Pour certains de nous, Henri était un ami, un camarade, un frère. Pour nous tous, il était un exemple d’humanité, de fidélité à nos idées, de courage. Un héros révolutionnaire qui donna sa vie pour l’émancipation et le bonheur des travailleurs et des peuples opprimés. Parmi les paroles qu’il nous laisse, en plus d’innombrables, importants et magnifiques ouvrages (dont bien sûr La Question), voici ces quelques mots de combativité, de lucidité et d’espérance, pour poursuivre la lutte :
« Les colonialistes français ont été des professeurs de torture, tant en Amérique latine qu’en Afrique du Sud. Là-bas, ils furent recrutés, en accord avec les autorités françaises, pour servir de “maîtres” dans les opérations de répression. […] Pendant les guerres coloniales, comme au Viêt-Nam, les tortionnaires français ont été les professeurs dans les interrogatoires de torture menés par les officiers étasuniens. Cet enseignement, ils l’ont effectué aux États-Unis même, en particulier à Fort Bragg, mais aussi en Amérique latine […] [En Algérie,] la torture était une arme du colonialisme. Avant le début de l’insurrection, elle avait une dimension artisanale. Durant la guerre coloniale, elle acquit une dimension industrielle. Cette situation de non-respect des droits de l’homme, avant et pendant la guerre, a été une caractéristique commune de tous les gouvernements en France, que ce soit celui, socialiste, de Guy Mollet, comme de ceux de droite qui ont succédé, ainsi que celui du général de Gaulle. Même un gouvernement qui s’est appelé “de gauche” a couvert la torture et maintenu le silence à son sujet. Il n’est pas possible d’établir de différence bien claire entre tous ceux qui ont dirigé la guerre d’Algérie, “de gauche” ou de droite. Sans aucun doute, tous sont responsables. » (1)
« Ces échos qui viennent d’Outre-Atlantique ont de quoi inquiéter. C’est le profil effrayant d’une Amérique en proie au smiling fascism qui se dessine pour préparer le pays à accepter non seulement la guerre actuelle contre l’Afghanistan, mais toutes les autres… Jamais comme aujourd’hui la fameuse formule de Jaurès « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » n’aura paru si évidente. Mais il y a “l’autre ennemi”, le fondamentalisme islamique… Peut-être serait-il utile de rappeler que ce sont les autorités étasuniennes elles-mêmes qui, à l’époque de la guerre froide, ont aidé les talibans à prendre force, à s’armer et à se constituer en groupes de combat contre le gouvernement légitime de Kaboul alors appuyé par les Soviétiques. Ce sont aussi ces mêmes mercenaires recrutés par les Pakistanais et les Saoudiens pour le compte des États-Unis qui ont essaimé vers l’Algérie, et d’autres pays musulmans, dont la CIA jugeait utile de déstabiliser les régimes en y semant la terreur et le désordre. […] Dans cette nouvelle situation [les États-Unis, unique superpuissance] apparaît aussi la faiblesse du système capitaliste qui, malgré sa “victoire” provisoire, marque de façon éclatante son incapacité à sortir des contradictions qui le minent et des crises de plus en plus violentes et destructrices qui l’assaillent. […] C’est sur le terrain quotidien de la misère, de la faim, du chômage, de l’exploitation, de l’humiliation, des frustrations, de la colère et de la révolte contre l’arrogance des puissants, et aussi dans ce “vide” politique décourageant, que naissent et se développent les courants obscurantistes, présentés par des démagogues comme les seules voies de salut et de rédemption possibles – et ailleurs que sur cette terre ! […] Encore conviendrait-il d’ajouter que les Ben Laden et autres donnent de l’islam une interprétation sectaire, bornée, étroite, intolérante, qui ne correspond nullement à celle qu’en retiennent des centaines de millions de musulmans pour qui, selon les paroles du Coran, “il ne peut y avoir de contrainte en religion”. » (2)
« La vie est courte, mais tout pousse les êtres humains à combattre pour leur libération et à lutter pour un avenir meilleur. Je crois en notre victoire. La majorité des peuples du monde se convaincront qu’il n’y a pas d’autre voie pour atteindre cette libération et cet avenir meilleur que celui du socialisme. C’est cela que je voudrais dire aux jeunes, et aux moins jeunes. » (1)
(1) Extraits d’interview d’Henri Alleg par Néstor Kohan et Rémy Herrera à Serpa (à l’invitation de Miguel Urbano Rodrigues), en septembre 2004. Disponible en intégralité sur : www.lahaine.org/
(2) Extraits d’entretien avec Henri Alleg, retranscrit par Rémy Herrera. Disponible dans l’ouvrage : L’Empire en guerre (2001).