Le président a effectué une visite-éclair à Djedda pour parler « politique ». Il reviendra en 2013 pour évoquer les gros contrats.
Ça devait être la première visite de François Hollande au Moyen-Orient. Alors, l’annonce par le président français de son crochet au Liban pour rencontrer son homologue Michel Sleimane à Beyrouth a fait tousser en Arabie saoudite. « On est sur des braises », a-t-on dit à l’ambassade de France samedi soir.
Le fait que le chef d’État ait prévu de ne passer que cinq heures dimanche à Djedda en Arabie saoudite, dans un pays où l’on reçoit en grande pompe, n’arrange rien. « C’est assez mal perçu, ça ne se fait pas… C’est une question de courtoisie », explique-t-on. Mais après tout, en se rendant au Liban, récemment frappé par un attentat ayant tué le chef de la police, Paris voulait faire « un geste politique fort de soutien et d’appui à la souveraineté » du pays, « à la préservation de son intégrité et de son unité ». Une volonté que partage l’Arabie saoudite.
Lorsque François Hollande atterrit à 15 h 30, il file dans la résidence privée du roi, une ville dans la ville, au nord de l’ancienne capitale, sur les bords de la mer Rouge. Leur entretien dure deux heures, le roi Abdallah remet au président français la médaille du roi Abdelaziz. « La visite du président de la République est une nouvelle étape qui lie nos deux pays depuis le général de Gaulle », assure l’ambassade.
Construction d’une ligne de train et du métro ?
« L’intérêt de ce voyage est d’établir une relation de confiance, politique et personnelle, avec le roi », glisse à la presse Hollande, qui martèle : « Aujourd’hui, c’était de la politique », façon de souligner que ce n’est pas en cinq heures que la France est venue négocier des contrats avec ce partenaire économique stratégique. Pour cela, le chef de l’État effectuera une visite « plus longue » en 2013. C’est que l’Arabie saoudite est le premier fournisseur de pétrole de la France, « environ 15 % de notre importation en pétrole naturelle », précise l’Élysée. Mais le palais précise aussi que l’Arabie saoudite a engagé un plan de 370 milliards d’euros sur cinq ans, et Paris espère avoir sa part du gâteau.
À l’ambassade de France, on évoque même les contrats qui intéressent la France : la construction de la ligne de train dit « Landbridge » Riyad-Djedda, du métro de Riyad, pourquoi pas plus tard, du métro de Djedda et aussi l’extension du métro de La Mecque. D’ores et déjà, la France est le troisième investisseur en Arabie saoudite et 70 entreprises hexagonales emploient 20 000 personnes, toujours selon l’ambassade. Mais on l’a compris, François Hollande parlera gros sous en 2013.
L’important dimanche, c’est « la politique », et Hollande développe « les convergences » avec l’Arabie saoudite, mais aussi la Syrie. « Les deux pays condamnent les exactions du régime, la volonté de transition politique et soutiennent l’opposition, dont je dis qu’elle devra se doter d’un gouvernement », soutient-il. Et enfin concernant l’Iran. L’Arabie saoudite et la France partagent la volonté de sanctionner le régime de Mahmud Ahmadinejad, dont « ils analysent la volonté d’accéder au nucléaire comme une menace ». Au passage, le président français salue les efforts de l’Arabie saoudite pour que les prix du pétrole ne s’envolent pas en ces temps de crise. Le processus de paix au Proche-Orient a aussi été évoqué entre le président et le roi.
Qatar et droits de l’homme
Nicolas Sarkozy, en voulant se rapprocher du dirigeant syrien Bachar el-Assad au début de son mandat, puis en développant une relation quasi exclusive avec le Qatar, frère ennemi de l’Arabie saoudite dans la région, avait refroidi les relations avec Riyad. Hollande tente de les réchauffer. Mais alors qu’il n’avait fait aucune concession avec le président congolais Joseph Kabila lors de sa visite à Kinshasa à la mi-octobre, au Sommet de la francophonie, jugeant « inacceptable » l’absence de démocratie en République démocratique du Congo, Hollande s’est, cette fois, montré très discret en Arabie saoudite sur la question des droits de l’homme, et surtout des droits de la femme.
Certes, une rencontre sur le sujet a été organisée à l’aéroport avec des membres de la société civile juste avant son départ, mais elle n’a duré qu’une demi-heure… Pourtant, en Arabie saoudite, les femmes n’ont pas le droit de conduire, sont contraintes à porter l’abaya et ne peuvent pas sortir sans être accompagnées par un homme de leur famille… François Hollande s’est contenté de souligner « qu’une réforme est engagée » sur le droit des femmes et que « les membres de la société civile ont reconnu que depuis 2005 des étapes avaient été franchies ». En tout cas, pas celle de la peine de mort, toujours en vigueur. En Arabie saoudite, 65 exécutions capitales ont eu lieu depuis le début de l’année. Mais le sujet n’était pas à l’ordre du jour.
Le Point.fr – Publié le 05/11/2012