Depuis l’acte de barbouzerie perpétré par certains services français en Algérie et en Tunisie avec l’exfiltration d’une activiste algérienne en violation de la souveraineté nationale algérienne et du droit international, une sournoise campagne de désinformation a été lancée par certains lobbies qui nuisent à la fois à la politique d’ouverture du chef de l’État français et aussi à la relance de la politique de rapprochement instaurée par le président algérien.
Par Philippe Tourel
L’une des conséquences de cette barbouzerie aura été le rappel par l’Algérie de son ambassadeur à Paris, Saïd Moussi, un diplomate chevronné qui s’était appliqué sans relâche, depuis sa nomination en octobre 2022, à mettre en œuvre la politique de rapprochement décidée par le Président Abdelmadjid Tebboune. Autre conséquence collatérale, le président tunisien Kaies Saied a limogé son ministre des affaires étrangères, Othman Jerandi, qui avait été indirectement impliqué dans cette affaire rocambolesque d’exfiltration qui a failli casser l’axe Alger-Tunis.
Face à ce gâchis, Emmanuel Macron a décidé de se débarrasser de son ambassadeur à Alger François Gouyette, soupçonné d’avoir été derrière cette barbouzerie dirigée en premier lieu contre sa politique de rapprochement avec l’Algérie. Un arrêté signé le 10 février 2023, par la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, et paru dans le journal officiel annonce, d’une façon inhabituellement humiliante que « François Gouyette quittera ses fonctions le 1er août 2023, en raison de la limite d’âge. »
Rappelons que la nomination en 2020 de François Gouyette, marié à une algérienne et qui maitrise la langue arabe, comme ambassadeur à Alger, était présentée comme un « geste » de Paris en vue d’apaiser des relations difficiles et tumultueuses entre les deux capitales. Les Algériens qui le connaissent bien, ne serait-ce que par sa proximité avec Jean-Pierre Chevènement – ami de toujours de l’Algérie – dont il a été son conseiller diplomatique lors de son passage au ministère de l’Intérieur, étaient cependant plus que sceptiques. Ils n’ignoraient pas son rôle funeste dans les préparatifs de la guerre contre la Libye (une guerre qui l’avait éloigné de Chevènement). Une guerre qui a lourdement affecté l’Algérie et le Sahel. Ils n’ignoraient pas non plus son rôle sournois et néfaste dans la guerre contre la Syrie. Il faisait à l’époque la tournée de ses connaissances syriennes, notamment parmi les ambassadeurs, pour les inciter à se retourner contre leur gouvernement.
Les appréhensions d’Alger s’étaient vite réalisées. Afrique-Asie, par la plume de Philippe Tourel, publie le 9 décembre 2020, soit quelques mois seulement après sa nomination, une analyse au titre prémonitoire « France-Algérie : le double jeu de François Gouyette » (https://www.afrique-asie.fr/france-algerie-le-double-jeu-de-francois-gouyette/).
Le président français a-t-il compris un peu tard son erreur de casting ? En le mettant à la retraite après tant de « mauvais services », compte-t-il réparer cette erreur ? ou s’agit-il d’un gâchis difficilement réparable ? Certains analystes prévoient, d’ores et déjà, le report, voire l’annulation pure et simple de la visite d’État que comptait effectuer le président Tebboune en France en mai prochain.
Trahi par les siens, Macron est obligé, pour achever le chantier de la restauration des relations avec l’Algérie, de faire le ménage au Quai d’Orsay et au sein des services.
Dans son discours inaugural de la conférence annuelle des ambassadeurs et des ambassadrices français le 27 août 2019, il avait, à la grande surprise des diplomates, dénoncé la présence d’un État profond français au Quai d’Orsay :
« Alors je sais, comme diraient certains théoriciens étrangers, nous avons, nous aussi, un État profond. Et donc, parfois, le président de la République dit des choses, et puis la tendance collective pourrait être de dire : “Il a dit ça, mais enfin nous on connaît la vérité, on va continuer comme on a toujours fait.” ». Puis il avertit qu’il ne faut pas « suivre cette voie ».
Dans son article paru dans le Monde Diplomatique du mois de septembre 2020, l’écrivain et journaliste d’investigation Marc Endewel notera que « immédiatement, quelques rires gênés fusent de l’assistance : ces hauts fonctionnaires, qui se comportent comme les aristocrates de la République, ne sont guère habitués à se faire malmener de la sorte. » « De fait, poursuit-il, cette démonstration d’autorité – certains y voient un aveu de faiblesse – n’est pas du goût de tous ». « Cette déclaration a été très mal prise au Quai », nous confie l’un des diplomates présents.
Faut-il attribuer la barbouzerie des services contre l’Algérie à une vengeance de l’État profond contre la politique prônée par Macron ? L’enquête le démontrera. Mais en attendant, la mise à la retraite de Gouyette est interprétée, comme un geste de bonne volonté de Macron à l’égard de l’Algérie d’une part, et une mesure disciplinaire destinée à châtier ceux qui avaient osé saboter sa politique algérienne.
En attendant, les pêcheurs en eaux troubles en France continuent de sévir et de jeter de l’huile sur le feu. A la barbouzerie a succédé une campagne de désinformation systématique dans les médias et les réseaux sociaux, concernant notamment la prétendue suspension par l’Algérie des visas pour les citoyens français. Le ministère algérien des Affaires étrangères et de la Communauté Nationale à l’Étranger, pour couper court à ces rumeurs, a dû publier un démenti catégorique :
« Au cours des derniers jours, dit le démenti, il a été relevé une campagne mensongère, émanant de certains cercles hostiles à notre pays, alléguant une prétendue « décision » des autorités algériennes de suspendre la délivrance de visas touristiques au profit des citoyens français. » « Le ministère tient à apporter un démenti catégorique à cette campagne de désinformation et précise que les représentations diplomatiques et consulaires algériennes à l’étranger assurent de manière continue la prestation de services consulaires et continuent à délivrer, de la façon la plus normale, des visas touristiques aux ressortissants de l’ensemble des pays tiers, y compris les français, désireux se rendre en Algérie. »
Non seulement aucune mesure de suspension n’a été prise, mais, précise le ministère, que « depuis le début de cette année, et dans le cadre de la promotion des destinations touristiques vers l’Algérie, des mesures additionnelles de facilitation ont été introduites, à titre exceptionnel, en vue de permettre la délivrance de visas de régularisation à l’arrivée au territoire national (aéroports internationaux, postes frontaliers terrestres et portuaires) au profit des citoyens de pays tiers désirant se rendre, dans un cadre touristique et par le biais d’agences de voyages, dans l’une des vingt-quatre (24) wilayas du Sud du pays. »
Par ailleurs, précise le communiqué, les demandes de visas formulées, à titre privé, continuent d’être traitées au niveau des services consulaires algériens à l’étranger, conformément à la réglementation et aux procédures en vigueur. »
Philippe Tourel