. Maha fait intégralement rénover la maison, remplaçant toutes les douches par d’immenses baignoires à robinet d’or et élimant les cuisines (les repas sont préparés par une nuée de Philippins logés dans une maison adjacente). Durant les travaux, la princesse et son entourage logent au Swan, l’hôtel de conte de fées du parc Disney World, tout proche. Mais Maha ne profitera jamais vraiment de son palais d’Orlando : en septembre 1995, constatant que certains de ses bijoux ont disparu, elle roue de coup son chauffeur Hamada et sa bonne érythréenne Naima Abakr, qu’elle soupçonne du vol. Détachés au Swan pour protéger la princesse, des policiers américains restent sans rien faire tandis que l’altesse, déchaînée, frappe du poing et du pied ses domestiques tétanisés. Ce n’est que le lendemain que l’un de ces cops du comté, réalisant finalement que Maha a peut-être blessé sa bonne, exfiltre cette dernière de l’hôtel et la confie à un groupe de protection de femmes battues. Pour éviter le scandale, Maha verse une forte somme à ses deux employés et quitte précipitamment la Floride. Durant les cinq années qui vont suivre, la maison de Sweetwater va lentement se dégrader jusqu’à ce qu’elle soit discrètement revendue dans les années 2000 par l’ambassade d’Arabie saoudite à Washington, trop heureuse de se débarrasser de cette sulfureuse propriété. L’incident va laisser des traces.
Campant déjà sur des positions très anti-américaines, Nayef, outré de la façon dont sa troisième femme a été traitée par la police de la Floride, n’aura désormais de cesse de critiquer les États-Unis, au point d’attribuer, six ans plus tard, les attentats du 11 septembre à des « éléments sionistes ». Washington, de son côté, va tout faire pour isoler Nayef, misant au contraire sur son frère, le prince Sultan alors prince héritier, et sur le très influent ambassadeur aux États-Unis, le prince Bandar. Si son mari lui pardonne, la famille royale saoudienne, qui n’aime rien moins que le scandale, s’offusque des frasques de Maha. Après l’épisode de Floride, la princesse doit affronter l’hostilité de plus en plus vive de sa belle famille et surtout de ses beaux-enfants, en particulier Mohammed, issu du premier mariage du prince Nayef. Devenu en 1999, numéro deux du ministère de l’Intérieur dirigé par son père, Mohammed chapeaute les services de renseignement intérieur du royaume : c’est un homme puissant qu’il ne vaut mieux pas avoir comme ennemi, et Maha va l’apprendre à ses dépens. » Au début des années 2000, raconte un familier des intrigues de la monarchie saoudienne, Maha a fait l’objet de rumeurs récurrentes d’infidélité : elle était, entre autres, soupçonnée d’entretenir une liaison avec le crooner saoudien, Khalid Abdul Rahman. » Surnommé « l’amant de la nuit « , le chanteur a effectivement mis en musique certains des textes de la princesse, au grand dam des dignitaires religieux, offusqués qu’un membre de la famille royale, « gardienne des deux mosquées », accepte de collaborer avec un musicien, autrement dit un mécréant…
Les rumeurs les plus folles circulent sur Khalid et Maha : des espions de Mohammed ben Nayef les auraient surpris ensemble, il existerait un film de leurs ébats pris par caméra. Au Shangri-La, dernier-né des palaces parisiens, la princesse aura dépensé 16 millions d’euros en six mois. cachée, qui aurait été montré au prince Nayef. Amplifiée par les SMS et les sites de chat dont l’élite saoudienne est une grande consommatrice, l’histoire de la princesse et du chanteur devient une véritable légende urbaine, un mythe sur lequel tout le monde a un avis et des informations exclusives… Maha aggrave sa réputation en faisant ostensiblement peu de cas des traditions islamiques : hors d’Arabie, elle refuse en effet de porter un voile… Dans le huis clos étouffant des palais royaux, cette conduite indépendante la marginalise. Elle se console à coups d’escapades à Paris où, installée dans une suite de l’hôtel George V de son neveu Al- Walid ben Talal, elle prend d’assaut les boutiques pour la plus grande joie des commerçants de luxe parisiens. Elle est connue pour fuir restaurants et salons des palaces et ne vivre que de room service, à toute heure du jour et de la nuit. Autour de la princesse s’affaire sans cesse une nuée de rabatteurs envoyés par tout ce que Paris compte d’enseignes de luxe : porteurs de cadeaux, les émissaires tentent, contre commission, d’intéresser la meilleure cliente de la capitale. Très épris de Maha, Nayef a toujours fait la sourde oreille aux rumeurs visant sa femme. Mais en 2009, il devient le deuxième personnage de l’État en prenant, de facto, la place du prince héritier Sultan, gravement malade (il lui succédera officiellement trois ans plus tard mais prend, dès cette époque, les rênes du pouvoir). Il prie donc Maha de se faire discrète et réduit son autonomie financière. La princesse n’en a cure et repart pour Paris, où elle continue à dépenser sans compter. Mais cette fois la manne des pétrodollars ne tarde pas à se tarir et, pour la première fois de sa vie, la princesse ne peut plus honorer ses factures ! Elle fait traîner mais au vu des montants en jeu – la boutique Key Largo du Trocadéro lui réclame 89 000 € de vêtements et Les Caprices de Lilli exigent 70 000 € de maillots de bain et peignoirs –, les commerçants lésés finissent par porter plainte au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris. Celui-ci délivre une ordonnance de saisie conservatoire et, le 12 juin 2009, l’impensable se produit : escortée de policiers, une armée d’huissiers se présente au Four Seasons George V pour exiger paiement. Barricadée dans sa chambre, Maha refuse de les recevoir et c’est le consul d’Arabie saoudite à Paris, arrivé en urgence pour tenter d’endiguer le scandale, qui distribue à tous les créanciers des chèques de garantie. Mais l’affaire finit par s’ébruiter et les quotidiens français et étrangers titrent à qui mieux mieux sur la « princesse kleptomane »…
On rappelle les incidents de Floride, on glose sur les goûts de Maha… Elle doit quitter Paris. À Riyad, l’accueil est glacial : après les rumeurs d’infidélité, ce dernier esclandre parisien est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Nayef répudie brutalement sa femme et lui interdit de quitter le territoire saoudien. Contrainte de s’enfermer dans un palais de Riyad, elle disparaît de la vie publique et plus personne n’entend parler d’elle pendant deux ans.
La facture
Maha Al-Sudaïri a laissé à Paris 1,5 million d’euros d’impayés, dont :
– 750 000 € à trois sociétés de vigiles : Protection Sécurité Immédiate, Ultimate Security et Belgium Security.
– 300 000 € au concierge de luxe Cinquième Étoile (mise à disposition d’une trentaine de voitures avec chauffeur).
– 200 000 € à des traiteurs dont Fairouz et Riad.
– 11 000 € à Stéphane Pressing. La plupart des ces sociétés, étranglées par les factures, sont en dépôt de bilan.
Source : Le Nouvel Observateur
https://obsession.nouvelobs.com/people/20130331.OBS6296/maha-al-sudairi-princesse-martyre-du-luxe-parisien.html#reagir