Depuis l’indépendance il y a cinquante ans, le mode d’exploitation des terres agricoles relevant de la propriété publique a traversé plusieurs phases. Chacune a correspondu à des nécessités ressenties sur le terrain. Selon de nouvelles dispositions, la concession à durée déterminée de quarante ans renouvelables, au lieu de quatre-vingt-dix-neuf ans précédemment, doit devenir le mode principal d’exploitation de ces terres, dont une grande partie avait été récupérée sur le colonat français. Les autorités souhaitent que les fils d’agriculteurs et les diplômés d’agriculture soient privilégiés dans leur redistribution. Outre l’accroissement du rendement et de la productivité des exploitations, l’un des autres objectifs de l’opération est le rajeunissement des exploitants et le repeuplement des zones rurales désertées, sous la menace notamment du terrorisme.
La conversion continue à avancer prudemment, à un rythme que certains candidats à la concession trouvent parfois lent. Les raisons en sont la sensibilité particulière des ruraux à ce patrimoine, la complexité des régimes juridiques de la terre agricole – véritable mille-feuilles – et des multiples litiges soulevés. Plus de 200 000 candidats à la concession agricole se sont manifestés, soit pratiquement la totalité des exploitants, tous régimes confondus, enregistrés au fichier de l’Office national des terres agricole (ONTA). Ce nouvel organisme est chargé depuis deux ans de la régularisation du foncier, de l’établissement des cahiers des charges et de la protection des terres agricoles, menacées par une urbanisation dévorante, souvent sauvage. Ponctuellement, l’ONTA a délivré des certificats de possession provisoires pour faciliter l’accès au crédit des candidats concessionnaires et démarrer l’exploitation. L’emprunt auprès des banques publiques est conditionné à des contrats de performance établis entre les exploitants et les autorités.
Il faut rappeler que, malgré son étendue, l’Algérie est constituée de 90 % de désert, dont une infime partie est cultivable à des conditions draconiennes. Exiguë, la surface agricole totale s’élève à quelque 49 millions d’hectares, répartis en parcours et terres steppiques (33,6 millions d’hectares), terres alfatières (2,8 millions d’ha) et forêts (4,3 millions d’ha). La surface agricole utile (SAU) ne représente que 8,5 millions d’ha, pour 35 millions d’habitants, un des ratios les plus faibles du Maghreb arabe. La SAU est divisée en 1,1 million d’exploitations employant 2,5 millions de personnes. L’agriculture contribue au PIB à hauteur de 10 %. La population rurale s’élève à 13 millions de personnes, dont 75 % constitués de jeunes de moins de 30 ans.
Depuis une quinzaine d’années, la promotion de l’agriculture et des zones rurales figure parmi les principaux axes de développement du pays, bien que ces deux chantiers stratégiques soient les moins connus de l’action publique. Les importantes réformes structurelles en cours tendent à assurer la remise à niveau des territoires agricoles et leur intégration dans la dynamique nationale de croissance. Les grandes orientations en avaient été fixées par le président Abdelaziz Bouteflika dans un discours prononcé en 2009 : « L’agriculture doit se transformer en véritable moteur de la croissance économique globale grâce à une intensification de la production dans les filières agroalimentaires stratégiques et grâce également à la promotion d’un développement intégré de territoires ruraux […]. Il faut faire de l’agriculture un véritable moteur de la croissance, du bien-être de toute la population, mais aussi de la sécurité alimentaire du pays, laquelle deviendra de plus en plus une affaire de sécurité nationale dans le monde d’aujourd’hui. L’enjeu en est la préservation de l’indépendance nationale […] et un développement stable et continu, dont l’agriculture constitue un moteur puissant, au service de nos jeunes générations. L’enjeu en est enfin l’aboutissement réel de ce long chemin qui nous a conduits à restaurer la liberté et à recouvrer la terre de nos ancêtres. »
Une enveloppe d’un milliard d’euros a été dégagée sur le budget de l’État pour financer le programme de développement du secteur pour la période 2010-2014. Sa mise en œuvre repose sur trois piliers : constitution de filières intégrées de l’amont vers l’aval industriel, promotion de la ruralité, renforcement de l’encadrement et formation de nouveaux acteurs aux diverses techniques de la lutte contre la désertification et de préservation des ressources naturelles dans une perspective de développement durable. L’amorce d’une révolution verte à travers l’introduction de nouvelles technologies et des principes directeurs du développement durable est une condition pour améliorer la sécurité alimentaire du pays, estiment les autorités. Durant les deux prochaines décennies, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, dans un effort complémentaire, pourront ainsi participer à l’allégement de la pression sur les importations alimentaires, et à la construction d’une économie diversifiée moins dépendante des hydrocarbures.