Une piqûre de rappel semble être nécessaire dans ce monde qui semble douter de tout. A savoir qu’en ce qui concerne Al-Qaida, la « bête » n’est pas morte, elle mute en permanence, faisant preuve d’une capacité d’adaptation particulièrement remarquable.
L’organisation terroriste salafo-djihadiste initiée par Oussama Ben Laden dans les années 1990, alors qu’il était réfugié au Soudan, a certes reçu des coups extrêmement durs dans le passé, mais, elle est loin d’avoir disparu. Son objectif, l’établissement d’un califat mondial, s’il est toujours présent dans l’esprit de ses leaders, a cependant évolué avec le temps. En effet, le docteur Al-Zawahiri, qui dirige la nébuleuse depuis le décès en mai 2011 de son chef historique, n’est pas fou. Il est même très pragmatique. Il s’est bien rendu compte que le but fixé par Ben Laden ne pourrait être atteint dans les années à venir, mais qu’il faudrait sans doute compter des générations pour y parvenir. Peu lui importe car le temps a, à se yeux, une autre valeur que pour les Occidentaux qui vivent dans l’immédiat ou dans le très court terme. Il est donc revenu à des objectifs plus réalisables pour l’instant : l’établissement de pouvoirs salafistes dans les Etats qui sont actuellement en train de vaciller, c’est-à-dire qu’il se concentre sur l’« ennemi proche » (al-Adou al Qareeb), par opposition à l’« ennemi lointain » (al-Abou al-Baeed), soit les Etats-Unis et leurs alliés.
Les points prioritaires sur lesquels porte aujourd’hui l’effort d’Al-Qaida sont ceux où il est possible de faire une exploitation habile des situations locales, particulièrement les Etats ayant connu une « révolutions arabe » :
le front irako-syrien qui, à ses yeux, ne fait plus qu’un ;
le Liban ;
le Yémen ;
le Sinaï et l’Egypte dans son ensemble ;
la Libye ;
la Tunisie.
Bien que la situation soit actuellement moins favorable, plusieurs régions sont aujourd’hui âprement disputées :
le Sahel, avec une extension possible vers l’Afrique noire ;
la Somalie.
Enfin, des régions sont des zones de guerre larvée où l’objectif consiste à maintenir un climat d’insécurité et à réorganiser les forces en fonction de combats futurs que l’hydre islamique radicale devra mener :
le Caucase ;
l’Extrême-Orient et plus particulièrement les Philippines.
Bien sûr, Al-Qaida reste à l’affût de toute opportunité qui pourrait se dévoiler en raison de l’instabilité de plus en plus chronique que connaissent les Etats d’Afrique, du Proche et Moyen-Orient, en raison des difficultés économiques croissantes résultant de la crise mondiale, laquelle risque de s’aggraver encore dans les mois à venir. En effet, les pronostics optimistes de certains politiques sont battus en brèche par de nombreux experts économiques. Les populations musulmanes de plus en plus pauvres sont des terreaux où le discours salafo-jihadiste rencontre un écho qui ne cesse de croître. Le désengagement progressif des Etats-Unis de ces zones, lesquelles intéressent de moins en moins Washington – qui de toute façon, n’a plus les moyens de gérer la situation -, offre des opportunités inédites à tous les extrêmes.
Pour Al-Qaida, les adversaires prioritaires sur le terrain sont les régimes musulmans jugés comme « impies ». La nouveauté réside dans le fait que les Frères musulmans sont désormais officiellement considérés comme des traîtres, car ils ont directement participé à la vie politique démocratique honnie car inspirée par les « mécréants » (les Occidentaux). Ils risquent de subir les foudres de ce que Al-Zawahiri considère comme la « puissance divine ». La Turquie, qui est très proche de la confrérie, risque d’en subir les conséquences dans un avenir proche. Parallèlement, tous les chiites sont estimés comme les ennemis principaux des salafistes (qui sont sunnites) car ils sont jugés comme des hérétiques. En résumé, les salafo-jihadistes d’Al-Qaida sont désormais en guerre contre une grande partie du monde musulman : les pouvoirs en place, les Frères musulmans et les chiites !
Bien sûr, les Occidentaux, les Russes, les juifs ne sont pas oubliés. Ils sont classés comme des cibles à abattre mais, faute de pouvoir les affronter directement pour l’instant par manque de moyens opérationnels suffisants, seuls des coups d’épingle de type actions terroristes – certes parfois spectaculaires – sont actuellement de mise. Pour ces dernières, les branches locales d’Al-Qaida ou des mouvements affiliés, sont appelées à agir, quand elles le peuvent, contre les intérêts expatriés qui constituent des objectifs atteignables. En ce qui concerne les attentats « à domicile » (aux Etats-Unis, en Europe, en Russie), seuls des individus résidants sur place, embrigadés via la propagande faisant rage sur le net, sont encouragés à lancer des opérations offensives.
Le front irako-syrien, la terre de djihad du moment
Prenant en compte la situation internationale, Al-Qaida estime que le front Irako-syrien est aujourd’hui la terre de djihad prioritaire. En conséquence, la nébuleuse y dépêche de nombreux volontaires. En même temps, les recrues étrangères arrivant sur place en raison de l’intense campagne médiatique qui a eu lieu à propos de ce conflit, sont aspirées par des unités affiliées peu ou prou à Al-Qaida. Ainsi, selon des estimations américaines, il y aurait aujourd’hui quelques 130 000 combattants étrangers en Syrie. Les Tunisiens ont été les premiers à arriver, suivis de Libyens, de Saoudiens, d’Egyptiens, de Palestiniens, puis de Libanais. Des dizaines d’Occidentaux seraient également présents dont des Européens – particulièrement des Français, des Allemands, des Belges, des Suédois, des Britanniques, des Espagnols, des Danois, etc. En fait, plus de 40 nationalités seraient représentées. Les Tchétchènes seraient aujourd’hui majoritaires et les Américains seulement quelques dizaines. Pour le plus grand malheur des insurgés, le pouvoir en place à Damas appuyé par Téhéran, le Hezbollah libanais et, indirectement, par Moscou, fait preuve d’une capacité de résilience inattendue. De plus, les Kurdes syriens, qui ont gagné sans se battre leur autonomie dans le Nord-Est du pays, s’opposent farouchement aux salafo-jihadistes dont ils refusent l’extrémisme.
En Irak, les attaques coordonnées des prisons d’Abou Ghraib et de Taji, le 21 juillet dernier – elles ont permis l’évasion de plusieurs centaines de prisonniers dont de nombreux membres d’Al-Qaida – sont particulièrement symptomatiques. Ces opérations, soigneusement préparées, ont débuté par des émeutes intérieures qui ont attiré les gardiens, puis ont été suivies d’assauts conduits depuis l’extérieur, appuyés par des kamikazes. Les forces de sécurité appelées en renfort sont tombées dans des embuscades qui les ont empêché d’intervenir rapidement. Ces opérations militaires parfaitement maîtrisées ont démontré, une fois de plus, le professionnalisme et la détermination des activistes d’Al-Qaida, organisation pourtant annoncée en voie de disparition par beaucoup d’observateurs avisés. En plus de récupérer de nombreux djihadistes aguerris, ces actions spectaculaires ont permis de regonfler le moral des activistes qui savent qu’ils ne sont pas abandonnés par leurs frères quand ils se font arrêter. Abou Bakr al-Baghdadi, l’émir d’Al-Qaida, avait bien prévenu en juillet 2012 en annonçant la campagne « Détruisons les murs » destinée à « libérer les prisonniers musulmans où qu’ils se trouvent ». La chose est faite et pourrait bien se dérouler ailleurs. Le cas s’est d’ailleurs produit à Benghazi, en Libye, où les 1 200 détenus de la prison d’al-Kwyfah ont été « libérés » le 27 juillet 2013. Cette action a ensuite été répétée à la prison Ismail Khan de Dera, au Pakistan le 30 juillet. 200 prisonniers auraient été libérés lors de l’assaut lancé par une unité qui se fait appeler Ansar al Aseer. Formée par les Taliban pakistanais et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO), elle est particulièrement chargée de libérer les prisonniers.
Comment est structuré Al-Qaida aujourd’hui ?
Aujourd’hui, l’organisation est structurée en 3 entités.
Al-Qaida « central »
Al-Qaida « central » regroupe autour d’Al-Zawahiri quelques centaines de d’individus réfugiés en zone AFPAK (zone frontalière afghano-pakistanaise). Héritière de l’ancien « conseil » qui comportait plusieurs « comités », la nouvelle direction de la nébuleuse est surtout le centre idéologique du mouvement dont les membres les plus en vue sont Abou Zayd al-Kuwaiti, Hamza al Ghamdi (saoudien), Abd-al-Rahman al-Maghrebi (marocain), Adam Gadahn (américain) et Adan el Shukrijumah. Cet organisme se charge de l’idéologie, de la propagande – en particulier sur le net – et des grandes orientations destinées aux forces djihadistes présentes à l’étranger. Elle assure également la gestion des « extrémistes islamiques autoradicalisés » comme les frères Tsarnaev, responsables des attentats de Boston (avril 2013) et des sympathisants vivants dans le monde entier, plus particulièrement au sein des pays occidentaux.
Malgré les difficultés, « Al-Qaida central » parvient à communiquer en direction de ces derniers en utilisant largement la toile. Un personnage influent, qui résidait au Yémen mais qui semble avoir dépendu d’« Al-Qaida central », était le prédicateur américano-yéménite Anwar al-Awlaki, qui a été un des créateurs de la revue rédigée en anglais Inspire. Même après sa transformation en « chaleur et lumière » par un drone américain en décembre 2011, les idées qu’il a véhiculées sur la toile ont influencé nombre de « loups solitaires[1] ». Il est vrai que la communication est très majoritairement à sens unique, les sympathisants étant dans l’impossibilité technique de répondre. Parfois, un dialogue parvient toutefois à être engagé. C’est ce qui s’est passé en avril-mai 2013 lorsque Al-Zawahiri a échangé des messages avec des mouvements affiliés implantés en Irak et en Syrie.
Il est intéressant de remarquer que, sur ordre ou de leur propre initiative, les salafo-jihadistes présents en Occident ont actuellement tendance à fuir les mosquées, les lieux de prières et les clubs de sports, car ils sont jugés trop surveillés par les autorités. Les activistes se regrouperaient désormais dans des lieux plus discrets. Experts dans le maniement des medias, « Al-Qaida 2.0 » comme on l’appelle aujourd’hui, suit à la lettre les préceptes du docteur Al-Zawahiri qui déclarait en 2005 dans une lettre adressée à feu Mousab al Zarkawi : « je vous le dit : vous menez une bataille et plus de la moitié de cette bataille est dans le domaine des medias ».
Sur le plan purement opérationnel, « Al-Qaida central » lance des actions en Afghanistan, au Pakistan et, dans une moindre mesure, en Inde. La terre de djihad que représente l’Afghanistan est ancienne. Avant les attentats du 11 septembre 2001, Ben Laden avait formé la 55e brigade arabe pour aider les taliban durant la guerre civile qui faisait alors rage. Disloquée lors de l’invasion américaine de décembre 2001, elle a été reconstituée dans un ensemble paramilitaire surnommé Laskhar al Zil (L’armée de l’ombre). Cette unité est toujours active aujourd’hui aux côtés de l’Union djihadiste islamique, un groupe qui dépend du MIO, du Parti islamique des l’Est turc (PIET) et du réseau Haqqani.
Paradoxalement, une branche d’Al-Qaida serait toujours présente en Iran, sous la direction du Yéménite Muhsin al Fadhli. Il faut se rappeler que de nombreux activistes d’Al-Qaida – ainsi que des membres de la famille Ben Laden – ont trouvé refuge en Iran lors de l’intervention américaine de fin 2001en Afghanistan. Longtemps, une figure historique du mouvement a résidé en Iran : l’Egyptien Saif al-Adel. Ce dernier aurait quitté ce pays, mais nul ne sait où il se trouve aujourd’hui. Deux autres importants responsables – qui pourraient éventuellement remplacer Al-Zawahiri en cas d’« empêchement » de ce dernier – sont Abou Khayr al-Masri et Abou Mohammad al-Masri. Il est évident que cette branche d’Al-Qaida est placée sous la surveillance étroite des Gardiens de la révolution (Pasdaran) et qu’elle ne peut agir sans l’aval du régime des mollahs. Etant donnée l’augmentation constante des violences commises par les sunnites contre les chiites dans l’ensemble du Proche-Orient, il est probable que la liberté d’action de la branche iranienne d’Al-Qaida est plus que limitée. Téhéran la garde vraisemblablement au cas où elle pourrait se révéler utile pour ses propres intérêts.
Les mouvements « affiliés »
Ce sont les mouvements qui ont fait allégeance à Ben Laden, puis à son successeur Al-Zawahiri. Même de manière imparfaite, et souvent avec beaucoup de délais, ces entités communiquent avec « Al-Qaida central ». Parfois, des représentants de la structure de commandement ont même rejoint les mouvements « affiliés » pour leur apporter une aide opérationnelle, notamment dans le maniement des explosifs. La maison-mère se comporte alors comme un sorte de « syndicat ». L’ancien secrétaire à la Défense américain, Robert Gates, déclarait en 2010 : « une victoire d’un de ses membres est une victoire pour l’ensemble ». La liste de ces mouvements « affiliés » est longue.
– Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA), dirigé par Abou Basir Nasir al-Wuhayshi, l’ancien secrétaire de Ben Laden. Ce mouvement est présent au Yémen mais mène aussi quelques actions terroristes à l’étranger ;
– Al-Qaida en Irak (AQI), aussi surnommé l’Etat islamique d’Irak (EII) ; commandé par Abou Bakr al-Baghdadi alias Abou Du’a ;
– Le Front Al-Nusra en Syrie[2], d’Abou Mohammed al Jawlani ;
– Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) d’Abdelmalek Droukdel ;
– Les Shebabs somaliens, qui ont été affaiblis en juin de cette année quand deux leaders historiques – Ibrahim Haji Jama Mead et Abul Hamid Hashi Olhayi – ont été liquidés pour insubordination par Ahmed Abdi Godane. Le représentant d’Al-Zawahiri auprès des Shebabs serait un citoyen américain surnommé Jehad Mostafa.
Tous les mouvements affiliés jouissent d’une indépendance d’action quasi-totale. En effet, « Al-Qaida central » n’est pas en mesure de dicter ses ordres. Il ne peut procéder que par « recommandations ». Cela a été constaté lors de la guerre d’influence que se sont livrés les leaders d’AQI et de la force Al-Nusra. Les mouvements affiliés sont lancés dans des guerres à but localisé pour tenter de renverser les pouvoirs « impies » en place et les remplacer par des Etats islamiques respectant la charia. Ils ont également reçu pour mission de s’attaquer, quand cela était tactiquement possible, aux intérêts étrangers installés sur place, en particulier occidentaux et israéliens
Les mouvements indépendants
Ces mouvements sont indépendants mais revendiquent des liens privilégiés avec Al-Qaida.
– Boko Haram n’est pas organiquement affilié à Al-Qaida et poursuit des buts essentiellement nationalistes au Nigeria. Toutefois, ce mouvement a développé, dans le passé, des relations avec AQMI, les Shebabs et AQPA, afin d’augmenter ses capacités opérationnelles, en particulier dans le domaine des actions terroristes.
– Ansar al-Sharia (« Les partisans de la Charia »), présent en Egypte, en Libye et en Tunisie, recouvre 3 mouvements qui portent le même nom mais qui, pour le moment, semblent indépendants les uns des autres bien que l’idéologie salafo-jihadiste les rapproche.
Ainsi, Ansar al-Sharia en Tunisie est emmené par Seifallah ben Hassine – alias « Abou Iyad le Tunisien » -, reconnu comme terroriste par les Nations unies. Ce mouvement est responsable des attaques déclenchées le 14 septembre 2012 contre la représentation diplomatique américaine dans le pays et, vraisemblablement, à l’origine des assassinats de deux opposants laïques en février et juillet 2013. Il convient aussi de souligner que 11 des 32 terroristes tués sur le site gazier algérien d’In Amenas, en janvier 2013, étaient des Tunisiens. Enfin, la Tunisie accueillerait sur son sol des combattants internationalistes ayant quitté le Sahel suite aux opérations militaires françaises du début de l’année.
Ansar al-Sharia en Egypte est dirigé par des anciens leaders du Djihad islamique égyptien, dont Mohammed Al-Zawahiri, un jeune frère du chef actuel d’Al-Qaida.
Ansar al-Sharia en Libye serait emmené par Abou Anas al-Libi – lequel s’est illustré lors des attentats de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya – et Faraj al Chalabi. Ce dernier, dont l’identité exacte n’est pas connue, aurait été impliqué dans l’attaque dirigée contre le consulat américain de Benghazi, le 11 septembre 2012. D’autres groupes portent des noms différents sans que l’on sache bien à qui les rattacher (le réseau Muhammad Jamal). La Libye présente la caractéristique d’être une zone grise où le Sud et l’Est sont totalement incontrôlés. Beaucoup de services de renseignement s’intéressent à ce qui se passe dans ces zones qui seraient tenues par des tribus et des groupes salafio-jihadistes dont certains dépendent d’AQMI. De plus, de nombreux trafics, dont ceux des armes et de la drogue, s’y dérouleraient et apporteraient les subsides nécessaires à Al-Qaida. Pour l’instant, aucun fait concret n’est venu recouper ces informations.
– Au Pakistan, Al-Qaida a contribué à la création du Tehrik-e Taliban (TTP) – aussi appelé « Les taliban pakistanais » – dirigé par Hakimullah Mehsud. Ce mouvement a gardé des relations symbiotiques avec son mentor.
D’autres mouvements pakistanais entretiennent des relations étroites avec Al-Qaida comme le Harkat-ul-Jihad-al-Islami (HUJI), le Harakat-ul-Muhahideen (HUM), le Jaish-e-Mohammed (JeM), le Laskhar-e-Jhangvi (LeJ) et le Lashkar-e-Taiba (LeT). Il est à noter que, non contents de vouloir renverser le pouvoir d’Islamabad, les mouvements islamistes radicaux pakistanais appellent les musulmans indiens à se soulever et sont, bien sûr, très présents aux côtés de leurs frères afghans. Des Pakistanais auraient également rejoint la Syrie, mais vraisemblablement de leur propre initiative. Il n’empêche que des leaders islamiques reprennent cela à leur compte à fins de propagande interne. Ainsi, un certain Mohammad Amin se serait autoproclamé « coordinateur » des taliban pakistanais en Syrie, affirmant même y avoir ouvert des camps d’entraînement.
Menaces contre la France
Dans certaines régions de la planète, la France est devenue l’ennemi numéro un d’Al-Qaida, devant même les Américains et les Israéliens[3]. C’est le cas au Sahel où les activistes d’AQMI ne rêvent que de prendre leur revanche car ils ont mal digéré le camouflet reçu au début de l’année 2013. Il faut reconnaître qu’après une opération militaire brillantissime, Paris est parvenu à assurer la suite immédiate, en organisant des « élections démocratiques[4] » qui peuvent apporter un semblant de légitimité au pouvoir malien. Pour le moment, AQMI et consorts – qui semblent particulièrement « sonnés » – sont aux abonnés absents. Il faudra attendre le départ de l’armée française pour voir la suite qui risque de ne pas être rose. Il n’en reste pas moins pour les salafo-jihadistes que la seule manière de réplique est l’attentat terroriste contre des intérêts français au Sahel et plus largement en Afrique. Même son de cloche au Proche-Orient, particulièrement au Liban. Mais, dans ces contrées, la France est placée sur pied d’égalité, en tant que cible potentielle, avec les Etats-Unis et Israël. Quant à l’attentat à domicile, l’apparition d’un ou plusieurs « loups solitaires » n’est pas à exclure, surtout si les combattants internationalistes commencent à rentrer au pays[5].
Les méthodes pour contrer ces menaces sont connues mais, par souci de discrétion et d’efficacité, ne sont pas l’objet de cette note. Il faut uniquement que les citoyens français soient persuadés d’une chose, les salafo-jihadistes d’Al-Qaida et leurs affidés[6] ne nous aiment pas et on peut les comprendre. D’ailleurs, ils n’aiment pas grand-monde, même dans le monde musulman !
NOTES
[1] L’expression « loups solitaires » est contestée. Pour l’auteur, il s’agit d’individus agissant seuls ou en groupes restreints, mais n’entretenant pas de relations hiérarchiques avec Al-Qaida. Cela ne veut pas dire que certains d’entre eux, comme Mohamed Merah, n’ont pas effectué de « voyage initiatique » en zone AFPAK. Généralement, ils suivent avec assiduité les informations émises par leurs mentors idéologiques sur le net.
[2] Au printemps 2013, les émirs d’Al-Qaida en Irak et de Jabhat al-Nousra en Syrie, se sont disputés la suprématie des deux mouvements, le leader d’AQI affirmant qu’il dirigeait les deux entités sous la bannière de l’« Etat islamique d’Irak et du Levant ». Al-Zawahiri est intervenu personnellement afin de demander à ce que les deux mouvements restent indépendants et ne rendent compte qu’à lui. Devant les réticences du chef d’AQI, il a dépêché le vétéran du djihad, Abou Khalid al Suri, dans la région.
[3] Ce qui ne signifie pas que ces derniers ne sont pas menacés, mais ils ne sont pas alors placés en priorité principale.
[4] Très imparfaites selon les critères en vigueur dans le monde occidental, mais indispensables pour permettre la légitimité du pouvoir de Bamako au niveau international.
[5] Le cas du Franco-Tunisien Boubakeur el-Hakim, l’assassin présumé de Mohamed Brahmi en juillet et de Chokri Belaid en février, deux membres de l’opposition tunisienne, est préoccupant. En effet, en 2008, el-Hakim a été condamné à 7 ans de prison en France pour avoir organisé une filière de combattants internationalistes en Irak. Il aurait très bien pu commettre des actes « à la Merah » en France. A noter qu’il est actuellement en fuite !
[6] Les salafistes-jihadistes sont minoritaires parmi les populations musulmanes. Le problème réside dans le fait qu’ils sont totalement incontrôlables, même par leurs pairs qui souhaitent un retour à l’islam d’origine, mais sans violence (les piétistes). En effet, ils ne reconnaissent aucune autorité, même morale, pensant détenir « la vérité ». En rupture totale avec la société, avec leurs origines et le culte musulman tel qu’il est pratiqué normalement et paisiblement, ce sont des déracinés qui ne rêvent que de finir en martyrs
Source : C2FR
https://www.cf2r.org/fr/notes-actualite/situation-al-qaida-a-ete-2013.php
Note d’actualité N° 319
01-08-2013