Les menaces qui s’accumulent aux frontières de l’Algérie, aussi bien vers le Mali, la Libye, le Maroc ou la Tunisie, appellent à plus de vigilance de la part des Algériens et à un sens solide de l’unité nationale. C’est le sens profond des exhortations qu’adresse actuellement le président Abdelaziz Bouteflika à ses concitoyens.
C’est un fait, les démiurges des « printemps arabes », avec les conséquences que l’on voit sur des pays naguère debout, aujourd’hui en voie d’effondrement accéléré, sans que la démocratie promise n’ait montré le bout de son nez, n’ont pas renoncé à entraîner l’Algérie dans un tourbillon chaotique de même ordre et de même ampleur. À l’intérieur du pays, certains groupes inspirés par des émules étrangers s’activent à provoquer la tension pour tenter d’en tirer profit, en vain jusqu’à présent. Ils confondent volontiers protestation et manipulation, revendication et déstabilisation, le tout au grand profit de pêcheurs en eaux troubles.
Car si l’Algérie s’est résolue, depuis plusieurs années déjà, à installer une démocratie pluraliste, elle entend aussi avancer à son rythme dans une transition paisible. Les Algériens savent plus que d’autres ce qu’un bouleversement soudain, irréfléchi, sans préparation minutieuse de « l’après », leur a coûté durant la décennie noire : des milliers de morts, des dégâts matériels incommensurables et une perte de confiance, heureusement provisoire, dans leur avenir. C’est en tirant les leçons de cette tragédie sans nom que le chef de l’État s’est attelé à la reconstruction du pays, fortifiant ce qui compte le plus chez les Algériens : le sens de l’unité, de l’indépendance et de la souveraineté nationale. Autant de lignes rouges qu’il est impossible à leurs adversaires de franchir sans se brûler les doigts.
Cette approche est d’autant plus solide que la transition progresse chaque jour un peu plus dans la bonne direction : reconnaissance de partis politiques aux obédiences diverses, organisation d’élections pluralistes, dialogue continu entre le pouvoir et les représentants de la société, acceptation de l’altérité dans toutes ses dimensions, etc. Les champs politique et syndical n’ont jamais été aussi animés, soutenus par une presse indépendante qui ne laisse rien passer aux gouvernants, quels qu’ils soient. « Pas de tabou » est son mort d’ordre. Les autorités peuvent sans doute mieux faire pour conforter cette évolution et elles font déjà beaucoup. Jamais la parole n’a été aussi libre dans ce pays, et le droit de manifester aussi bien reconnu et protégé. Il suffit de feuilleter la presse au quotidien.
Cette effervescence est elle-même le résultat à la fois de l’impatience – parfaitement compréhensible – et d’une prospérité économique retrouvée, qui, si elle n’atteint pas encore de la même façon toutes les catégories sociales, s’est néanmoins propagée à l’ensemble du territoire – au-delà de cette « Algérie utile » dessinée par la colonisation pour mieux étouffer l’autre Algérie, celle de la majorité d’exclus. On a vu renaître ainsi ces dernières années « l’Algérie des chantiers » qui faisait la fierté des premières générations post-indépendance. Le Fonds monétaire international (FMI) multiplie ses satisfecit. De débiteur, le pays est devenu créditeur de la même institution qui n’avait pas hésité à placer sous sa férule « l’Algérie de la banqueroute » des années 1990. Dans ce tableau flatteur, il y a sans doute encore quelques cases à remplir : un taux de chômage des jeunes, qui, quoiqu’en recul constant, reste préoccupant, un taux de croissance qui peut être amélioré et une répartition des richesses qui mérite d’être revue en faveur des couches les plus défavorisées. Lesquelles, faut-il le rappeler, reçoivent beaucoup de la solidarité nationale. L’effort accompli par les Algériens durant les quinze dernières années n’est plus loin d’aboutir. Il ne faudrait pas le gâcher pour des chimères.