Les modes de financement de l’économie ont connu, ces dernières années, des réformes en cascade qui tendent toutes à en améliorer le rendement. Elles s’intègrent à la stratégie de modernisation de l’économie qui cherche à rompre avec la forte dépendance aux hydrocarbures (98 % des recettes d’exportations) et porte son effort sur la diversification, notamment par la promotion de l’industrie et de l’agriculture.
En tête de ces facteurs de modernisation, figure le vaste plan de développement des infrastructures lancé depuis 2000 par le chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika. Il faut y ajouter la refonte des systèmes de paiement, des procédures budgétaires, fiscales, douanières et comptables afin d’améliorer l’environnement des entreprises publiques et privées reconnues comme principal lieu de création de richesses.
Au préalable, il a fallu stabiliser le cadre macroéconomique. Les institutions internationales, qui surveillent de près son évolution, conviennent que cette tâche a été réalisée. En termes réels (soustraction faite de l’inflation), le taux de croissance annuel s’est ainsi situé aux alentours de 6 % hors hydrocarbures ; la dette extérieure – fardeau des années 1990-2000 – a été réduite à un encours insignifiant. Elle a reculé sous le double effet de la décision de rembourser les créances du Club de Paris par anticipation et du financement de l’économie sur des ressources internes.
Le taux national d’épargne se situe à 40 % du PIB, la dette interne est sous contrôle, et l’inflation contenue à 5 % en moyenne, malgré la forte croissance de la dépense publique pour financer les infrastructures et la politique sociale dynamique en faveur des plus démunis. En dépit, aussi, de la hausse des prix des matières premières sur le marché international. L’action de l’État a permis de faire reculer le taux de chômage à 10 % et d’atteindre un taux d’électrification de 98 %, un taux de raccordement de 46 % au gaz nature, de 95 % à l’eau potable et de 85 % aux réseaux d’assainissement.
Ce résultat est le fruit de politiques monétaires et budgétaires prudentes. La fiscalité pétrolière est calculée sur un prix de référence du baril sciemment minoré. Les réserves de change accumulées ces dernières années – qui ont franchi le cap de 200 milliards de dollars – représentent au moins trois années d’importation au cours actuel.
Depuis 2001, trois programmes d’investissements publics ont été lancés. Le premier (2001-2004), d’un montant de 7 milliards de dollars, a été consacré à la remise en état des édifices et infrastructures publics endommagés pendant la « décennie noire » du terrorisme, et à la relève d’activités sinistrées comme l’agriculture. Le deuxième programme, dont le montant a connu un bond à 180 milliards de dollars, a été orienté vers le développement et la modernisation des réseaux routiers et ferroviaires, le desserrement des contraintes hydrauliques, la construction de logements et le renforcement des moyens de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Le troisième programme couvre la période 2010-2014. Il est évalué à 150 milliards de dollars pour ce qui est des projets nouveaux, en plus d’une enveloppe substantielle (130 milliards de dollars) pour le financement des projets du programme précédent dont le coût a subi une réévaluation pour diverses raisons.
Sur le plan financier, le système bancaire a connu d’importantes améliorations concernant l’évaluation des risques dans le traitement des demandes de crédits des opérateurs économiques. Des garanties d’État sont désormais accordées aux crédits à l’investissement à travers des institutions créées ces dernières années. Si le marché financier, ouvert en 1990, est resté atone, c’est essentiellement en raison de la faiblesse du secteur privé où prédomine l’entreprise à caractère familial, dont le management est peu enclin à s’adresser à la Bourse.
Les autorités s’emploient à dynamiser la Bourse à travers le marché obligataire, qui a connu depuis 2004 plusieurs émissions importantes, et à travers l’assouplissement des conditions d’introduction de nouvelles valeurs : suppression de la condition d’un capital minimum, réduction de la part minimale de capital mise en circulation, réduction de la durée d’ancienneté, etc. Un plan global de réforme est en cours depuis un an, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Il devrait aboutir à la conception d’un nouveau schéma directeur pour développer ce marché.
La rationalisation des procédures budgétaires a été amorcée à travers plusieurs mesures tendant à renforcer le contrôle financier sur les dépenses courantes et à assurer une meilleure prévisibilité des dépenses d’équipement. Il s’agit notamment d’en maîtriser le coût et d’éviter les réévaluations successives des programmes. Dans l’approche budgétaire, les autorités cherchent à substituer à une politique de moyens une politique de résultats dans un cadre pluriannuel. Elle doit être adossée à une batterie de performances quantitatives et qualitatives.
Même si la crise financière mondiale a marqué un recul du flux des investissements directs étrangers (IDE) vers les pays émergents depuis 2008, l’Algérie a enregistré des entrées nettes d’IDE de 2,5 milliards de dollars en 2009 et de 3,5 milliards de dollars en 2010. La tendance à la hausse était par ailleurs confirmée pour 2011. En 2012, plusieurs facteurs plaident en faveur d’une nouvelle hausse : baisse de la pression fiscale, offre de ressources locales pour le financement de projets en partenariats, autorisation du management des entreprises à capitaux mixtes par le partenaire étranger, etc.
Depuis 2009, l’Algérie a imposé aux partenariats avec l’étranger la règle du 51 %-49 % en faveur de l’investisseur national, afin d’assurer, au nom du « patriotisme économique », la remise en ordre d’un marché qui partait à la dérive. Elle ne cherche cependant pas à instaurer une politique d’autarcie, mais s’emploie au contraire à s’intégrer dans la mondialisation à des conditions qui ne portent pas atteinte aux intérêts nationaux et se situent dans un processus « gagnant-gagnant ».
La meilleure protection de l’économie nationale est d’améliorer sa productivité et de diversifier ses produits afin de faire face à la concurrence sur son propre marché, estime-t-on à Alger. D’où le plan ambitieux de mise à niveau des petites et moyennes entreprises (PME), engagé depuis quelques années afin de leur permettre de relever le défi. Les entreprises nationales bénéficient par ailleurs d’une baisse de la pression fiscale leur permettant d’accroître leurs capacités d’autofinancement, d’avoir accès aux taux d’intérêt bonifiés et aux crédits garantis par l’État. Il faut souligner que les banques ont consolidé leurs fonds propres, ce qui a renforcé leur capacité d’engagement en faveur du secteur productif. La dette de plusieurs entreprises en difficulté a par ailleurs été rééchelonnée (après le secteur public, l’opération d’assainissement s’est étendue au secteur privé). Les PME peuvent aussi bénéficier du soutien de fonds locaux d’investissement.
En utilisant l’ensemble de ces outils, les autorités s’emploient à dynamiser la production afin d’assurer un « après-pétrole » sans accroc. Le chemin est sans doute encore long, mais le pari déjà engagé peut être gagné.