Les défaites de L’État islamique en Irak et en Syrie font peser une menace nouvelle sur l’Afrique subsaharienne.
Les défaites de l’État islamique, notamment avec la reprise de la ville de Mossoul, en Irak, et les pertes nombreuses enregistrées par les djihadistes depuis un trimestre, ont fortement compromis ses ambitions, à la fois territoriales mais aussi humaines. Au début du mois de juillet, selon l’institute of Security Studies, organisme d’études stratégiques basé en Afrique du Sud, le groupe aurait perdu 60 % de son territoire et 80 % de ses revenus. Toutefois, ce déclin ne signifie pas la fin du groupe terroriste.
Selon le 5ème rapport du Secrétaire général des Nations unies sur « les menaces représentées par Daech pour la paix et la sécurité, en date du 31 mai 2017, de nouvelles menaces pour l’Afrique émergent de l’actuelle situation en Irak et en Syrie. En Europe, ce sont désormais les « loups solitaires », c’est-à-dire des individus isolés, déconnectés de l’organisation et agissant selon un tempo qui leur est propre, qui sont à craindre. En Afrique subsaharienne, ce sont au contraire les groupes armés qui deviennent redoutables et ce, d’autant plus que les États sont faibles et désorganisés. Évidemment, c’est à la Libye que pensent les spécialistes et, dans une moindre mesure, à la Somalie.
À mesure que les nations alliées progressent dans leur reconquête de la Mésopotamie, les combattants fuient ce qu’ils commencent à considérer comme une zone perdue. Sous l’aspect et l’identité de réfugiés, soit ils retournent dans leur patrie, soit ils rejoignent d’autres groupes armés déjà affiliés à l’État islamique. Les spécialistes estiment qu’il y a environ 10 000 combattants qui ont regagné l’Afrique du nord pour renforcer les formations existantes.
C’est la compétition entre l’État islamique et Al-Qaeda qui alimente ce flux. Depuis 2014, Daech a entrepris une campagne de propagande qui s’appuie sur ses succès sur les champs de bataille, sur ses prises de contrôle de vastes pans de territoire, sur sa bonne santé financière, le tout sur fond de proclamation du califat.
Toutefois, les récents revers ont mis à mal cette rhétorique, tout comme l’augmentation graduelle du volant d’action d’Al-Qaeda en Afrique subsaharienne. Mais l’État islamique n’a pas dit son dernier mot, bien au contraire. Alors que son objectif initial était moyen-oriental, et non africain, ces derniers mois ont changé la donne. À travers et grâce à des réseaux d’influence en Afrique de l’ouest, du nord et de l’est, de mieux en mieux structurés et de plus en plus efficace, Daech a gagné des soldats dans tout le Maghreb : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Égypte. Désormais, les analystes chiffrent à 10 000 au minimum le nombre de combattants affiliés effectivement à Daech. C’est désormais le lieu de prédilection pour le regroupement des hommes et la mise au point d’opérations ultérieures.
Mais si le message trouve des oreilles attentives en Afrique du nord, il n’en est pas encore de même dans la zone subsaharienne. Si Boko Haram a prêté allégeance en 2015, le groupe ne dépend pas du tout de Daech pour ses ressources financières et sa logistique opérationnelle. Il en va de même pour le recrutement, qui se fait essentiellement dans le nord-est du Nigeria et sur les pourtours du lac Tchad. En Afrique de l’est, une fraction des Shabaab a prêté allégeance à Daech également en 2015, mais elle n’a pas réussi à s’imposer en Somalie. Quant à l’Afrique centrale et australe, il n’y en a pour l’instant nulle trace.
Pour autant, les États de ces régions ne doivent pas baisser leur garde. La coopération militaire sous-régionale reste, faute de mieux, la meilleure méthode pour contenir l’influence des groupes déjà constitués. Les hommes politiques sont également appelés à être vigilants sur les questions qui servent à Daech pour convaincre les jeunes – et les moins jeunes – de s’enrôler dans leurs troupes, et à continuer à lutter contre la corruption et pour l’établissement d’États de droits, à respecter les droits humains et à éviter toute opération de répression discriminatoire à l’encontre d’une ethnie particulière, ou d’une communauté religieuse. Car c’est là qu’est le fondement de la propagande de Daech, qui se nourrit de la colère et du ressentiment et manipule ceux que la déraison égare.