Dans un entretien accordé au quotidien arabophone Al Khabar, publié le mercredi 14 mars, le premier ministre algérien Ahmed Ouyahia a survolé les questions de l’actualité algérienne et régionale. Élections, printemps arabes, cinquantenaire de l’indépendance.
En réponse à la question de savoir si l’Algérie était soumise à des pressions étrangères dans le cadre de ses réformes politiques, que l’Algérie « ne reçoit d’ordres de personne ». Selon M. Ouyahia, les révoltes arabes, qui ont renversé les pouvoirs en Tunisie, en Égypte et en Libye, ne sont pas spontanées. « Mais je ne méprise pas les peuples tunisien, libyen ou égyptien. Même l’Algérie a connu une période de chaos et de terrorisme. Il y avait la main de l’étranger dans tout cela. Est-ce que les événements en Syrie sont spontanés ? Pourquoi tout cet engouement pour l’intervention étrangère ? N’y a-t-il personne pour dire que leur grand enfant dans la région, Israël, a besoin d’un volcan ? », s’est-il interrogé.
D’après lui, le temps a donné raison à l’Algérie concernant sa position sur le dossier libyen. « Dans les relations internationales, il n’existe pas d’amour ou d’amitié, il y a des intérêts. L’Algérie traite avec les États, pas avec les régimes. Nous n’acceptons pas d’ingérence dans les affaires internes des pays. L’Algérie n’a pas soutenu des régimes contre les peuples. Nous respectons les peuples, donc nous n’intervenons pas dans leurs affaires », a-t-il justifié. D’après lui, l’Algérie, qui célèbre le cinquantième anniversaire de l’indépendance, a mené une révolution mondiale contre l’impérialisme. Cela n’empêche pas Ahmed Ouyahia d’aller à l’encontre des appels de « la famille révolutionnaire » sur l’obligation faite à la France, ancienne puissance coloniale, de présenter des excuses au peuple algérien sur les crimes commis durant les 132 années d’occupation du pays. « C’est un dossier politicien », a-t-il affirmé, rappelant le discours maintes fois répété sur « la page tournée et pas déchirée ».
Nous allons aux élections pour gagner
Le premier ministre a annoncé que les célébrations des festivités du cinquantenaire de l’indépendance seront entièrement algériennes. Le programme national de ces célébrations est coordonné par Mohamed Chérif Abbas, ministre des Moudjahiddines « Nous sommes une charika gadra [une société qui a les moyens, NDLR] », a déclaré Ahmed Ouyahia à propos de la présence du RND aux législatives du 10 mai 2012. « Nous y allons avec une détermination de vainqueur. Nous militons pour gagner les élections, sinon, nous fermerons les portes du parti. Je ne vais pas émettre une fatwa ou lire dans le marc de café pour prédire les résultats du vote. Je ne suis pas candidat à ces élections », a-t-il appuyé, précisant que la préparation des listes de candidatures sera achevée la semaine prochaine.
Ahmed Ouyahia a démenti l’existence de crise autour de ces listes, notamment à Tamanrasset. Il a appelé à participer massivement au scrutin. « Mais, il ne faut pas avoir honte d’un taux de participation modeste. En Tunisie, la Constituante a été élue avec un taux de 40 % de participation », a-t-il dit, saluant la décision du FFS de prendre part aux élections. « L’appel au boycott des législatives n’est pas un programme politique pour que ses auteurs puissent animer une campagne électorale. Je respecte la décision de Saïd Sadi de quitter la présidence de son parti mais je n’ai pas de commentaire à faire à ce sujet », a-t-il souligné. Le RCD et l’ex-FIS ont appelé à boycotter les législatives du 10 mai, pour des considérations politiques néanmoins différentes.
« Les martyrs du devoir national ont écrit dans la Constitution l’interdiction de l’utilisation de la religion à des fins politiques ou électorales. Depuis 1996, il n’existe aucun parti qui porte une appellation islamique, mais il existe encore ceux qui exploitent politiquement la religion. Je ne juge personne mais je dis aux Algériens, voulez-vous revenir aux années quatre-vingt-dix ? », a-t-il dit.
Le pôle des démocrates est éparpillé
D’après lui, le RND est un parti nationaliste qui pratique la politique avec une méthode algérienne et un esprit algérien. « Il existe une autre conception qui est connectée à d’autres planètes. Il y a un début d’activité politique au nom de la religion dans des pays voisins. Et lorsque l’on voit ce qui se passe à l’université, cela nous rappelle les événements de l’université dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix (…) Nous devons être vigilants. Nous sommes avec celui que le peuple a cautionné. Nous devons rester dans le cadre du cahier de charges politique que tout le monde a accepté. La compétition doit être honnête à travers des programmes de lutte contre le chômage. Apprendre aux Algériens la manière de faire les ablutions ou la prière est inacceptable », a déclaré Ahmed Ouyahia. Selon lui, les islamistes sont disciplinés en ce sens qu’ils iront, « grands et petits », voter le jour des législatives. « Ce n’est pas le cas de l’électeur démocrate. Le pôle des démocrates est éparpillé. Il s’auto-déchire. Je ne pense pas que les démocrates puissent se regrouper. Le RND a une certaine responsabilité. C’est l’échec d’une certaine culture politique. Cela exige une expérience. Nous ne sommes pas encore arrivés, en Algérie, à constituer des pôles politiques », a-t-il noté.
Ahmed Ouyahia a estimé que Bouguerra Soltani, leader du MSP, n’a pas le droit de critiquer le gouvernement, dont sa formation politique fait partie. « La politique ne signifie pas que vous jetez n’importe quoi n’importe quand », a-t-il dit. Il a salué le fait que les ministres du MSP n’aient pas quitté le gouvernement après le retrait de leur parti de l’Alliance présidentielle. Enfin, Ahmed Ouyahia a confié qu’il n’est pas du tout gêné par le qualificatif de « civil dans une tenue de militaire », qui lui est donné par ses détracteurs. « Je n’ai pas entendu des Algériens dire qu’ils haïssent l’armée. Nous rencontrons ceux qui disent qu’ils n’aiment pas le gouvernement. Mais jamais quelqu’un qui dise ne pas aimer l’armée. Dans les stades, les supporters lancent parfois, « djeich, ech-chaab maak.. » [l’armée, le peuple sont avec toi…, NDLR] », a-t-il lancé.