Pour la deuxième fois en six mois, les partis islamistes ont mordu la poussière lors des élections communales et de wilayas, le 29 novembre 2012. Un scrutin qui a permis aux 22 millions d’électeurs algériens de choisir leurs représentants aux assemblées locales après avoir désigné, en mai, leurs représentants à l’Assemblée populaire nationale (APN). Cette longue séquence de la vie politique nationale, qui sera suivie par le renouvellement partiel du Sénat, est le prélude à une réforme de la Constitution annoncée pour l’année 2013. Une opération se présentant comme la phase ultime de la mise en place du dernier étage de l’architecture constitutionnelle qui régira l’élection présidentielle en 2014. La concertation, assez avancée, devra déboucher dans le courant du premier trimestre 2013 sur plusieurs projets d’amendements constitutionnels. Ils seront présentés par le chef de l’État, le président Abdelaziz Bouteflika, à la représentation nationale.
Les islamistes, battus une première fois aux élections législatives de mai, ont été de nouveau largement distancés par les partis de la majorité présidentielle : le Front de libération nationale (FLN), le Rassemblement national démocratique (RND) et le Mouvement populaire algérien (MPA), dernier venu sur la scène politique. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP), en tête des élus islamistes, et son rival, l’Alliance pour une Algérie verte (AAV), sont à la traîne, beaucoup plus bas dans le classement derrière le Front des forces socialistes (FFS), le Parti des travailleurs (PT) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Les partis islamistes ont sans doute pâti de leur éparpillement et leur absence de programme prenant en charge le quotidien des gens, mais aussi, et surtout, des retombées du « printemps arabe » en Tunisie, en Libye et en Égypte. La tournure violente et incertaine sur le long terme n’avait rien de rassurant pour l’électeur algérien, en quête de stabilité. Ce réflexe a joué en faveur de la prudence dans un contexte géopolitique marqué par ailleurs, au sud, par le conflit malien et les menaces d’une intervention étrangère pour déloger les groupes armés islamistes et les trafiquants d’armes, de cigarettes et de drogue de leur sanctuaire du Nord-Mali.
Le grand vainqueur des deux scrutins locaux (communal et de wilaya), avec environ un tiers des suffrages exprimés et autant de sièges, est le FLN, qui s’est adjugé d’emblée la majorité des présidences des assemblées locales et, par le jeu des alliances, a pu renforcer ses positions au sein des exécutifs. Après avoir nettement gagné les législatives, son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, en butte à la contestation d’une partie de son Comité central depuis le début 2012, pourra ainsi présenter un « carton plein » aux instances de son parti et confondre ses détracteurs. Il avait lui-même lié son sort à la tête du parti à ces deux victoires. Pour le parti nationaliste, c’est une page qui vient d’être tournée. Au-delà de la conjoncture, en effet, le FLN, héritier de la lutte de libération nationale, a prouvé qu’il restait très ancré dans la société.
Pour sa part, le RND, lui aussi secoué par une fronde interne, est arrivé en deuxième position, loin derrière le FLN. Il réalise tout de même un très bon score qui bénéficiera sans doute à son secrétaire général, l’ancien premier ministre Ahmed Ouyahia. Les deux partis continueront à constituer l’ossature de l’État dans le cadre du pluralisme politique instauré depuis 1989.
Les Algériens avaient à choisir entre 8 383 listes présentées par 52 partis, 187 listes de candidats indépendants aux 1 541 assemblées communales et 607 listes aux assemblées de wilayas. Le taux de participation aux deux scrutins a tourné autour de 44 % des inscrits, démentant le pronostic de certains observateurs qui escomptaient une affluence moindre. Quelque 600 femmes font leur entrée dans ces assemblées qui brassent des budgets importants, tous dédiés à l’aménagement du quotidien des Algériens. En dépit de quelques contestations – lot habituel de tous les scrutins de par le monde –, les principaux protagonistes ont reconnu que l’élection s’était déroulée dans de bonnes conditions de régularité et de transparence. Huit cent mille agents administratifs et 7 000 agents de l’ordre ont été mobilisés pour assurer le bon déroulement des opérations, qui ont eu lieu sous la surveillance sourcilleuse des représentants des partis.
Mission accomplie pour le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia, dont c’est le second test réussi après les législatives. Si la carte politique n’a subi aucune modification notable dans le rapport de force entre partis, la pratique démocratique s’est, elle, renforcée, au bénéfice des partis favorables à un État civil et pluraliste.