Ce n’est sans doute pas fortuit : le président Abdelaziz Bouteflika a choisi la journée du Chahid, traditionnellement réservée à la célébration du souvenir des résistants tombés en martyrs pendant la guerre d’indépendance contre le colonialisme français, pour célébrer l’exploit accompli par l’armée à In Amenas en janvier dernier. Celle-ci a mis en échec un commando terroriste lourdement armé, déterminé à faire le maximum de dégâts matériels et humains en faisant sauter le site gazier. Ce faisant, le chef de l’État a voulu établir une filiation entre ceux tombés les armes à la main pour libérer leur pays et ceux – qui pourraient être leurs petits-enfants – qui, dans la continuité, restent vigilants, prêts au sacrifice suprême pour écarter tout danger menaçant la patrie.
C’est le sens profond que le chef de l’État a tenu à donner cette année à son message annuel à l’occasion de la journée du Chahid. « Il n’est point exagéré de dire que la volonté qui a animé nos valeureux soldats dans la grande bataille de In Amenas contre les forces du mal et de la destruction est l’illustration du legs hérité des Chouhada », a-t-il souligné. « Les héros de la bataille d’In Amenas ont prouvé par leur efficacité, leur précision et leur professionnalisme qu’ils sont les successeurs incontestés et incontestables de nos valeureux Chouhadas et que l’Armée nationale populaire (ANP) est bien la digne héritière de l’Armée de libération nationale (ALN), ainsi que le porte-étendard de la victoire et du triomphe dans toutes les batailles dans lesquelles s’engage la nation pour protéger sa sécurité, sa stabilité et sa souveraineté », a ajouté le chef de l’État, qui s’est exprimé en sa qualité de ministre de la Défense et de commandant suprême des forces armées.
Celles-ci n’ont pas ménagé leurs efforts ces dernières années pour traquer et anéantir les groupes terroristes. Elles ont payé un lourd tribut à cette lutte implacable qui les a conduits à ratisser chaque coin et recoin du pays où des terroristes pouvaient se réfugier. Elles ont ainsi rendu possible et efficace la politique de réconciliation nationale fondée sur le pardon des repentis sincères qui ont décidé de répudier la violence, et l’extrême fermeté allant jusqu’au châtiment suprême à l’égard des récidivistes.
L’armée est aussi en première ligne pour la défense des frontières. Cette mission est déjà difficile en temps normal du fait du nombre et de la longueur de ces frontières qui s’étendent sur plusieurs milliers de kilomètres dans des milieux difficiles, désertiques et arides au sud, montagneux au nord. Elle s’est encore compliquée ces derniers mois par l’apparition de menaces générées par les mal nommés « printemps arabes », notamment dans les deux pays voisins, la Libye et la Tunisie. La guerre du Mali, conséquence immédiate de l’effondrement de l’État libyen et de la dispersion à grande échelle des arsenaux de guerre du colonel Kadhafi, n’en est qu’à ses débuts.
Le président Bouteflika, qui avait mis en garde les Algériens dès 2010 contre les conséquences désastreuses sur le Maghreb et le Sahel de ces « printemps arabes » et de leurs dérives, est revenu sur le sujet en appelant ses compatriotes à faire montre du maximum de vigilance et de patriotisme pour « faire face à ces événements déplorables ». « Ces événements démontrent la gravité de ce qui se trame derrière la scène », a-t-il répété, en faisant clairement allusion à l’offensive coordonnée menée par les islamistes et leurs soutiens arabes et occidentaux contre la Syrie. Il s’est en même temps déclaré confiant que les Algériens d’aujourd’hui comme ceux d’hier sauront opposer à toute tentative de déstabilisation de leur pays « l’amour de la patrie et le nationalisme si chers à nos valeureux Chouhada ».
Les autorités algériennes ont par ailleurs voulu adresser un signal fort à la communauté internationale en décidant de célébrer cette année l’anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février 1971, à In Amenas, sur les lieux de la prise d’otages. L’attaque s’était soldée par un échec total des terroristes qui, outre l’enlèvement de techniciens étrangers pour les utiliser comme monnaie d’échange, avaient programmé la destruction du site industriel. Refusant d’entrer dans leur jeu, les autorités, intransigeantes sur leur refus de tout chantage de la part du commando terroriste, avaient ordonné à l’armée de donner l’assaut après avoir vainement demandé aux assaillants de libérer les otages et de se rendre sans condition.
Le groupe armé a été pratiquement décimé (vingt-neuf de ses membres ont été tués) à l’issue de l’opération menée au sol par les forces spéciales, assistées par des forces héliportées dont la mission était de ne laisser aucune échappatoire à d’éventuels fugitifs. Les rares rescapés du commando terroriste ont été arrêtés. Ils devront répondre de leur crime. Après plusieurs jours d’angoisse, malgré les pertes humaines enregistrées, notamment parmi les otages étrangers (trente-sept morts), dont la plupart ont été exécutés par leurs ravisseurs, une tragédie plus grande encore a pu être évitée. Toutes les capitales du monde ont dû en convenir. La majorité d’entre elles ont tenu à marquer leur reconnaissance en envoyant un émissaire à Alger en signe de solidarité. De son côté, Alger a envoyé des émissaires présenter ses condoléances aux pays endeuillés.
Le calme aussitôt revenu sur le site, les premiers travaux ont commencé pour la remise en marche des installations. Elles n’ont été sauvées d’une destruction programmée que grâce à la présence d’esprit et au sang-froid des employés algériens qui les avaient mis hors pression dès le début de l’attaque terroriste. Moins de deux semaines plus tard, le PDG de la société nationale des hydrocarbures Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, pouvait annoncer la reprise de la production avant le 24 février. Elle a eu lieu à l’issue d’une cérémonie commémorative des nationalisations, en présence des représentants des compagnies associées à l’Algérie dans l’exploitation du site, la norvégienne Statoil et la britannique BP, ainsi que d’un grand nombre de cadres pétroliers algériens.
Dans un premier temps, seul le train N-1 qui, a réussi les tests techniques et de sécurité, sera remis en marche. Le site fonctionnera au tiers de ses capacités. La production devrait tourner autour de 30 millions de mètres cubes jour de gaz naturel, 24 millions de m3/j de gaz sec, 4 500 tonnes par jour de condensat et 3 500 t/j de GPL. Pour mémoire, à pleine capacité le site d’In Amenas, qui a coûté 2 milliards de dollars, est prévu pour produire 9 milliards de m3 de gaz annuellement.
L’inspection du train N-2, qui n’a pas été endommagé, est en cours, celle du train N-3, qui a lui subi des dégâts, devrait suivre. La reprise de la production à pleine capacité ne devrait pas tarder. En même temps, les systèmes de sécurité sur le site ont été revus et renforcés, en coopération avec les compagnies exploitantes qui en ont la charge. Avec pour objectif de rendre impossible une infiltration de quelque nature qu’elle soit.