
Madame Alena Douhan lors de sa conférence de presse au siège de l’ONU à Damas, le 10 novembre 202. Sana
La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les effets négatifs des mesures coercitives sur l’exercice des droits de l’homme, Alena Douhan, n’a pas mâché ses mots à propos des crimes commis par les pays occidentaux contre le peuple syrien à travers des « sanctions » unilatérales qui constituent des « crimes de guerre » Elle a sommé ces pays, depuis Damas où elle venait d’effectuer une visite d’information de 12 jours qui vont servir à la rédaction d’un rapport complet qu’elle soumettra, en septembre 2023, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, basé à Genève, à « lever immédiatement » ces sanctions. Certes la date de parution est insupportablement tardive. Mais, comme dit le proverbe, mieux vaut tard que jamais.
Par Afrique Asie et agences
Saluons pour commencer le courage de Madame Alena Douhan, cette authentique combattante des droits de l’homme, qui n’a pas supporté l’hypocrisie des donneurs de leçons occidentaux, qui instrumentalisent la démocratie et les droits de l’homme, au service de leurs intérêts les plus vils : la destruction des États souverains et l’écrasement des populations. Ces pays, qui se décrivent comme « démocraties » et qui se permettent à ce titre de prétendre vouloir exporter leur droit-de-l’homisme à la planète entière, font en réalité le contraire de ce qu’ils disent. Souvenons-nous de Madleine Albright, l’ancienne secrétaire d’état américaine, Démocrate s’il en faut, qui, lors de l’émission «60 Minutes» de CBS News le 12 mai 1996, avait répondu sans sourciller à une question posée par une journaliste cherchant à savoir si les sanctions contre l’Irak, qui avaient causé la mort de plus de 500.000 enfants irakiens (chiffre dépassant le nombre de victimes d’Hiroshima), était défendables : «Je crois que c’était un choix très difficile, mais le prix… nous pensons que le prix en valait la peine.»
Ces sanctions qui « valaient la peine », selon Mme Albright avaient détruit l’Irak et sa population et avaient pavé la route à la deuxième guerre américaine contre l’Irak en 2003 qui, cette fois-ci, avait « renvoyé l’Irak à l’âge de pierre », selon la menace de son prédécesseur républicain James Baker.
Ces crimes contre l’humanité, aujourd’hui bien documentés, ont-ils poussé les États-Unis à renoncer à utiliser ces armes de destruction massive contre la population civile ? Que nenni. L’Occident collectif, qui a perdu toutes ses guerres d’agression contre les pays qui lui tiennent tête, continue à utiliser les sanctions, méthodes moyenâgeuses et barbares, qui ne sont pas sans rappeler les punitions collectives nazies, comme arme de destruction. Avec l’imposition unilatérale et illégale par les États-Unis de la loi César (Caesar Syrian Civilian Protection Act), promulguée en décembre 2019 par le président Donald Trump, une loi bipartisane imposant de lourdes sanctions destinées à empêcher la Syrie de se reconstruire, Washington persiste et signe. Pourtant il s’agit bel et bien d’un crime de masse contre l’humanité.
La rapporteuse onusienne chargée d’enquêter sur « les mesures coercitives unilatérales et les droits de l’homme », Alena Douhan, a pu, en se déplaçant en Syrie pendant 12 jours, a pu constater de ses propres yeux la monstruosité de cette politique génocidaire. En attendant de compléter son enquête, elle « a exhorté les États sanctionneurs (à savoir les États-Unis et leurs vassaux européens) à lever les sanctions unilatérales contre la Syrie, avertissant qu’elles perpétuent et exacerbent les destructions et les traumatismes subis par le peuple syrien depuis 2011. »
Le site officiel de l’Office des Nations-Unies sur les droits de l’Homme (https://www.ohchr.org/en/node/104160) rapporte certaines des déclarations d’Aléna Douhan qui font froid dans le dos :
« Je suis frappée par l’omniprésence de l’impact sur les droits de l’homme et l’impact humanitaire des mesures coercitives unilatérales imposées à la Syrie et par l’isolement économique et financier total d’un pays dont le peuple lutte pour reconstruire une vie dans la dignité, après la guerre qui dure depuis dix ans », a déclaré Mme Douhan.
Dans un communiqué publié à l’issue de sa visite de 12 jours en Syrie, la rapporteuse spéciale a présenté des informations détaillées sur les effets catastrophiques des sanctions unilatérales dans tous les domaines de la vie du pays.
90 % de la population syrienne, constate-t-elle, vit actuellement sous le seuil de pauvreté, avec un accès limité à la nourriture, à l’eau, à l’électricité, aux abris, aux combustibles de cuisson et de chauffage, aux transports et aux soins de santé, et elle a prévenu que le pays était confronté à une fuite massive des cerveaux en raison des difficultés économiques croissantes.
« Avec plus de la moitié des infrastructures vitales complètement détruites ou gravement endommagées, l’imposition de sanctions unilatérales sur des secteurs économiques clés, notamment le pétrole, le gaz, l’électricité, le commerce, la construction et l’ingénierie, a réduit à néant le revenu national et sapé les efforts de redressement économique et de reconstruction » constate-t-elle.
Dans une conférence de presse tenu dans les bureaux de l’Onu dans la capitale syrienne, Madame Douhan a précisé que les mesures unilatérales ont fortement affecté le secteur pharmaceutique syrien, ce qui a provoqué une pénurie, surtout en ce qui concerne les maladies chroniques et les équipements médicaux, et ont également affecté la disponibilité des équipements et des pièces nécessaires à la réhabilitation des réseaux d’eau potable et d’irrigation, ce qui porte des défis dangereux sur la santé publique et la sécurité alimentaire. Il faut rappeler que la Syrie, avant que la guerre planétaire contre elle ne fasse irruption en 2011 était un modèle d’autosuffisance dans le secteur de l’industrie pharmaceutique. 95% de ses besoins en médicaments étaient fabriqués en Syrie.
Douhan a ajouté que la violation des droits fondamentaux de l’homme ne peut être justifiée en se cachant derrière « les bonnes intentions des mesures unilatérales », appelant la communauté internationale à s’engager à la solidarité et à venir en aide au peuple syrien.
Elle a ajouté que les mesures coercitives imposées au peuple syrien constituent des crimes de guerre, appelant à les lever immédiatement.
Mme Alena Douhan déconstruit le système pervers des sanctions et le discours moralisateur des pays qui l’imposent.
« Le blocage des paiements et le refus des livraisons par les producteurs et les banques étrangères, associés aux réserves limitées de devises étrangères dues aux sanctions, ont provoqué de graves pénuries de médicaments et d’équipements médicaux spécialisés, notamment pour les maladies chroniques et rares. » « La réhabilitation et le développement des réseaux de distribution d’eau potable et d’irrigation, prévient-elle, sont au point mort en raison de l’indisponibilité des équipements et des pièces de rechange, ce qui a de graves répercussions sur la santé publique et la sécurité alimentaire. »
« Dans la situation humanitaire actuelle, dramatique et qui continue de se détériorer, alors que 12 millions de Syriens sont aux prises avec l’insécurité alimentaire, je demande instamment la levée immédiate de toutes les sanctions unilatérales qui portent gravement atteinte aux droits de l’homme et empêchent tout effort de relèvement rapide, de reconstruction et de reconstruction (…). Aucune référence aux bons objectifs des sanctions unilatérales ne justifie la violation des droits humains fondamentaux. La communauté internationale a une obligation de solidarité et d’assistance envers le peuple syrien », martèle-t-elle.

– L’hôpital al-Kindi était le plus grand établissement hospitalier public non seulement à Alep mais dans l’ensemble du Proche-Orient. Il disposait de 800 lits et du plateau technique le plus performant de la région. Il a été entièrement détruit en janvier en 2013 lors d’une attaque au camion suicide, revendiquée par trois groupes terroristes : Jabha al- Islamiya, al-Nosra et Fair al-Sham Islamiya. La Loi César empêche la Syrie de le reconstruire. DR
Alena Douhan a également traité d’autres questions mettant en évidence l’impact négatif multiforme des sanctions, notamment la coopération internationale dans les domaines de la science, des arts, des sports, de la préservation du patrimoine culturel national et de la restitution des objets culturels, de l’accès aux nouvelles technologies, du cyberespace et des plateformes d’information en ligne, de la criminalité et de la sécurité régionale/internationale, ainsi que la question des avoirs étrangers gelés des institutions financières et autres entités syriennes. »
Pour finir Alena Douhan a lancé à la face de l’humanité dite « civilisée et démocratique » ce SOS : J’exhorte la communauté internationale et les États sanctionneurs en particulier, à tenir compte des effets dévastateurs des sanctions et à prendre des mesures rapides et concrètes pour remédier au non-respect des règles par les entreprises et les banques, conformément au droit international des droits de l’homme ».
Reprenant les mots de l’un de ses interlocuteurs, qui font écho à de nombreux autres, la rapporteuse onusienne le cite, atterrée : « J’ai vu beaucoup de souffrances, mais je vois maintenant l’espoir mourir ».
Au cours de sa visite, l’experte des Nations unies a rencontré des représentants d’institutions gouvernementales nationales et locales, d’organisations non gouvernementales, d’associations, d’acteurs humanitaires, d’entreprises, d’entités des Nations unies, d’universités, de chefs religieux et d’organisations confessionnelles, ainsi que de la communauté diplomatique. En plus de la capitale Damas, elle a également visité la ville de Homs, la zone rurale de Homs et la zone rurale de Damas.
Afrique Asie, agences et site de l’Office des Nations-Unies des Droits de l’Homme l’Onu