Quels sont les défis majeurs qu’affronte l’Algérie aujourd’hui ? Criminalité ? Drogue ? Terrorisme ?
À l’instar des autres pays de la région, l’Algérie est confrontée à une série de menaces qui sont induites par toutes les formes de criminalité : criminalité ordinaire et nouvelles formes de criminalité, à savoir la cybercriminalité, le blanchiment d’argent et autres crimes organisés par la mafia, la criminalité transnationale…
Pour ce qui est de la drogue, nous assistons à des saisies extraordinaires. Elles sont quotidiennes et concernent de grandes quantités. C’est un phénomène tout à fait récent et inédit qui est monté en puissance ces cinq dernières années. Malgré ces saisies, l’Algérie reste un pays de transit, même si nous constatons qu’il y a des concentrations faites au niveau de certaines zones ou certains quartiers.
Concernant le terrorisme, je peux juste vous dire que les forces de police sont intégrées dans les dispositifs de lutte contre ce fléau et qu’elles sont placées sous le contrôle opérationnel des secteurs militaires.
Les bouleversements survenus aux frontières du pays pèsent-ils lourdement sur les missions confiées à la police nationale ?
Petite précision importante : la police ne dispose pas d’équipes constituées chargées de la protection et de la sécurisation des biens et des personnes. Elle est chargée de tenir les postes frontières et terrestres et veiller à la bonne circulation des biens et des personnes au niveau des frontières. Ces missions sont confiées à l’armée et à la gendarmerie qui dépendent du ministère de la Défense.
Pour la première fois, l’Algérie est confrontée à des menaces extérieures sur presque toutes ses frontières. Comment gérez-vous ces menaces ?
Il faut faire la différence entre menace, risque et vulnérabilité. Les menaces extérieures, je ne vais pas en parler car ce n’est pas ma mission. Mais pour ce qui est des risques internes et de vulnérabilité, la police déploie tous les moyens humains et matériels pour y faire face.
Qu’en est-il de la coopération avec les pays voisins pour la prévention et la gestion de ces menaces ?
Cette coopération se fait soit dans un cadre multilatéral, soit dans un cadre bilatéral. Elle consiste à faire un échange d’informations, d’expertises et d’expériences. Et la police algérienne est disposée à apporter tout son concours et son savoir-faire au profit des polices régionales
Est-ce que vous formez des policiers ?
On a formé des promotions de la police libyenne.
Avez-vous participé à la formation des policiers du Mali, État qui traverse une crise majeure ?
On n’y a pas participé, mais il y a eu un échange d’informations et de visites entre les deux polices. Jusqu’à présent, ces échanges ne se sont pas manifestés dans le domaine de la formation.
Des pays ont vu leurs institutions sécuritaires s’effondrer. Avez-vous encore des interlocuteurs valables avec ces appareils ?
Pour ce qui est de la région, à laquelle vous faites allusion, je répète que dans le cadre du Conseil des ministres arabes de l’Intérieur (CMAI), il existe des échanges entre les différentes polices. Lorsqu’il y a nécessité, nous effectuons des échanges de manière bilatérale. Je le répète : on a tout le temps répondu à l’attente des polices des pays voisins.
Êtes-vous souvent sollicité ?
On est sollicité. Soit dans le cadre de la formation basique, soit dans le cadre de la formation des différentes spécialités : police scientifique, technique, etc.
Qu’en est-il de la cybercriminalité ? Avez-vous des laboratoires, des départements ?
Non. Pour la lutte contre la cybercriminalité, nous avons une organisation centrale au niveau du laboratoire scientifique et technique et il y a des cellules qui travaillent au profit des sociétés du Net. Ce type de criminalité est bien réel. On a eu à traiter plusieurs affaires.
Selon certains médias, la Libye envisage de recourir à des sociétés privées de sécurité. Des appels d’offres ont été publiés dans la presse. Cela vous inquiète-t-il ?
C’est un problème interne à ce pays, on n’a pas à s’immiscer ni à s’ingérer, et, sincèrement, je ne vois pas dans quelle mesure nous pourrions développer des inquiétudes.
Vous n’allez pas coopérer avec ces gens-là ?
L’interlocuteur qui sera désigné par le pouvoir libyen sera le bienvenu au niveau de la police algérienne.
Qu’en est-il de l’épineux dossier de la gestion des flux migratoires, conséquences des bouleversements géopolitiques dans la région ?
Le flux migratoire n’est pas un phénomène nouveau. Mais, pour nous, ce flux doit plus faire l’objet d’un traitement politique que d’un traitement policier. Nous exécutons les instructions qui émanent des pouvoirs politiques dans ce domaine. Néanmoins, la courbe du flux migratoire est ascendante, en provenance du Sahel principalement, où on n’a pas pu fixer les populations.
Vous avez des chiffres ?
Je n’ai pas de statistiques précises, mais les effectifs de ces migrants sont assez importants, particulièrement dans le Sud du pays et dans l’extrême Ouest, à Magniat, à la frontière avec le Maroc. Les migrants sont principalement des Africains. Nous sommes donc un lieu de transit vers l’Europe.
Comment traitez-vous ce phénomène ?
Des instructions précises émanant des pouvoirs politiques stipulent qu’il faudrait réserver un accueil normal et des conditions favorables pour ces Africains.
Concernant les relations en Méditerranée avec l’Europe, il existe un large flux de clandestins…
Il y a une convention avec les Français et avec les Espagnols qui stipule que nous devons récupérer nos clandestins, c’est-à-dire les immigrés algériens qui sont partis clandestinement, et le rapatriement se fait normalement. On ne gère que les clandestins algériens, pas les clandestins africains. Le phénomène est maintenant marginal. C’est une intervention tous les deux ou trois mois concernant quatre, cinq, six personnes.
Et pour les réfugiés syriens, qui semblent nombreux, comment les accueillez-vous ? Se fondent-ils dans la nature ?
Le nombre des réfugiés syriens en Algérie dépasse les 70 000. Ils ne peuvent pas se fondre dans la nature, comme vous dites. Ils se trouvent dans des endroits où ils sont encadrés et pris en charge convenablement sur tous les plans.
Dans des camps, comme en Turquie ou en Jordanie ?
Ce ne sont pas des camps, mais des centres d’accueil.
Ont-ils le droit de travailler ?
Si quelqu’un a une qualification, il peut travailler.
Y a-t-il des problèmes particuliers avec ces réfugiés, qui sont une vraie charge pour l’Algérie ?
Non, pas du tout.
Qu’en est-il de la coopération régionale ?
La sécurité dans notre zone doit être basée sur une dynamique régionale. J’entends par là qu’aucune police – qui ne peut exercer une mission qui ne lui soit dévolue – ne peut faire face à toutes les formes de criminalités en autarcie. Elle a besoin de l’aide et des informations qui émanent des pays voisins. Sincèrement je suis très satisfait des échanges d’informations qui se font à l’échelon régional ou à travers Interpol. Ce sont des échanges très actifs.