Répondant à l’invitation de son homologue algérien, le président de la République turque, Tayyip Erdogan, a effectué une visite officielle de deux jours en Algérie afin d’insuffler un nouvel élan aux relations entre les deux pays, déjà liés par un Traité d’amitié et de coopération. Au menu, l’approfondissement du partenariat économique.
Elle est loin, l’époque où la Turquie, dans sa version ottomane, fit main basse sur l’Algérie en 1514 (qui restera une province jusqu’en 1830) et celle où la Turquie, dans sa forme républicaine, multiplia les faux pas en s’abstenant à chaque fois que la souveraineté algérienne était évoquée à l’ONU dans les années 50 (devenue indépendante, l’Algérie attendra 15 ans avant d’envoyer un ambassadeur à Ankara).
L’apaisement date précisément de 1985, date à laquelle le Premier ministre turc, le très pragmatique Turgut Özal, a officiellement présenté ses excuses aux Algériens pour ce manque de perspicacité.
Aujourd’hui, la Turquie est un «partenaire stratégique» de l’Algérie au même titre que le Portugal, l’Espagne et l’Italie. Le président Bouteflika y a effectué une visite en 2005 alors que le Premier ministre Erdogan s’est rendu en Algérie à deux reprises, en 2006 et 2013. Un Traité d’amitié et de coopération, signé en 2006, a couronné le processus de rapprochement. Si l’on songe que le dernier chef d’Etat turc à avoir foulé le sol algérien a été Süleyman Demirel en 1999, le déplacement du président Erdogan revêt une importance certaine.
La priorité va à l’économie
Le voyage présidentiel a permis aux deux pays de prolonger de dix ans le contrat de livraison de gaz liquéfié algérien à la Turquie avec augmentation de 50% du volume. Mais c’est le dossier économique qui a constitué le clou des discussions.
Les opportunités ne manquent pas en Algérie. Les autorités viennent d’annoncer un plan quinquennal (2014-2019) de 260 milliards de dollars d’investissements.
Yazid Alilat écrit ainsi dans Le Quotidien d’Oran que «cette visite d’Erdogan aura incontestablement un cachet économique, et c’est en tant qu’ambassadeur des milieux d’affaires turcs qu’il entend donner le “tempo” à cette visite. » Il est clair que la Turquie veut devenir un acteur majeur dans l’économie algérienne où elle a déjà pris pied dans plusieurs secteurs d’activité, dont le BTP, le rail et la confection». Les échanges commerciaux, qui ont quintuplé depuis 2002, atteignant aujourd’hui 5 milliards de dollars, devraient grimper à 10 milliards en 2016.
Déjà en 2013, les deux chefs du gouvernement, Abdelmalek Sellal et Tayyip Erdogan, avaient inauguré la plus grande usine sidérurgique privée du pays à Oran. Aujourd’hui, la construction à Relizane dans le nord-ouest du pays d’un grand pôle industriel des textiles Tayal (société mixte) a été actée, une initiative qui devrait créer 25 000 emplois. Les chemises, jeans et bonnets confectionnés seront pour la majorité destinés à l’exportation.
L’Algérie privilégie l’industrie, la Turquie le commerce
Près de 200 sociétés turques sont présentes en Algérie, brassant des sommes qui peuvent atteindre 7 milliards de dollars. Les exportations de la Turquie vers l’Algérie sont issues essentiellement des secteurs de l’automobile, de la construction, du textile et de l’agro-alimentaire. Les exportations algériennes vers la Turquie sont composées principalement d’hydrocarbures, de produits chimiques et de matières premières pour le secteur textile.
Mais au-delà du commerce, l’Algérie privilégie l’investissement productif, avec transfert de savoir-faire et de technologie. La Turquie, elle, veut établir une zone de libre-échange.
«Un accord de libre-échange donnera une nouvelle dimension à nos relations commerciales, nous demandons sa conclusion aussitôt que possible tout en préservant les intérêts des deux parties», a déclaré Emre Aykar, président du conseil d’affaire algéro-turc lors du forum économique qui a réuni les entrepreneurs des deux pays.
Il reste que certaines restrictions dues aux cautions bancaires, aux visas ou à l’obligation de créer une société de droit algérien peuvent freiner les ardeurs de certains industriels turcs. D’autant plus que l’accès aux autres marchés de l’Afrique leur devient de plus en plus accessible. Le président Erdogan a ainsi prolongé son périple africain en participant au 2e Sommet Afrique-Turquie qui se tient à Malabo en Guinée équatoriale.
Zaman France